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Émilie Chaix-Morgiève (Traducteur)
EAN : 9782743605568
346 pages
Payot et Rivages (05/11/1999)
3.7/5   10 notes
Résumé :
Nathan Reed partage l'existence de Hoyt Stubblefield dans un petit appartement, au premier étage d'un modeste immeuble de Los Angeles. Nathan travaille dans une librairie, écrit un roman, et ne sait pas grand-chose de son compagnon, sinon qu'il fréquente des gens engagés politiquement à gauche et que le FBI s'intéresse à lui. D'ailleurs, Hoyt lui cache la plupart de ses activités pour ne pas le compromettre. Mais Nathan est inquiet. Ce matin-là, il a suivi Hoyt à l'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
J'ai commencé à écrire mon impression sur ce livre de Joseph Hansen en ayant un sentiment mitigé, non plutôt un sentiment de perplexité. Pourquoi n'avoir écrit qu'un seul livre avec ce personnage ? Nathan Reed. Bon chacun fait ce qu'il veut, d'accord. Toutefois, la dernière page terminée, on se pose des questions : Que devient Nathan Reed ? Et le jeune sergent Steve Schaffer partit dans l'enfer du débarquement en Normandie ? Nathan réussira-t-il à revoir son père une dernière fois et à s'expliquer ? Réussira-t-il à oublier Hoyt Stubblefield ? Aura-t-il le courage de consulter la liste des blessés et disparus comme lui conseille de faire le sergent Schaffer pour savoir si celui-ci va revenir du combat ? Je me disais, si ça avait été moi, j'aurai écrit un deuxième livre. J'aurai pris des nouvelles de Nathan Reed, histoire de voir comment sa vie avait évolué au sortir de la guerre. J'ai donc laissé de côté mon écriture avec un sentiment de légère frustration et j'ai navigué sur le net pour en connaître un peu plus sur Joseph Hansen. Maigre résultat. Mais j'ai découvert qu' « En haut des marches » fait partie d'une trilogie « Nathan Reed » : Jack of hearts, Living upstairs, Cutbank Path, d'un projet de Joseph Hansen d'écrire douze livres, une saga en quelque sorte sur la vie de Nathan Reed. Seul « Living upstairs » a été traduit en français. Et seul trois livres ont vu le jour. Mon impression d'inachevé d'un seul livre n'était donc pas vaine. Ma satisfaction personnelle (en tant que personne qui lit et qui écrit) étant ce qu'elle est devant cette découverte je vais pouvoir parler d' « En haut des marches ». L'action se situe entre 1943 et 1944. Nathan est un jeune homme mineur de 19 ans installé à Los Angeles. Il est le fils unique d'une cartomancienne Alma et d'un musicien ambulant Franck, venants de l'Iowa et vivants à Minneapolis. Présenté comme un garçon en pleine forme, l'armée n'a néanmoins pas voulu de lui en cette période de guerre . La cause ; une méchante pneumonie contractée à son adolescence. Après avoir fait l'ouvrier dans une pépinière, il travaille maintenant dans une librairie. Avec sa paye bien maigre Nathan Reed vivote dans un univers rythmé par les restrictions, les tickets de rationnement, les étalages vides, les pénuries en tout genre, l'écriture de son premier roman et son premier grand amour :Hoyt Stubblefield. Nathan Reed est un brave garçon, naïf, intelligent, travailleur, doté d'un certain sens de l'humour, encore un peu étonné de se retrouver dans cet environnement de personnes non conventionnelles. Mais il le dit lui-même, c'était sûrement ce qui devait arriver en s'installant à Hollywood. Tout simplement. Il découvre aussi avec curiosité et même parfois stupéfaction l'univers homosexuel (ses bars, ses fêtes, sa marginalisation). Ce grand garçon de 20 ans, que tous s'accordent (hommes ou femmes) à trouver magnifique, espère être édité. Il résiste aux avances, aux dragues, aux compromis des uns et des autres ; ce n'est pas le genre à profiter de sa beauté (je remercie Joseph Hansen de n'avoir fait aucune description physique ou si peu) il ne pense même pas au cinéma (alors que certains le verraient bien en vedette hollywoodienne). Lui il veut être écrivain et vivre pleinement, simplement et tranquillement son amour avec Hoyt Stubblefield, envers et contre tout et tous. On peut dire que c'est un coup de coeur, un coup de foudre. Réciproque ? Difficile à dire. Qui est donc Hoyt Stubblefield ? C'est un jeune homme de 26 ans, vagabond texan, en rupture de ban avec sa famille d'Amarillo, artiste peintre ayant fait tous les métiers de terrassier à plumeur de poules, mystérieux, menteur et peut-être manipulateur. Hyot est communiste présumé. Nous ne sommes pas dans l'ère McCarthy mais elle arrive doucement et les alliés de maintenant vont devenir l'épouvantail conscient et inconscient des Etats-Unis.
