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Certains jeunes appelés français sont envoyés en Algérie mais c'est uniquement pour un maintien de l'ordre leur affirme l'armée. Ils partent donc vers l'inconnu, cette guerre que l'on tait mais qui devient pourtant bien réelle.
Tangage et roulis rythment le départ d'Antoine qui a été formé succinctement au métier d'infirmier suite à son désir de ne pas porter les armes.
Beaucoup de choses vont alors bouleverser la vie de ce jeune appelé :
- L'incertitude du conflit et la menace des embuscades des rebelles.
- L'arrivée de sa femme enceinte qui refuse de vivre seule cette grossesse.
- Les amitiés qui se lient au sein de l'hôpital où il est affecté.
- Son désir d'apaiser les souffrances et peines des blessés.
- Tenter de sortir de son mutisme Oscar qui vient d'être amputé d'une jambe.

L'écriture est rythmée et nous emporte dans ce pays à la chaleur écrasante, au sable qui vole et s'insinue partout, aux paysages aux couleurs éblouissantes.
De très beaux passages, tout en pudeur, nous livrent le gâchis de ces vies si jeunes et déjà meurtries.
À travers des personnages sensibles, où les liens se tissent et les émotions s'éveillent, Brigitte Giraud nous offre ici de très belles pages sur cette période noire de notre histoire coloniale. Elle semble effleurer ce conflit et pourtant, inexplicablement, on ressent intensément sa latence puis son évolution.

Une belle analyse, fine et tout à fait réaliste, des rapports humains qui se dévoilent dans l'adversité.
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Ce livre ne m'attirait pas. Je l'ai tout de même lu, un peu par obligation, et je dois dire que j'aurais préféré me plonger dans nombre d'autres. Non pas que cette histoire soit inintéressante ; on y parle de la guerre d'Algérie, du point de vue d'un infirmier, ce qui est somme toute assez original ; le personnage d'Oscar est intriguant, mystérieux, et je crois que j'aurais pu apprécier ce roman s'il avait vraiment fait de lui son sujet principal. Antoine est un personnage à mon goût trop stéréotypé, surtout au début. Il n'aquiert une certaine nuance psychologique que vers la fin du livre, ce qui m'a totalement empêchée de ressentir quoique ce soit pour lui. Or, j'ai bien vu les tentatives honorables de l'auteure pour nous montrer l'horreur de la guerre, le fait que les soldats vivaient des choses terribles, mais que tous les appelés aussi ; elle a tenté d'instaurer un certain féminisme (peut-être ce qui a le plus fonctionné avec moi), de faire évoluer ses personnages vers une sorte de déchéance... Mais tout ce qui passait par Antoine a peu ou n'a pas du tout pris. La relation d'Oscar avec Antoine aurait pu être de toute beauté, mais elle est trop maladroite à mon goût, et comme énoncé plus haut, pas assez présente. Certaines scènes (et je ne parle pas de celles touchant à la guerre, plutôt des scènes de couples en discorde, assaillis de mal-être, par exemple) m'ont paru avoir un ton qui n'était pas juste, du moins, je n'ai pas ressenti cette sincérité qui me fait vivre et ressentir une histoire. L'injustice, le racisme étaient également des thèmes abordés par le livre, et encore une fois très honorablement, mais je suis désolée, ça ne m'a ni révoltée, ni touchée, je n'étais même pas vraiment empathique. le sentiment de réalité n'a pas pris, je ne suis pas parvenue à entrer dans l'univers, pourtant relativement intéressant, de ce livre. Deux personnages avaient, pour moi, de véritables qualités pour mener une histoire : Lila, peut-être un peu hyperbolique, mais douée d'une certaine originalité, d'une personnalité détonnant sur les autres personnages ; et Oscar, dont, je le redis, j'ai le grand regret qu'il n'ait été plus exploité. J'ai également été déçue quand son image mystérieuse a été brisée ; je m'attendais à une véritable cassure ; je n'ai eu qu'un éclat. Quant à Lila, les situations dans lesquelles nous la suivons, hormis au début, et peut-être à quelques rares autres moments, n'ont que très peu d'importance, et me paraissent, je ne sais pas, éphémères.

