La femme de destin

Extrait :
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À son arrivée à la Pergola, la veille, il avait vu les tenanciers, un couple de Français gras et prospères. La patronne, une maîtresse femme couverte d'or à neuf carats, l'avait entrepris tout de suite :
- Si c'est la première fois que vous venez, y a des choses à savoir ! Je vous expliquerai comment ça marche dans ce pays, parce qu'ici, c'est pas la France ! Je m'appelle Irma… Je vous donne la neuf, vous verrez la mer, mais faut quand même remplir la petite fiche.
Il avait dû écrire son nom, son faux nom, Lionel Garcin, et ça lui avait fait drôle. Il avait tendu son passeport, sa main tremblait, c'était idiot, si la police n'avait rien vu, qu'est-ce que pourrait y voir cette grosse dame pomponnée façon rombière ? de toute façon, elle n'avait pas regardé le passeport, seulement détaillé la photo, et lui avait souri d'un air protecteur. Il avait pensé avec inquiétude : « Je crois que je lui plais et elle doit manquer de distraction ». C'est vrai qu'il faisait un peu gendre idéal avec son joli minois, ses yeux bruns candides, sa coupe d'enfant sage, sa tenue trop chaude pour les tropiques. Quand il avait tendu sa fiche, elle avait ajusté ses lunettes pour lire le nom, et Marc avait eu une montée d'adrénaline lorsqu'elle s'est écriée :
- Garcin ! Il y en a ici, des Garcin, ils sont originaires de Tours, ce n'est pas eux que vous venez voir, par hasard ?
Il avait improvisé :
- Non, mais Tours c'est ma région d'origine… On est peut-être cousins.
- Je vous les présenterai, vous savez ici, nous les Toubabs, on a tendance à se regrouper, on se connaît tous… Vous allez vous plaire !
Ça, ça l'avait tué ! Il ne souhaitait rien d'autre que se faire oublier de ses compatriotes.


Poussé par la faim, il se décida enfin à descendre. Madame Irma était au milieu de ses gens, elle surveillait, le sourcil froncé, l'ordonnancement de la salle de restaurant, et houspillait son monde en faisant tinter les bracelets de ses poignets. le personnel, nombreux, s'activait avec nonchalance. Dès qu'elle le vit, elle se précipita, un sourire jusqu'aux oreilles :
- Mon cher Lionel, venez ! Ici il ne fait bon que le matin, il faut en profiter… Qu'est-ce que vous prenez ?
Il commanda platement du thé, du pain et du beurre.
- Je vous mets aussi de la confiture de mangue et une tarte à la banane, vous savez, ici on a tout ce qu'il faut, ce n'est pas la brousse ! C'est qu'on commence à recevoir des touristes ! Sékou ! Un continental pour Monsieur !
Un grand gaillard aux joues scarifiées servit à Marc, alias Lionel, un copieux petit-déjeuner qu'il dévora sans lever le nez. Il se sentit mieux, alluma une Gitane et regarda autour de lui.
La fille aux tresses était toujours là, à deux tables de lui, à gratter son petit cahier. Elle leva la tête et il eut un choc. Ce grand front lisse, ses yeux légèrement en amande, cet air volontaire… Mis à part la carnation beaucoup plus sombre et cette coiffure, c'était tout le portrait de Margie. La fille le dévisageait, et, à cause de cette incroyable ressemblance, il avait l'impression effrayante qu'elle savait tout de lui. Il sentit le sang se retirer de son visage. "
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La femme de destin est un roman d'aventure, un roman historique, un roman initiatique, un roman de voyage à l'autre bout du onde et au bout de soi-même bouleversant qui ne peut laisser personne indifférent. La femme de destin, c'est tout cela à la fois et bien plus encore.
Il est juste est vrai, brûlant de sincérité tant dans la description des rapports humains que dans les désirs qui animent l'âme humaine.
C'est un roman intense, dont on ne ressort pas indemne.
Les description de l'Afrique des années 70 et de la France politique et post colonialiste de ces mêmes années est criante vérité. C'est de l'histoire comme on aurait aimé qu'on nous enseigne pour comprendre les dérives des discours politiques d'aujourd'hui.
C'est aussi une histoire d'amour, d'une rencontre entre Marc un employé sans envergure et Margie, une métisse flamboyante. Mais à l'heure des choix et des convictions, y aura-t-il encore de la place à ce qui existe entre eux. et qu'existe-il d'ailleurs?

