Marées est un court roman qui offre à ses lecteurs une histoire bien ancrée dans le réel, où l'on est amené à suivre la reconstruction psychologique et physique de Mara.
La protagoniste du livre vient s'échouer dans une ville balnéaire, avec ses maigres économies et des douleurs plein la tête : des douleurs dues à la perte, à l'incompréhension, à une addition trop chargée de chagrins et de remords. Sur la ligne de crête, Mara pourrait basculer : la vie ne lui fait pas de cadeau, mais Mara elle-même ne s'en fait pas beaucoup, de cadeaux. Elle est dure, avec son passé, avec son présent, avec les autres, avec ses souvenirs ou avec ses espoirs. Après avoir un peu erré, à la limite de la perdition, quelques rencontres lui redonnent un soupçon d'espoir, elle a même l'opportunité de travailler dans la boutique de Simon. Lui aussi porte sur ses épaules le fardeau d'une vie inachevée, douloureuse, pour des raisons bien différentes de celles de Mara. Cependant une blessure reste une blessure, peu importent les raisons. Simon et Mara apprennent à collaborer, s'apprivoisent mutuellement, se dévoilent certains pans de leurs histoires respectives. Et pendant ce temps les vagues continuent leur incessant aller-retour vers la Terre, la ville continue de vivre au rythme des saisons, l'alternance des joies et des peines continue son inexorable avancée, les désirs succèdent aux désillusions avant de leur céder à nouveau la place. À moins que ce ne soit l'inverse...
Ces tranches de vie, ces aventures terriblement banales, pourraient n'être qu'une peinture supplémentaire d'une Amérique marginalisée où l'individu peut se perdre anonymement, dans la plus grande indifférence. Cependant les marrées intérieures, ces mouvements incessants du mental et de l'égo, qui bousculent Mara, Simon, mais aussi un peu tout le monde, rendent le livre intéressant, assez attachant. le style de
Sara Freeman est dépouillé, sobre, incisif aussi. de temps à autre un peu de poésie vient éclairer l'histoire, mais les détails ne sont pas légion, les descriptions restent à la surface. Chaque mot est justement posé, l'ensemble reste cohérent, réaliste, et l'on se surprend à se dire que cette sobriété confère à ces
Marées une pudeur bienvenue. L'auteure ne tombe pas dans l'écueil de l'apitoiement facile ou de la critique sommaire : c'est plutôt la vie mise à nu, avec ses hauts et ses bas, son ressac interminable de beau et de sordide, de nos existences tragiques. Tout ceci, cette somme d'événements sans réelle consistance, nous leur accordons une grande valeur, puisqu'après tout il s'agit bel et bien de notre vie. Et comme Mara nous nous laissons souvent dominer/envahir par nos émotions, et l'on choisit de se faire mal ou de faire mal aux autres, ou bien de remonter la pente et de croire aussi au bonheur, aussi fugace qu'il puisse être.
Marées est donc, à mes yeux, plutôt une réussite. le style épuré, assez direct, convient plutôt bien à cette histoire puisqu'il évite de tomber dans un pathos lourdingue qu'on trouve parfois ailleurs. Il n'empêche qu'il m'est tout de même arrivé, pendant la lecture, d'avoir un léger sentiment de déjà vu (protagonistes, personnages secondaires, déroulé de l'histoire) ou de regretter un léger manque de détail dans certaines descriptions. Je dois tout de même reconnaître qu'il m'a été difficile de lâcher le bouquin un fois entré dedans, et que Mara est un personnage crédible, attachant, qui permet d'ouvrir la réflexion sur la fausse banalité de nos vies : chaque être que nous croisons porte une histoire singulière, qui tend à se dissoudre dans le collectif si on ne lui prête pas attention, comme une vague dans l'océan.
Un grand merci à l'éditeur et à Babelio pour m'avoir envoyé le livre !