Bref ; je ne peux pas dire que j'ai aimé ce livre, mais je ne peux pas non plus dire qu'il était mauvais. Le déclique n'a pas eu lieu, ma lecture me laisse l'impression, non pas d'une perte de temps, mais d'instants mal exploités. Les thèmes et l'idéologie du livre sont honorables, beaux, mais dans l'exécution, cela m'a relativement laissée de marbre. Dommage.
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Je crois que tu vas à présent vers les romans de Brigitte Giraud presque les yeux fermés… tellement est ancrée en toi maintenant la certitude que son écriture va te plaire. Et c'est encore une fois le cas. Mais quelle émotion, cette fois-ci de rentrer aussi dans une histoire qui te touche personnellement… (Comprendre enfin le mutisme du père…) Car pour cette rentrée, Brigitte Giraud nous raconte Antoine, appelé pour l'Algérie, au Printemps 1960. Antoine, dont l'épouse Lila attend un enfant, là-bas en France. Antoine, qui a choisi la formation d'infirmier pour échapper au combat et qui espère rester planqué. Mais tout cela est illusoire, même si les premiers temps ressemblent presque à des vacances, des vacances où il ferait beau tout le temps, où les plages seraient belles, et les mets délicieux. C'est la guerre. Et c'est folie que Lila vienne retrouver Antoine pour vivre près de lui et accoucher en Algérie de leur enfant, folie de croire que tout va rester ainsi, et que tout cela n'est pas dangereux. Antoine voit bien les corps abîmés déferler dans l'hôpital où il apprend à prendre soin d'eux, surtout d'Oscar, cet homme amputé qui le fascine et dont il se sent très vite très proche… Pendant ta lecture, tu songeais combien Brigitte Giraud disait doucement ce qui était pourtant si fort et si intense, et combien ses mots étaient apaisants et justes, hors de tout jugement. Et tu as aimé cela, que l'on te montre avec ce soucis de justesse et de respect les images et les couleurs, la vérité de cette Algérie dont on ne t'avait raconté que le goût des fruits et dont on t'a laissé deviner seulement parfois la terreur tapie. Tu conseilles ce roman aux enfants devenus adultes, qui n'ont jamais eu de réponses à leurs questions, et qui ont du faire avec les silences et les souvenirs muets de ces pères revenus de cette étrange guerre… Tu es heureuse que les romans prennent enfin en main ce temps tabou. C'est un pas vers la compréhension… Avant que les derniers survivants de cette époque ne disparaissent, voilà qui te semble important, surtout de cette manière subtile et bienveillante, à hauteur d'appelé. Et tu assènes à cette lecture un évident coup de coeur !!


Lien : https://leslecturesdantigone..
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Un loup pour l'homme de Brigitte Giraud est roman nouveau imposé pour une critique. Avec une curiosité magnétique en lisant le quatrième de couverture, une envie nouvelle et croissante, m'attire, me pousse à découvrir ce passé Français avec l'Algérie à travers trois personnages.
Brigitte Giraud est d'origine Algérienne né à Sidi-Bel-Abbès, elle a obtenue de nombreux prix, celui du jury Jean-Giono pour Une année étrangère en 2009, la mention spéciale du prix Wepler pour À présent en 2001, et surtout lauréate du prix Goncourt de la nouvelle en 2007 pour son recueil L'amour est très surestimé. Cette auteure est traduite dans de nombreux pays, elle est aussi auteure de pièce de théâtre, dirige la collection de littérature "la Forêt" aux éditions Stock, elle sera décoré Officier de l'ordre des Arts et des Lettres en 2014.
Brigitte Giraud met sa ville natale au coeur de ce roman Sidi-Bel-Abbès, lieu où se retrouveront les principaux protagonistes de cette aventure de jeunesse, cette jeunesse en proie au climat entre chien et loup de ces années troubles avec la France et l'Algérie. C'est une période encore fragile dans ce passé lointain mais trop proche pour approfondir ces maux qui ont blessés ces deux peuples.