Stubblefield a-t-il tué Eva Schaffer, la pasionaria communiste (la mère du soldat....) ? Est-il un espion à la solde d'une obscure fondation d'ultra-droite ? Travaille-t-il pour le gouvernement ? Voici donc la maigre intrigue qui fait que ce livre est à mon avis classé dans les polars. Toutes ces questions sont en fait assez secondaires. C'est un chemin de traverse qui enlace le véritable sujet du livre : Nathan Reed. Nathan ne veut pas quitter Hoyt, pourtant celui-ci et tous les autres lui conseillent. Il veut avoir confiance, même si cette confiance chancelle parfois. Il veut vivre le plus honnêtement possible, avec tous et avec lui-même mais le peut-il ? Est-il condamné à rester en marge ? L'homosexualité était alors un délit passible de prison et d'amende et le restera encore de nombreuses années aux États-Unis. Joseph Hansen n'est pas un défenseur flamboyant de la cause homosexuelle, il aborde le sujet sans pathos (merci à lui) d'une écriture classique et élégante où chaque mot est pesé. Hansen est un militant lambda qui sait que la lutte contre la discrimination et pour l'acceptation est toujours en marche. Il disait : « L'aspect kitsch et démonstratif de la culture homosexuelle m'irrite, car c'est le seul qui soit visible. Mais ça ne correspond pas à la réalité.». Il revendiquait un monde homosexuel multiple (c'est ce qui est dans le livre) et pas uniquement peuplé de grandes folles, d'efféminés et de toute la panoplie des clichés. le monde d'Hansen est d'abord un monde qui se débat avec le quotidien (non sans humour), avec ses doutes, ses erreurs, ses rêves, ses souffrances et ses joies. Ce langage est universel. La vie courante de Nathan est parcourue d'artistes fauchés, ringards, qui rêvent de leur gloire passée ou future, de travailleuses et travailleurs qui triment. En toile de fond, la guerre et surtout Hollywood, l'aimant incontrôlable, qui caresse ou lamine, ou les deux à la fois. Nathan fait face à ses propres désillusions et angoisses, à ses questionnements sur sa « nature » mais il le dit lui-même « autant essayer de changer la couleur de mes yeux », aux vacillements de ses sentiments – le jeune et beau sergent Schaffer qui lui a dit qu'il ne l'oubliera jamais et qu'il espère que Nathan l'aimera un jour, tourmente son coeur. Que peut-on lui souhaiter à ce bon coeur, dans la cité des anges ? Ce que l'on peut souhaiter à toutes et tous. Là-bas, ici, ailleurs. Dans l'universalité des genres et du monde. Une place au soleil.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
[...] - J'ai lu le résumé de ton livre, dit Dryrot, Stanley Page me l'a envoyé. Je regrette, mais il n'y a pas de quoi faire un film.
- vous ne le regrettez pas autant que moi, dit Nathan.
- Ouais. Dryrot rit. Un peu d'argent serait le bienvenu, je suppose. La librairie, ça doit pas très bien payer.
- Pourquoi ne peut-on pas en faire un film ? demande Nathan.
Dryrot soupire et tapote adroitement les cendres de son cigare dans le cendrier de la portière. "ça parle d'un petit gosse qui est un génie de la musique, c'est ça ? Et de son vieux qui joue toutes sortes de cors et de cette dame qui est diseuse de bonne aventure ? Et ils sont toujours fauchés ?
- Oui c'est ça ", dit Nathan.
Dryrot lui adresse un petit sourire malin. "Tu croyait que j'avais oublié, hein ?
- Je vous remercie de ne pas m'avoir oublié, dit Nathan. Et pour la promenade.
