Les histoires de femmes tiennent en général plus de la farce que du drame. Même s'il s'agissait de sa propre femme, d'une femme qui l'avait certes marqué plus que les autres – à grand dommage pour lui – il ne pouvait s'empêcher d'avoir envie de rire railleusement, en recomposant les données de la comédie : une épouse oubliée depuis quinze ans, reparaissant pour réclamer passage à son bord, sans le reconnaître, et, le comble, se préparant à lui demander sa bénédiction pour convoler avec un nouvel amoureux. Le hasard, on le sait, n'est pas chiche en frais d'imagination cocasse. Mais là, il dépassait les bornes.
Voir clair ne mène pas toujours à la solution la plus facile. Il pouvait se dire qu'arrivé à l'âge où l'homme aborde le second versant de sa vie, il avait su affronter ses conflits intérieurs avec une certaine sérénité. Les chemins de la haine, du désespoir, de l'envie, lui avaient toujours paru trop stériles pour qu'il trouvât jouissance à s'y engager.
Un homme qui sait distinguer à coup sûr le rang, la distinction et comprendre à qui doivent aller d'abord ses attentions, je ne dis pas que c'est un homme qui inspire confiance, mais je dis, j'affirme que ce n'est pas un imbécile.
Les femmes ont cette faculté de renouvellement comme la lune, comme les saisons. Vous êtes maintenant autre. Pourquoi s'appesantir dans la meurtrissure des souvenirs, vous abîmer, vous, dont la beauté semble créée d'hier à peine.
Vous qui respectez les lois de l'Islam, rappelez-vous qu'on ne doit pas prendre la femme d'un homme vivant. J'ai engagé ma foi envers l'un de mes compagnons. Nous devons nous marier... dans quelques jours : sur ce navire même.
Anne Golon - La victoire d'Angélique (1985)