Brigitte Giraud d'une écriture nerveuse, de phrases courtes, dont la proposition verbale prédomine souvent pour faire accélérer les enchaînements comme les émotions des personnes, emporte notre esprit dans un tumulte d'émotions. La lecture est hypnotique comme des coups de rafales, les phrases s'enchainent comme les réactions de ce jeune appelé Antoine, originaire de Lyon, en couple avec Lila enceinte depuis peu, parti pour maintenir l'ordre, le mot guerre n'est pas encore présent pour tous ces appelés, une génération nourrit de musique, de bal mais aussi d'attentats et de ces jeunes gens parti dans un pays lointains aux paysages exotiques aux décors de vacances.
Un loup pour l'homme vacille de maitrise entre les révélations et les sous-entendus, la vision de ces appelés puis celles de leur réalités, celle enjolivée des lettres envoyées à leur proche dans la métropole et l'enfer pesant, les morts, les estropiés, les regards des autochtones, soumis entre les colons et les indépendantistes, le FNL, les fellaghas, les rebelles, les pied-noir et les Algériens tourbillonnent un paysage d'une guerre invisible. Ce décor de chaleur, ces paysages, le sable s'invitant partout, la plage, les figuiers réveillent en soi le gout lointain des vacances, ce trompe l'oeil cache la vérité sanglante de ce pays en équilibre.
Brigitte Giraud narre la guerre d'Algérie sous un angle sensible dans le regard d'un appelé Antoine, ce jeune homme au service de l'armée comme infirmier à l'hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès, cet homme découvre à son insu une belle Algérie, un pays accueillant par ce paysage et ses us. Mais sa vie d'infirmier fissure la carte postale des vacances, les blessés, les morts, les mutilés et Oscar cet amputé deviendra sa force, son espoir, cet air oxygénant sa volonté, Oscar dans son mutisme, s'enferme dans une jeunesse volée, une vie perdue dans cette violence dictée par la fatalité de l'histoire. Puis les personnages secondaires comme Martin, Fatima, Alcaraz, Jo Et Tanguy gravitant autour d'Antoine épaississent la dramaturgie de cette histoire.
Lila la petite amie d'Antoine bouleverse les codes en venant le rejoindre en Algérie pour y vivre et donner naissance à leur petite fille. Cette féminité nivelle la masculinité trop forte des soldats, des rebelles, comme Fatima, soumise à sa condition, Alcaraz pied noir attachée à sa terre d'adoption…
La condition de la femme est ambigüe, Lila différente des autres, son courage de venir rejoindre son amoureux, mais la plupart des autres petites amies comme celle de Martin, abandonne, une lettre pour rompre, une lettre pour respirer la vie de leur jeunesse en France, une lettre de rupture entre la France et cette Algérie trop floue à leur esprit, Martin comme beaucoup subiront, se martelant l'âme d'une solitude nouvelle, errant à la recherche de l'amour fugace et éphémère. Lila enceinte désirant avorter, ne voulant pas faire subir à son futur enfant la désillusion d'un père partit à l'armée, avec cette éventuelle fatalité d'y mourir. Mais contraint par un médecin despote de le garder, une époque où l'avortement reste encore un sujet tabou et la femme reste soumise à l'autorité masculine, oxymore du tempérament de cette jeune femme, acceptant, mais heureuse d'avoir cette force de rejoindre son homme dans un pays inconnu, sa fougue en devient une force.
L'amitié entre Antoine et Oscar rompt la brutalité de cette guerre, ces émotions masculines, comme les incertitudes de chacun aspirent l'intrigue vers une réflexion intuitive, une guerre sous un oeil différent, une guerre invisible, un combat intérieur de ces jeunes français appelés, perdus dans leur jeunesse volée.
Brigitte Giraud réveille nos sens jusqu'à la dernière phrase de ce roman, pour ouvrir notre esprit vers cette époque trouble, l'atmosphère culturelle, politique et sociétale transpirent ces pages avec beaucoup de sensibilité. Une France rurale et industrieuse, si morne et ordonnée au contraire de l'Algérie en effervescence. Une France, au manifeste 21 avec Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, François Truffaut, et le souvenir d'un Camus vivant signant ce manifeste s'opposant à celle travaillant s'amusant, ignorante par manque d'information du drame Algérien.
