C'est à l'écoute d'une émission de radio que l'ouvrage «
A quoi servent les politiques de mémoire ? » m'est apparu « urgent d'être lu ». Les auteures,
Sarah Gensburger et
Sandrine Lefranc, se définissent comme sociologues et politistes au CNRS. Elles s'intéressent aux rapports entre mémoire et politique dans les démocraties occidentales et dans les pays récemment sortis d'un conflit politique.
Nous sommes habitués aux journées officielles de commémoration, elles participent des impératifs officiels de l'année républicaine. Et pourtant, entre 1954 et 1999, une seule journée de commémoration nationale a été ajoutée au calendrier républicain. Tandis qu'entre 2000 et 2013, neuf journées ont été décidées. Ce constat oblige à une réflexion : pourquoi le pouvoir politique officialise ces journées et dans quels buts ? Les objectifs sont-ils atteints ?
En 183 pages, les auteures tentent une réponse à ces questions. L'introduction délimite le sujet : les politiques de mémoire éduquent, informer c'est former de meilleurs citoyens et préparer une société pacifiée. Or, le constat s'impose : les tensions qui agitent la société provoquent conflits et violence. Et le problème diffère entre la situation des pays démocratiques et ceux qui sortent d'une dictature et d'une guerre civile.
Après avoir abordé les objectifs et attentes des politiques de mémoire, l'étude s'oriente sur leur portée. Que retient le citoyen ? L'intérêt de l'ouvrage est relancé par un travail de synthèse qui reprend les ouvrages de sociologie (français et étrangers) .Le discours officiel, national s'adresse à un collectif abstrait, chaque individu aborde et interprète le passé différemment. L'origine sociale, la transmission du passé familial, provoquent adhésion ou rejet des thèmes commémoratifs.
Les résultats ne sont donc pas au rendez-vous. Les politiques de mémoire ne s'exercent pas seulement dans les lieux officiels, institutionnels (écoles, musées, tribunaux...). le citoyen est d'abord « façonné » par son éducation familiale puis par les circuits sociétaux qu'il connaît et pratique. Apprendre du passé n'est pas changer le présent, les évènements commémorés ne se représentent pas à l'identique. L'efficacité des politiques de mémoire se préoccupe de réparer les crimes, violations …vécues. le statut de victime implique droits et devoirs, mais débats et affrontements.
En conclusion, le livre se penche sur l'amélioration de l'efficacité des politiques de mémoire. Il constate la contradiction apparente entre un discours officiel bavard et le peu d'écoute suscité. Si le bilan apparaît « froid », le livre reste pragmatique, réaliste et garde un certain optimisme. Les politiques de mémoire ne semblent pas totalement contre-productives.
Une bibliographie de vingt pages (sur 183) liste toutes les références des études utilisées.
Au final, la synthèse est réussie, le livre questionne avec intérêt le citoyen.