- Laisse-moi t'expliquer ce qui cloche dans ton histoire , dit Dryrot. Ca t'aidera pour la prochaine fois.
- Merci, dit Nathan.
- Tu vois, les personnages de ton histoire, ils ne ressemblent pas aux gens normaux, donc les gens normaux ne vont pas les comprendre, donc ils n'iront pas au cinéma pour les voir, donc personne ne gagnera de l'argent. Tu comprends ?
- Les gens normaux ne sont pas non plus des cow-boys, dit Nathan. Mais ça ne les empêche pas d'aller voir des films de cow-boys.
- C'est moi qui t'aide, dit Dryrot ou c'est toi qui m'aides ? Depuis quand tu es directeur d'un grand studio de cinéma ?
- Ils sont drôles pourtant, dit Nathan.
- Tu veux dire comme dans vous ne l'emportez pas avec vous ? Même pas.
- Ce n'est pas ce que je veux dire, dit Nathan. Mes parents ne ressemblent à aucune autre famille. Tout était exagéré quand j'étais enfant. Comme une sorte de farce. Ce n'était pas réaliste du tout. Ils sont peut-être un peu bizarres, mais ils sont authentiques.
- Ah, authentiques, Dryrot hoche la tête. Laisse tomber, petit.
- Pourquoi ? N'est-ce pas tout l'intérêt de l'écriture , de faire entrer les gens dans la vie d'autres gens, de leur montrer ce que c'est que d'être quelqu'un d'autre ?"
Dryrot secoue la tête. "Tu réfléchis trop. Fais-les rires, fais-les pleurer, fais-leur peur si tu peux. Pour la plupart des gens, la vie est moche. Ils ont besoin de s'évader quelques heures au pays des rêves. Ils ne veulent pas de gens vrais ni de vrais problèmes". Il donne une petite tape sur le genoux de Nathan, se penche en avant, fait glisser le panneau vitré, et dit "Librairie T. Smollett, Spencer. Pour monsieur Reed." Le chauffeur répond quelque chose. Dryrot ferme le panneau et s'enfonce à nouveau dans son siège. "De toute manière, ton histoire n'est pas faite pour le cinéma. Il n'y a pas d'histoire d'amour. Personne n'est riche ou magnifique. Un gosse en veut à son père ? Qu'est-ce qu'on en à faire ?
- Vous voulez dire que ça sort de l'ordinaire, dit Nathan. Vous pourriez essayer. Peut-être que ça plairait aux gens.
- Mais non, Dryrot secoue à nouveau la tête. On n'essaye" pas. On écrit ce qu'on connaît. Les gens veulent toujours les mêmes vieilles histoires. Pourquoi tourner le dos à ce qui marche ? Ca fait perdre de l'argent, c'est tout.
- Et Hitler ?
- Qu'est-ce qu'il a, ce fils de pute ?
- Je connais un écrivain qui a une bonne histoire sur Hitler.
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Il est venu parce que Stanley a insisté :
" Dans cette ville tu n'es rien tant que personne ne te connaît. Si tu veux arriver quelque part, il faut sortir et rencontrer des gens. Les gens du cinéma.
- Mais je ne suis pas dans le cinéma, a dit Nathan.
- Tu es écrivain. Le cinéma est la seule manière de gagner de l'argent avec ta plume. Qu'est-ce que tu comptes faire - mourir de faim toute ta vie ?
- Le livre n'est même pas écrit, a dit Nathan. C'est trop tôt.
- Mais ce n'est pas trop tôt pour ta beauté. Bon sang, ils vont te trouver splendide.
- Excusez-moi, mais je ne comprends pas le rapport avec mon roman ?
- A Hollywood, ce genre de rapport se passe de commentaires.
- Je crois que je ferais mieux d'attendre la sortie du livre.
- Mon cul. Pour eux, avoir un livre dans la tête et le sortir en librairie, c'est la même chose. De toute manière, ils ne savent pas lire. Ce sont des marchand de ferraille et des presseurs de pantalons. Des ignorants.
- Je ferais mieux de ne pas venir, a dit Nathan.
- Mets un costume sombre, a dit Page.
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Engourdi, Nathan quitta sa machine à écrire et suivi Hyot dans le salon. Le tableau était là. Achevé. Hyot l'avait travaillé de la même façon que le portrait de Nathan : il l'avait zébré de bandes de noir de fumée, si bien qu'il fallait le regarder fixement pendant une minute avant de distinguer l'image et les couleurs. Mais c'étaient l'image et les couleurs que Nathan avait espérées.