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J'ai souhaité lire ce livre parce que la guerre d'Algérie fut un temps fort dans ma jeunesse. Beaucoup de jeunes garçons partaient et ne revenaient pas. Nombreuses jeunes femmes avaient aimé un jeune homme qui malheureusement n'est jamais revenu. Et longtemps par la suite, beaucoup de femmes m'ont avoué qu'elles avaient été fiancées avec un homme qui avait été tué en Algérie. Leur grande douleur était de n'avoir pas vraiment su ce que ces soldats avaient vécu au cours de ces mois comme elles ne savaient pas plus comment ils étaient morts.

Brigitte Giraud nous raconte la vie d'Antoine dans un hôpital comme soignant pendant la guerre d'Algérie. Il me semble qu'elle répond, en partie, à des questions que les fiancées et les familles se posaient : « Que vit mon fiancé, que vit notre fils ? » Elle met des mots sur ce qui n'est pas racontable par tous ceux qui ont vécu de près cette guerre.

L'histoire n'a pas de rebondissement. Il n'y a pas vraiment de coup d'éclat. C'est juste une éternelle attente, des jours qui se suivent, des gradés qui ne donnent pas d'informations… Un retour en France, pour les soldats qui ont réussi à échapper à la mort, vers une vie qui ne sera plus comme avant.

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Dans ce roman tout à la fois épique et sensible, Brigitte Giraud raconte la guerre à hauteur d'un homme, Antoine, miroir intime d'une époque tourmentée et d'une génération embarquée malgré elle dans une histoire qui n'était pas la sienne. Et avec l'amitié d'Oscar et Antoine, au coeur de ce vibrant roman, ce sont les indicibles ravages de la guerre comme l'indéfectible foi en la fraternité qu'elle met en scène.
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Une amie me l'avait conseillé, vivement conseillé...Après 5 lignes, j'ai failli le lâcher.
Dès la première page j'ai été "bousculé" par l'attitude qui me semblait irréaliste du "médecin [qui] ne voit aucune raison d'interrompre la grossesse" de Lila, parce qu'Antoine son mari est appelé en Algérie en qualité de bidasse. "Elle est en parfaite santé, elle est jeune"...
Certes les médecins avaient depuis 1955 la possibilité de faire pratiquer ou de pratiquer des avortements thérapeutiques mais le sujet demeurait encore tabou, et interdit par les moeurs, et la loi sur de très nombreux points. Seules les "faiseuses d'anges" dont les noms et adresses s'échangeaient sous le manteau, réglaient les erreurs dues à la méthode de calcul d'Ogino, "père" de si nombreux enfants..... le médecin ne pouvait nullement fonder sa décision sur la seule jeunesse et la seule santé de la maman, qui n'étaient pas les seuls critères pris en compte...un peu trop rapide à mon goût !
En 1960 des mouvements de revendication des femmes manifestaient encore pour légaliser l'avortement pour convenance personnelle qui était encore un délit, jusqu'à la loi Veil.
Et comment un couple s'aimant peut-il évoquer cette maternité future et ce départ du papa pour souhaiter l'interruption de grossesse! Je n'ai pas adhéré à cette éventualité égoïste d'avortement! Je n'ai pas cru à leur amour!
D'autres détails, moindres mais répartis dans différentes parties du roman, nuisent souvent à la crédibilité générale de ce roman.
Notamment ces camions roulant à cent-trente à l'heure sur une départementale mal entretenue (P. 87) ! Il faut avoir roulé une fois à 80 km/h, en temps de paix, sur une route nationale, moteur hurlant, dans un camion Simca tremblant de toutes ses tôles ou dans une jeep pour en sourire, pour rire !.....
Comment peut-on croire et faire croire que les appelés mariés et pères de famille avaient, dans cette Algérie en proie aux attentats, aux assassinats et aux sourires kabyles, la possibilité de rejoindre chaque soir leur épouse, en ville? Ne parlons pas de la vie de ce couple sympathique et attachant au demeurant, vivant en appartement seulement d'amour et d'eau fraîche, et recrutant une aide ménagère arabe......Sans doute grâce à la généreuse solde versée aux appelés du contingent...Irréaliste !
Oublions Lila, la maman et sa fille fuyant vers la France le danger des derniers jours de guerre, en Caravelle. On rêve !
Un minimum de réalisme ne nuit pas.
