Il aura fallu le projet d'un séjour à Vachères dans les Alpes de Haute
Provence pour que je me décide à lire
Giono dont beaucoup de mes proches me disent, depuis bien longtemps, tant de bien.
Ma découverte de cet auteur commence avec "
Regain" choisi pour son incipit "Quand le courrier de Banon passe à Vachères, c'est toujours dans les midi" J'entends l'accent chantant, les cigales, le mistral. Je suis en
provence. Je suis à Aubignane ce village qui se meurt avec ses trois derniers habitants. Mais c'est bien l'histoire d'un renouveau que nous conte
Giono. La magie d'une rencontre va redonner vie et avenir à cette terre solitaire et sauvage.
Regain est un magnifique roman primitif et solaire. Un roman qui place l'harmonie au coeur du récit.
L'harmonie d'une vie humble et respectueuse de la Nature;
L'harmonie du travail manuel qui produit et donne à vivre;
L'harmonie d'un amour simple, respectueux, pudique et charnel.
Regain ce sont aussi aussi deux magnifiques personnages. Panturle homme taiseux, honnête et solide. Et puis Arsule, sensuelle, pleine de ressources, d'idées pour faire du beau avec peu. Ces deux là sont positifs et constructifs et ensemble ils soulèvent les montagnes.
L'écriture de
Giono est magnifique.
Poétique, on lit et relit plusieurs fois la même phrase:
"le vent soulève le ciel comme une mer. Il le fait bouilloner et noircir, il le fait écumer comme les montagnes. Il n'y a plus de soleil. Il n'y a plus que ces plaques étales d'azur paisibles; il n'y a plus que la course des nuages. Ils descendent vers le sud."
Animiste avec sa vison d'une Nature personnifiée, agissante:
"Elles sont allées près du ruisseau. Il était tout emmoustachés d'herbes sales et grognon parce que les pluies lui ontdonné pas mal d'eau. Alors il se plaint. Il se plaint de graisse.I l n' est jamais content. L'été il est là à gémir qu'il va mourir, et puis..."
Sensuelle:
"Le vent entre dans son corsage comme chez lui. Il lui coule entre les seins, il lui descend sur le ventre comme une main; il lui coule entre les cuisses; il lui baigne toutes les cuisses; il la rafraîchit comme un bain. Elle a les reins et les hanches mouillées de vent. Elle le sent sur elle, frais, oui, mais tiède aussi et comme plein de fleurs, et tout en chatouilles, comme si on la fouettait avec des poignées de foin; ce qui se fait pour les fenaisons et ça agace les femmes, oh! Oui, et les hommes le savent bien.
Et tout un coup, elle se met à penser aux hommes.C'est le vent qui fait l'homme depuis un moment."
Sûr il y aura rapidement d'autres moments entre Manosque et Banon! Lire à rebours cette trilogie de Pan dont
Regain est le troisième volume. Et puis, en fin d'été, je m'installerai pour un temps à Vachères et mettrai, pour de bon, mes pas dans ceux de
Giono.