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EAN : 9791021060692
176 pages
Tallandier (11/01/2024)
3.54/5   13 notes
Résumé :
Agression de l’Ukraine par la Russie en 2022, menace répétée de la Chine sur Taïwan, attaque d’Israël par le Hamas en 2023, réarmement global depuis une décennie : l’Europe assiste en spectatrice médusée à la dégradation de son environnement géostratégique. Pour nous préparer aux prochains chocs, Thomas Gomart analyse l’interconnexion des conflits.

Une double accélération géopolitique et géoéconomique est à l’oeuvre sur fond de rivalité croissante sin... >Voir plus
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Vient de paraître L'accélération de l'histoire : les noeuds géostratégiques d'un monde hors de contrôle aux éditions Tallandier de Thomas Gomart. Dans ce court essai, l'historien et directeur de l'Ifri revient sur l'importance considérable de trois détroits : Taïwan, Ormuz et du Bosphore intimement reliés aux événements géopolitiques contemporains. Si une catastrophe surgit, ce sont des conséquences mondiales qui se produiront avec des effets en chaine. Thomas Gomart appelle les Européens à prendre conscience des recompositions autour de ces trois détroits majeurs. Les Européens doivent prendre en compte la réalité du terrain : les puissances émergentes et du Sud Global savent tirer leur épingle d'un jeu dont les Occidentaux ne sont plus les seuls à la tête.

Le récit commence et se termine à bord du cuirassé de la Lorraine navigant dans les eaux internationales, Thomas Gomart détaille le portrait géopolitique de plusieurs détroits, à commencer par celui de Taïwan. Il y raconte les ambitions géopolitiques de Pékin qui considère Taïwan comme partie intégrante de la Chine. Il y détaille la thalassocratie qu'est devenue le « pays du Milieu » à travers un investissement massif dans son armée et notamment sa marine qui dépasse en nombre de bâtiments celle des États-Unis, sans oublier les ambitions nucléaires du pays. Sur ce sujet, Xi Jinping au pouvoir depuis 2013 n'a pas la même conception de l'arme que son prédécesseur Mao. Ce dernier affirmait ne jamais utiliser l'arme nucléaire en premier en cas de conflit, Xi Jinping est plus ambiguë à ce sujet. Bien sûr, il n'oublie pas de mentionner que Taïwan n'est pas vraiment seule. Les États-Unis ont un rôle important dans la région, alliés notamment aux Philippines, au Japon, à la Corée du Sud. Depuis l'administration Obama, les États-Unis ont tendance à quitter le Moyen Orient pour s'investir en Asie Pacifique – même si la guerre en Ukraine et le conflit israélo-palestinien les obligent à revenir sur leurs anciens terrains. Dans la guerre commerciale qui les opposent à la Chine, les États-Unis tentent d'entraver le développement technologique chinois. En effet, la Chine a une grosse faiblesse. Puissance émergente qui souhaite se développer technologiquement, elle a besoin de nombreux semi-conducteurs, produits principalement par Taïwan et ses entreprises. Les objectifs européens et américains consistent à isoler la Chine, à moins vendre à ce pays et à limiter l'exportation d'entreprises comme Huawei à l'étranger. L'objectif est d'endiguer le développement de la Chine dans le secteur de la haute-technologie. de son côté la Chine possède un grand stock de métaux rares nécessaires à la transition écologique des pays européens, elle en joue. Revenons au Japon et à la Corée du Sud, alliés des États-Unis qui tendent à se réarmer, inquiets du développement militaire de la Chine. La situation serait moins drôle sans compter la Corée du Nord qui s'essaie aux missiles dans la région, qui développe son armement nucléaire en dépit des interdictions et qui trouve en la Chine et en la Russie des alliés. Par ailleurs, Thomas Gomart relie la guerre en Ukraine de février 2022 à la géopolitique régionale : les sanctions occidentales ont poussé la Russie dans les bras de la Chine. N'oublions pas les événements du 7 octobre 2023, le massacre de plus d'un millier de civils israéliens par le Hamas. Ces deux événements qui tendent à montrer une justice et coopération internationale relativement faible inquiètent car ils pourraient offrir l'idée d'une invasion de Taïwan à la Chine. Par accélération de l'histoire, Thomas Gomart explique dans ce premier chapitre que les Européens sous-estiment la puissance chinoise, que l'Union Européenne n'est pas assez autonome et indépendante, et qu'une invasion de Taïwan pourrait réellement se produire. Néanmoins, étant donné qu'une invasion de Taïwan bloquerait le détroit et ferait des mers des territoires d'intenses tensions, la Chine aurait tendance selon l'auteur à éviter d'entrer en conflit car la majorité de ses besoins en hydrocarbures transitent par l'océan Indien puis le détroit… L'invasion serait improbable d'ici 2030. Enfin, pour terminer, la stratégie française est trop immobiliste pour Thomas Gomart. Proposant une « troisième voie » tout comme l'Inde, la France – qui possède un énorme espace maritime grâce à ses territoires d'outre-mer dans le Pacifique – souhaite s'immiscer dans la région dans une relation sans amitié ni conflit avec la Chine. Un regard géopolitique qui ne serait pas à la hauteur des enjeux.

