Un loup pour l'homme de
Brigitte Giraud est roman nouveau imposé pour une critique. Avec une curiosité magnétique en lisant le quatrième de couverture, une envie nouvelle et croissante, m'attire, me pousse à découvrir ce passé Français avec l'Algérie à travers trois personnages.
Brigitte Giraud est d'origine Algérienne né à Sidi-Bel-Abbès, elle a obtenue de nombreux prix, celui du jury
Jean-Giono pour
Une année étrangère en 2009, la mention spéciale du prix Wepler pour À présent en 2001, et surtout lauréate du prix Goncourt de la nouvelle en 2007 pour son recueil
L'amour est très surestimé. Cette auteure est traduite dans de nombreux pays, elle est aussi auteure de pièce de
théâtre, dirige la collection de littérature "la Forêt" aux éditions Stock, elle sera décoré Officier de l'ordre des Arts et des Lettres en 2014.
Brigitte Giraud met sa ville natale au coeur de ce roman Sidi-Bel-Abbès, lieu où se retrouveront les principaux protagonistes de cette aventure de jeunesse, cette jeunesse en proie au climat entre chien et loup de ces années troubles avec la France et l'Algérie. C'est une période encore fragile dans ce passé lointain mais trop proche pour approfondir ces maux qui ont blessés ces deux peuples.
Brigitte Giraud d'une écriture nerveuse, de phrases courtes, dont la proposition verbale prédomine souvent pour faire accélérer les enchaînements comme les émotions des personnes, emporte notre esprit dans un tumulte d'émotions. La lecture est hypnotique comme des coups de rafales, les phrases s'enchainent comme les réactions de ce jeune appelé Antoine, originaire de Lyon, en couple avec Lila enceinte depuis peu, parti pour maintenir l'ordre, le mot guerre n'est pas encore présent pour tous ces appelés, une génération nourrit de musique, de bal mais aussi d'attentats et de ces jeunes gens parti dans un pays lointains aux paysages exotiques aux décors de vacances.
Un loup pour l'homme vacille de maitrise entre les révélations et les sous-entendus, la vision de ces appelés puis celles de leur réalités, celle enjolivée des lettres envoyées à leur proche dans la métropole et l'enfer pesant, les morts, les estropiés, les regards des autochtones, soumis entre les colons et les indépendantistes, le FNL, les fellaghas, les rebelles, les pied-noir et les Algériens tourbillonnent un paysage d'une guerre invisible. Ce décor de chaleur, ces paysages, le sable s'invitant partout, la plage, les figuiers réveillent en soi le gout lointain des vacances, ce trompe l'oeil cache la vérité sanglante de ce pays en équilibre.
Brigitte Giraud narre la guerre d'Algérie sous un angle sensible dans le regard d'un appelé Antoine, ce jeune homme au service de l'armée comme infirmier à l'hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès, cet homme découvre à son insu une belle Algérie, un pays accueillant par ce paysage et ses us. Mais sa vie d'infirmier fissure la carte postale des vacances, les blessés, les morts, les mutilés et Oscar cet amputé deviendra sa force, son espoir, cet air oxygénant sa volonté, Oscar dans son mutisme, s'enferme dans une jeunesse volée, une vie perdue dans cette violence dictée par la fatalité de l'histoire. Puis les personnages secondaires comme Martin, Fatima, Alcaraz, Jo Et Tanguy gravitant autour d'Antoine épaississent la dramaturgie de cette histoire.
Lila la petite amie d'Antoine bouleverse les codes en venant le rejoindre en Algérie pour y vivre et donner naissance à leur petite fille. Cette féminité nivelle la masculinité trop forte des soldats, des rebelles, comme Fatima, soumise à sa condition, Alcaraz pied noir attachée à sa terre d'adoption…
La condition de la femme est ambigüe, Lila différente des autres, son courage de venir rejoindre son amoureux, mais la plupart des autres petites amies comme celle de Martin, abandonne, une lettre pour rompre, une lettre pour respirer la vie de leur jeunesse en France, une lettre de rupture entre la France et cette Algérie trop floue à leur esprit, Martin comme beaucoup subiront, se martelant l'âme d'une solitude nouvelle, errant à la recherche de
l'amour fugace et éphémère. Lila enceinte désirant avorter, ne voulant pas faire subir à son futur enfant la désillusion d'un père partit à l'armée, avec cette éventuelle fatalité d'y mourir. Mais contraint par un médecin despote de le garder, une époque où l'avortement reste encore un sujet tabou et la femme reste soumise à l'autorité masculine, oxymore du tempérament de cette jeune femme, acceptant, mais heureuse d'avoir cette force de rejoindre son homme dans un pays inconnu, sa fougue en devient une force.
L'amitié entre Antoine et Oscar rompt la brutalité de cette guerre, ces émotions masculines, comme les incertitudes de chacun aspirent l'intrigue vers une réflexion intuitive, une guerre sous u
n oeil différent, une guerre invisible, un combat intérieur de ces jeunes français appelés, perdus dans leur jeunesse volée.
Brigitte Giraud réveille nos sens jusqu'à la dernière phrase de ce roman, pour ouvrir notre esprit vers cette époque trouble, l'atmosphère culturelle, politique et sociétale transpirent ces pages avec beaucoup de sensibilité. Une France rurale et industrieuse, si morne et ordonnée au contraire de l'Algérie en effervescence. Une France, au manifeste 21 avec
Marguerite Duras,
Nathalie Sarraute,
François Truffaut, et le souvenir d'un Camus vivant signant ce manifeste s'opposant à celle travaillant s'amusant, ignorante par manque d'information du drame Algérien.