Résumé:« La femme de destin » raconte le parcours d'un jeune homme timide et secret, en quête de reconnaissance. Dans les années soixante-dix, Marc est un petit employé aux écritures, un sans-grade, un de ces personnages gris et ternes qu'on ne remarque pas. Mais ce n'est qu'apparence, il attend, c'est un rêveur, un imaginatif, et il croit en la providence.
Celle-ci se présente en la personne de Margie, une jolie métisse, femme brillante et volontaire, qui, contre toute attente, tombe amoureuse de lui. Alors, il se met en tête d'exister, il veut sa part de paradis, de soleil, de mer turquoise ! Il veut se balader sur des plages infinies avec cette belle fille à son bras. Pour la garder, il se fait voleur.
L'aventure l'entraîne dans une Afrique troublée, il y rencontre des personnages équivoques, parfois chaleureux, souvent inquiétants : femmes fatales, féticheurs, chefs de guerres, et une femme puissante qui a le pouvoir de le révéler.
Marc, alias Lionel, affronte ses peurs et combat son passé, parviendra-t-il à se trouver ?

Jo frehel est vraiment une auteure à suivre.



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Jo Frehel nous propulse dans cette histoire dès la première page avec un talent certain. Les personnages sont campés, détaillés, prisonniers de leur psychologie et de leur destiné. Dès lors, on s'attache à cet antihéros, curieux de connaître son parcours. L'auteur dessine avec brio les aventures de Marc, mais aussi ses interrogations qui le mèneront peut-être à une possible rédemption.

Tel un artisan de l'écriture, minutieux, précis, le style de l'auteure accomplit son oeuvre, nous dévoilant un patchwork d'atmosphères et d'environnements dans la France des années 70, puis dans la moiteur et la chaleur d'une Afrique rêvée, mais qui se rappelle au final toujours à notre bon souvenir dans sa réalité propre avec ses us et ses coutumes. L'auteure mène de front l'itinéraire mental et le mouvement de ses personnages dans un équilibre quasi parfait et il est difficile de ne pas songer dans la forme à un auteur comme J.C Rufin entre autre, ce qui est ici un compliment appuyé.

C'est un sans faute, que nous propose Jo Frehel, de l'excellente littérature qui mériterait de faire son entrée dans la blanche de Gallimard. Tout est dit, non?

Je vous invite donc à lire ce bouquin sans hésitation puisque le texte qui compose cette histoire est à l'image de sa couverture: réussi pour ne pas dire excellent.

A suivre...
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Jo Fréhel réussit à nous faire ressentir les émotions, les doutes, les colères de son anti-héros, Marc. Ce « boiteux, misérable gratte papier embauché par commisération » n'est-ce pas un peu …. beaucoup Nous ? Cet homme s'élève à travers tous ces épreuves et comme le titre l'indique il fait la rencontre de cette femme qui est son DESTIN. Tout comme lui, nous apprenons à aimer l'Afrique, au premier abord rebutante et tout comme lui, nous avons aussi notre porte-bonheur. Et finalement, grâce à ce roman, nous grandissons à travers une identification parfaitement réussie de Marc.

Une atmosphère réaliste, une écriture juste et précise
Marc, anti-héros par essence, est le personnage principal de ce roman, que dis-je de cette aventure. Et pourtant, c'est lui que l'on va suivre de bout en bout. Un dérapage le mènera loin, très loin psychologiquement mais aussi géographiquement puisqu'il ira jusqu'en Afrique, dans un pays où le chaos règne après la décolonisation.
Les descriptions et les actions nous plongent dans des atmosphères très réalistes, on visualise et on vit les scènes grâce à une écriture juste et précise.
Un excellent livre à découvrir.