Le détroit d'Ormuz est un point de passage essentiel à la vie économique chinoise. Si la mer de Chine méridionale est un axe de passage important pour le commerce maritime, les marchandises qui la traversent pour entrer ou sortir de Chine transitent aussi par le détroit d'Ormuz, en particulier le pétrole. le Moyen Orient connait depuis des décennies de très fortes tensions. Cependant ce pôle régional connaissait une légère accalmie grâce à la normalisation de relations. Certes, le front chiite mené par l'Iran et ses alliés (Hamas, Hezbollah, présences chiites en Syrie et en Irak, et Houthis au Yémen) souhaitent l'affaiblissement et la destruction d'Israël. du côté sunnite, la normalisation avec Israël était engagée grâce aux accords d'Abraham de 2020 : les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et Israël ont signé des accords de paix. La puissante et influente Arabie Saoudite, rivale de l'Iran, commençait à discuter avec Israël. Sous l'impulsion de la Chine, Arabie Saoudite et Iran ont commencé à nouer des relations. Dans la même période, c'est aussi le retour de la Syrie de Bachar al-Assad qui réapparaît sur la scène internationale. Toutefois, la guerre en Ukraine et le massacre du 7 octobre ont changé rapidement la configuration régionale. La « rue arabe » (expression de l'auteur) observe la réaction des pays musulmans au massacre des Palestiniens par la riposte israélienne. Israël s'isole, les pays arabes s'engagent plus ou moins en actes et en paroles, surfant entre garder la tête haute en condamnant le massacre et en soutenant par paroles les Palestiniens, sans se mouiller en actes de crainte d'étendre le conflit. Cette normalisation des relations a cessé et une convergence Russie-Iran-Chine face à l'Occident, soutien d'Israël, se développe. Les États-Unis qui s'étaient retirés de l'Afghanistan en 2021 pour s'orienter vers l'Asie Pacifique doivent revenir dans la région depuis le massacre du 7 octobre. Israël refuse totalement la solution à 2 États et les tirs en mer Rouge où transitent la majorité des pétroliers du monde se multiplient par les rebelles Houthis chiites au Yémen. Par accélération, Thomas Gomart raconte ici le bouleversement géopolitique qui a eu lieu depuis surtout le 7 octobre. Là aussi en toile de fond, l'auteur revient sur les problématiques de l'accord nucléaire iranien. L'Iran cherche à se procurer l'arme, et Israël est de son côté une puissance nucléaire non officielle. le détroit d'Ormuz, d'où sortent les pétroliers, pourraient être exposés aux dangers et ces derniers pourraient provoquer de graves conséquences économiques, politiques et géopolitiques mondiales. La France, qui a une base aux Émirats arabes unis appelle à une solution diplomatique, basée sur 2 États entre Israël et Palestine sans réussir à faire entendre sa voix.