Ce réalisme a beaucoup manqué à l'amateur d'Histoire que je suis, amateur qui cherche à retrouver ou à découvrir dans la lecture de livres la dure ou moins dure réalité d'une époque. L'auteure est trop restée sur les sentiments des personnages, Antoine et Lila, Antoine et Oscar. Ce n'est pas ma tasse de thé. J'ai besoin du cadre de vie, du contexte historique. Je ne les ai pas assez trouvés !
"Les détails font la perfection, et la perfection n'est pas un détail." disait Léonard de Vinci.
Alors oui, la peinture de cette époque est fausse par bien des points. Cette peinture imprécise m'a perturbé, et ne rend pas ce roman parfait. Loin de là. Je l'ai trouvé parfois bien mièvre et trop superficiel sur de nombreux points, du fait sans doute de ces absences de recul historique.
Et pourtant Brigitte Giraud écrit bien, elle m'a émue en évoquant le travail difficile travail des infirmiers au coeur de la morgue avec les soldats décédés, elle a été vraie en décrivant les conditions de transport de ces appelés.
La différence se mesure souvent dans les plus petits détails. Et ces petits détails ne m'ont pas permis de croire totalement à l'histoire, de me l'accaparer !
Je ne vais pas rester sur cette impression et je vais essayer de lire un autre titre de Brigitte Giraud.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Ecrire la guerre d'Algérie telle qu'entraperçue par les soldats de deuxième classe arrachés à leur famille pour un service militaire de deux ans, voilà le pari littéraire de Brigitte Giraud. Et c'est de toute beauté.
Entraperçue est bien le mot. La romancière ne s'intéresse en effet au conflit armé qu'une fois les soldats blessés et convoyés vers l'hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès. Ses héros sont des planqués. Infirmier ou cuisinier à l'hôpital, ils ne voient la guerre qu'à travers le prisme réducteur de leur métier. Certes, Antoine va parfois chercher les blessés sur le terrain, enveloppe les morts dans des linceuls, soigne les amputés, les déchirés et les prostrés. Il palpe la violence, menaçante, au-dessus de l'hôpital. Elle finit même par le hanter lorsqu'il est chargé de soigner Oscar, rendu muet par les scènes d'horreur et l'amputation. Mais Antoine n'en a pas conscience au point d'interdire à sa femme Lila de venir le rejoindre lorsqu'elle décide d'accoucher à ses côtés.
Voilà la force de ce livre. Brigitte Giraud raconte avec la pudeur de ces jeunes appelés ce qu'ils ne savent pas, ce qu'ils perçoivent à peine, ce qui les dépasse totalement. Tout en restant en retrait des personnages, en tant que narratrice, elle insère l'Histoire dans les flashs que ces soldats perçoivent mais sont incapables d'assembler pour former une vision d'ensemble. La romancière met ainsi en évidence l'absurdité de leur présence sur le sol algérien.
Le rythme de l'intrigue est lent. Aussi lent que l'est une journée aux cuisines, dans la fournaise de l'été algérien. J'ai été parfois écoeurée par le manque d'action, probablement autant que le sont ces soldats désoeuvrés qui ne comprennent pas ce qu'ils font dans ce pays étranger, loin des zones de combat. L'arrivée en ville de Lila sonne comme une incongruité dans ce monde masculin. C'est doux, apaisant et en même temps déplacé. C'est désagréable et d'une force incroyable. L'élément qui permet au lecteur de palper la complexité des liens sociaux. Soldats français, harkis, pieds noirs… le racisme et la peur qui imprègnent bientôt les colons, que subissent les harkis. Les soldats de deuxième classe ne sont que des pions dans un conflit dont ils ne comprennent rien et leur prise de conscience progressive est puissante.
Un loup pour l'homme raconte la guerre, celle des exécutants. Pas de héros, dans ce roman. Pas d'actions décisives. Juste des appelés qui n'ont rien demandé à personne. Vingt mille d'entre eux vont perdre la vie dans ce conflit. Qui est le loup ?
Lien : https://akarinthi.com
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Moi qui suis née en 1960, alors que mon père faisait partie lui aussi de ces "appelés" pour l'Algérie, je me pose beaucoup de questions (qui resteront sans doute sans réponse) sur la manière dont cela a impacté la vie de mes parents séparés à ma naissance, comme ce fut le cas pour Antoine et Lila, les héros ordinaires de ce roman.
