Plusieurs noms du monde de la danse perdurent dans la mémoire collective:
Nijinski,
Béjart, Jorge Donn..., La Taglioni,
Isadora Duncan,
Margot Fonteyn...
L'un cependant brille des mille feux coupants du diamant.
Un prince, un seigneur : Rudolph Noureev (1938-1993).
La collection "Miroir" (Plon) dirigée par Amanda Sters convie des écrivains à ressusciter de "grandes figures de l'Histoire (artistes, hommes politiques ou héros de fiction)" en les inscrivant dans "une nouvelle vie de personnages de romans".
Philippe Grimbert nous propose "
Rudik l'autre Noureev".
Fiction et réalité se partagent ces 175 pages sensibles à fleur de peau.
Un psychanalyste du "Tout-Paris" reçoit une star parmi les stars : le fascinant Noureev, ce qui satisfera son ego.
S'en suivent des échanges entre les deux hommes et les explications du narrateur.
Après 25 ans, le choc des retrouvailles en 1987 avec sa mère mourante et avec la mère patrie amène l'artiste à "consulter" et à se dévoiler entre "vérité et réalité".
Du "grand jeté" symbolique vers la liberté en rejoignant la police de l'aéroport à la dernière chorégraphie du ballet "La Bayadère", à l'Opéra de Paris, la vie de Noureev s'égrène devant nos yeux : enfance, lieux de vie, amours, admirateurs, deuils, danse passion, danse encore, danse toujours.
Autant et parfois plus que les mots, comme en prend conscience son psychanalyste "envoûté", l'artiste exprime sa profondeur tourmentée en laissant parler son inconscient dans l'expression du corps.
La plume de
Philippe Grimbert distille une analyse subtile de l'homme, du pourquoi de ses célèbres colères, du jeu relationnel qu'il pratique.
Tour à tour dominant, autoritaire, séducteur et charmeur, manipulateur, regard magnétique, pommettes hautes, dieu de la danse, homme brisé en quête de reconnaissance, l'artiste se livre quand il le veut.
Le psychanalyste se laissera absorber par l'homme. Il ira au-delà de l'écoute active et déontologique.
Une affinité réservée s'établira entre les deux hommes.
Noureev gardera son mystère tout en exprimant sa douleur (notamment en langue russe - le retour aux sources) mais il restera celui qui "aura toujours le dernier mot".
Le psychanalyste conscient du dépassement qu'il s'autorise exceptionnellement avancera dans sa propre connaissance.
Il deviendra le dépositaire du plus troublant de ses patients et de son combat final.
Le livre est simplement humain, profondément questionnant de tout ce qui constitue l'au-delà d'un visage.
La dernière page du livre donne une puissante dimension et une possible explication de l'équilibre entre l'artiste, l'homme qu'est le psychanalyste et le psychanalyste.