Plus au nord, l'opération militaire spéciale lancée depuis février 2022 a fait des ravages dans l'est de l'Ukraine. Selon Thomas Gomart, les Européens ne s'attendaient pas à l'invasion du pays par la Russie – et ils en ont eu tort. L'auteur revient sur l'histoire qui lie la Russie et l'Ukraine et le partage d'une mémoire commune autour de la famine et de la catastrophe nucléaire. À ce titre, la Russie de Poutine en joue : la famine est utilisée comme arme, et la guerre se déroule dans une « ambiance nucléaire » où Poutine menace régulièrement de frapper avec : l'arme nucléaire ici a pour objectif d'empêcher tout autre belligérant à s'inviter dans la guerre. Les terres russes et ukrainiennes sont très fertiles, une grande partie de la production céréalière alimente le monde et notamment de nombreux pays du Sud. La mer Noire, plaque tournante céréalière, au sud des deux pays, est en partie contrôlée par la Russie qui empêche l'Ukraine d'exporter sa production. La guerre ne s'y produit pas ou peu car pour y accéder, il faut transiter notamment par le détroit de Bosphore en Turquie. Or, la convention de Montreux attribue le droit de navigation à la garde de la Turquie qui peut fermer le détroit aux bâtiments militaires en cas de conflit : c'est le cas ici. Dans la guerre en Ukraine, on y retrouve le combat d'un Sud contre l'Occident. La Russie souhaite s'emparer de l'Ukraine pour rebâtir son grand empire, et dénonce l'extension de l'OTAN en Europe de l'Est qui la menacerait. La guerre lancée sans mandat des Nations Unies en Yougoslavie a largement contribué au discours russe qui dénonce le « double standard » des Occidentaux. En clair, « vous nous dites qu'on ne respecte pas les règles, mais vous non plus ». La guerre en Ukraine et les sanctions occidentales ont poussé la Russie de Poutine dans les bras de la Chine. Si beaucoup de pays ont condamné l'attaque contre la souveraineté nationale de l'Ukraine, dans le Sud, nombre sont ceux qui n'ont pas appuyé les sanctions. En causes : leur sécurité alimentaire dépendant du blé russe et ukrainien, le discours idéologique de la Russie contre l'Occident se répandant, et les armées auxiliaires russes (les milices) qui s'étendent en Afrique. Thomas Gomart appelle l'Occident et notamment l'Europe à prendre toutes les mesures de la guerre en Ukraine. La sécurité européenne doit être plus indépendante des États-Unis (car est-ce qu'après les élections fin 2024, ce pays continuera à soutenir l'Ukraine ?), plus forte. le problème est qu'elle manque d'harmonisation, surtout dans ses actions et méthodes. Notamment entre les pays qui estiment que les États-Unis restent un bouclier important, et ceux qui pensent que la confiance s'amenuise. Pourtant, l'Europe a pris toute conscience de sa dépendance à la Chine pour sa transition énergétique, et sa dépendance à la Russie pour son mix énergétique.

En bref
Dans ces trois études de cas, Thomas Gomart ne se contente pas de narrer les problématiques géopolitiques des détroits, mais s'affaire à un portrait des États qui les entourent. La sélection de ces trois détroits n'est pas un hasard : ils sont le coeur des enjeux géopolitiques actuels et des liens à effets peuvent en être tirés. En effet, dans les trois cas, le nucléaire s'y invite avec non seulement un réarmement des États ou une recherche s'accentuant, et une donnée d'imprévisibilité. Entre la Chine qui n'a plus la même conception de l'arme militaire, la Corée du Nord et l'Iran qui cherchent à l'adopter pour leur survie et entrer dans le concert des grandes nations, et la Russie qui menace de s'en servir régulièrement pour protéger sa guerre offensive, la pensée qui entourait l'arme nucléaire a changé. Elle n'est plus vu uniquement sous son schéma d'arme défensive et dissuasive. L'auteur met en avant aussi – entre autres idées – que l'Europe doit prendre conscience que les événements géopolitiques se sont emballés. Un conflit militaire à proximité d'un détroit aurait des répercussions mondiales étant donné l'interconnectivité de la planète et les interdépendances. En conséquence, l'Europe doit prendre des mesures à la hauteur des dangers qui la guettent, sans compter uniquement sur le soutien des États-Unis où le potentiel retour de Trump en novembre 2024 pourrait bien chambouler à nouveau la mosaïque géopolitique mondiale.




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Thomas Gomart vous présente son ouvrage "L'accélération de l'histoire" aux éditions Tallandier. Entretien avec Jean Petaux.
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