- Il est encore plus beau que mon portrait, dit-il.
- J'ai beaucoup appris en peignant celui-ci, dit Hyot.
Nathan garda le silence. Le tableau le remplissait d'amour pour Hyot. Et de pitié. Le portrait de Hyot, assis sur cette chaise dure et efflanquée, avec ses jambes dures et efflanquées innocemment allongées, un pinceau à la main, un chapeau de cow-boy posé en arrière sur sa tête, son corps efflanqué et dur tendu légèrement en avant et scrutant son modèle, était terriblement vrai dans son application, et terriblement solitaire. Il s'était bien sûr pris lui-même comme modèle, tel qu'il apparaissait dans le trumeau ovale. Mais si les deux tableaux avaient été accrochés l'un à côté de l'autre, le spectateur aurait pu croire que Hyot s'était peint en train de peindre Nathan. Pas solitaire. Un acte d'amour.
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Il est une heure du matin sur le boulevard désert, et Hoyt dit : "j'irais bien chez Moon"
- c'est fermé maintenant. Nathan remonte le col de sa veste et se dirige vers Highland Avenue en faisant face au vent, les mains dans les poches. "Moon est morte. Elle n'était pas vieille, mais elle buvait beaucoup. La dernière fois que je suis passé devant avec le camion de Joe Ridpath, les chaises étaient retournées sur les tables. Les fenêtres étaient sales. Il y avait un panneau A vendre."
Ils continuent à avancer péniblement , en silence. Puis Hoyt dit "Même si elle était vivante et si c'était encore ouvert, ce serait fermé. Ce genre d'endroits, c'est comme ça. On ne peut pas y retourner."
Nathan lui lance un sourire ironique. "Je ne t'ai jamais entendu parler avec autant de profondeur."
- " In vino veritas", dit Hoyt.
Nathan s'arrête devant un panneau posé sur le trottoir, à l'entrée d'un bar en étage appelé le Montmartre. "Regarde". Il y a la photo d'un Noir grisonnant au visage doux, vêtu d'un smoking, une clarinette à la main. "Jimmy Noone".
"Tu connais beaucoup de musiciens obscurs, dit Hoyt.
- Une fois que tu l'auras entendu, dit Nathan en se remettant à marcher, il continuera à jouer dans ta tête pour toujours. Sa musique a quelque chose de très pur. C'est la vérité même. Rien de superflu."
Ils tournent dans Highland Avenue et Hoyt dit :
"Et si je refuse d'aller l'écouter ?"
-"J'essaye d'élargir ton horizon culturel, dit Nathan. Tu m'as donné Stendhal, je te donne le jazz. Demain Jimmy Noone, ensuite Jack Teagarden et Ray Bauduc au Suzie-Q.
- Les Texans ont tendance à être un peu mal à l'aise avec les Noirs.
- Teagarden est un indien de l'Oklahoma, Bauduc est un Français originaire de la Nouvelle-Orléans. Il faut que tu entendes chanter Teagarden. Il ne sait pas chanter. Et c'est parfait. Allez, Hoyt, garde l''esprit ouvert.
- Fais-moi plaisir, dit Hoyt. Ne t'achète pas un cor."
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Au Suzie-Q, Erroll Garner est assis au piano sur une estrade en forme de tambour rayée d'éclats iridescents. Il est tard et, mauvais temps ou pas, la pièce étroite est pleine à craquer. La table de Nathan et Hoyt est tout contre l'estrade. Garner est assis juste au-dessus d'eux. Il s'échine, transpire comme un boxeur, renverse sa tête grimaçante en arrière en jouant, puis se penche au-dessus des touches, se balance d'un côté et de l'autre, si bien que Nathan et Hoyt sont aspergés de transpiration. Garner à de grandes mains et de grandes idées et c'est étonnant de le voir faire tout son possible pour transformer le piano en orchestre symphonique. Il fait monter en neige un morceau d'Ellington, Satin doll, en poussant des grognements de plaisir tandis que la musique sort à grand fracas du Steinway et ricoche sur les murs. Nathan et Hoyt n'ont presque plus d'argent, mais ils sont venus fêter quelque chose.
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