J'ai beaucoup aimé ce récit, simple, fluide, qui m'a permis de découvrir à travers les yeux d'Antoine et de quelques autres protagonistes, ce que mon propre père a dû lui aussi découvrir à son arrivée à Alger et dont il nous a finalement très peu parlé, comme si cet épisode était à oublier au plus vite, un tabou exotique qu'il valait mieux ne pas évoquer à la table familiale. Cette lecture est un excellent complément à celle de "L'art de perdre" que j'ai dévoré juste avant et qui donne par la bouche de sa petite fille le point de vue d'un harki qui vécut les mêmes événements, dans les mêmes lieux.
L'écriture de Brigitte Giraud est sans doute plus légère et distancée que celle d'Alice Zeniter, intense et émotionnelle, mais elle est très agréable à lire. Je recommande la lecture de ces deux opus à tous ceux qui comme moi, ont envie de comprendre le guerre d'Algérie au travers de témoignages d'hommes simples, des appelés arrachés à leur famille, plongés malgré eux dans un conflit qui les dépassent et les marquera à jamais. A tous ceux qui veulent comprendre une histoire que la France n'a pas encore vraiment fait rentrer dans l' Histoire, rechignant à rouvrir des dossiers enfouis qu'elle préfère oublier, et probablement pour cause...
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C'est le troisième roman de la pré-sélection de ma librairie (La Galerne, Le Havre) pour son jury des lecteurs de cette année. J'avais assez peu entendu parler du roman, mises à part quelques généralités et je n'avais rien lu de cette auteure auparavant.
Le cadre du roman, c'est l'Algérie pendant la guerre qui ne dit pas son nom, en 1960. Antoine est un appelé parti en Algérie, dans un hôpital militaire pour « prendre soin ». Il part en ne sachant pas vraiment ce qui l'attend là-bas, laissant en France sa jeune femme. Avant son départ, ils ont essayé de trouver un médecin qui lui permette d'avorter, en vain. Il part donc seul, laissant sa femme enceinte, sans savoir quand il reviendra. En arrivant là-bas, il découvre à la fois un pays magnifique, où il fait bon vivre malgré tout, l'Algérie et il découvre aussi sa mission : soigner les blessés, les corps et les âmes, être plongé au coeur de la souffrance humaine. L'auteure ne prend pas partie et montre à quel point les appelés étaient eux-mêmes tenus à l'écart des informations et des enjeux des actions qui leur étaient demandées. Ils se devaient d'obéir… Dès les premiers jours, il est attiré par Oscar, un patient particulier auquel il s'attache et dont l'histoire va le poursuivre et le hanter.
De son côté, Lila décide de le rejoindre et ils commencent leur vie de couple et de parents sous le soleil algérien jusqu'au moment où le danger pour les civils impose à Lila de rentrer seule.
C'est une lecture qui m'a ravie : j'ai aimé cette histoire particulière d'Antoine, Lila et Oscar inscrite dans la grande histoire de la guerre d'Algérie. Sans en faire trop au niveau politique, Brigitte Giraud distille des informations qui permettent au lecteur de mieux appréhender la réalité de cette période encore marquée par des tabous dans notre pays. Mon oncle et mon parrain, a lui-même été appelé pour combattre en Algérie, et n'en a quasiment jamais parlé, sauf pour dire qu'il y avait vécu des choses qu'il voudrait oublier sans jamais y parvenir. J'ai été particulièrement touchée par la description de l'auteure des émotions et des questionnements des appelés, par le contraste qu'elle expose entre un pays à la culture riche et avec une indéniable douceur de vivre et les enjeux des actions menées par la France à cette époque, la montée de la haine entre les communautés, l'atrocité des crimes de guerre… C'est une belle histoire, sensible qui entremêle de nombreuses thématiques : l'engagement militaire, la fidélité en amitié et en amour, la confiance accordée, l'amitié fondée sur les souffrances partagées, les traumatismes visibles ou invisibles engendrés par les conflits, le rôle du soignant, la France des années 60 avec ses paradoxes entre modernité et archaïsme.
Pour Brigitte Giraud, ce roman est teinté d'autobiographie, étant elle-même née en Algérie à Sidi-Bel-Abbès en 1960 : Antoine et Lila figurent ses parents.
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