Constance Markievicz est née le 4 février 1868 dans une famille noble anglaise, les Gore-Booth, propriétaires d'un vaste domaine situé près de Sligo, sur la côte ouest de l'Irlande. Un domaine qu'ils habitent toute l'année, contrairement à la plupart des propriétaires anglais, où Constance grandit aussi libre et heureuse que privilégiée. Appréciée de tous pour son humour et son esprit vif, elle y passe son temps à pêcher ou chasser à cheval avec ses amis, quand elle n'est pas à la saison londonienne, marché au mariage dans son milieu (qui n'est pas dans ses plans, mais dans ceux de sa mère).
On le voit, une vie qui ne prédispose pas vraiment à devenir une rebelle irlandaise, prête à tout pour défendre ses idées féministes, nationalistes indépendantistes et socialistes. Pourtant dès 1896 Constance et sa soeur Eva militent activement pour le droit de vote des femmes. À cette époque la jeune fille ruine les espoirs maternels en partant étudier la peinture à Londres puis à Paris, où elle rencontre Casimir Markievicz. Un comte polonais, auteur de pièces de théâtre et peintre comme elle, qu'elle épouse bien qu'il soit étranger, catholique, impécunieux et que son titre nobiliaire soit douteux — toutes choses rédhibitoires aux yeux des Gore-Booth.
Le couple, de retour à Dublin — avec Maeve leur fille élevée en partie par la mère de Constance (une relation plus amicale qu'affectueuse entre Constance et sa fille en découlera) —, est de toutes les réceptions en vue et habite une élégante maison victorienne avec grands jardins, serre, écurie et domestiques, en complet décalage avec la misère de la ville. Une vie mondaine bientôt éclipsée par des réceptions littéraires imprégnées du renouveau irlandais vers un nationalisme culturel (réapprentissage de la langue, de la musique, des danses Irlandaises etc.) qui n'est pas sans influence sur la vie conjugale des Markievicz. S'ils demeurent bons amis Constance s'éloigne de Casimir en s'impliquant de plus en plus dans ces mouvements nationalistes indépendantistes.
Constance qui en tant que femme politique, par ses origines, sa proximité avec le vice-roi anglais en Irlande et son statut de femme, doit affronter l'hostilité et le machisme des républicains irlandais, avant d'être admise à lutter à leurs côtés contre l'Angleterre. Un engagement politique qu'elle poursuit avec la création d'un mouvement scout inspiré de celui de
Baden Powell, les Fianna, puis par son adhésion à de nombreux mouvements indépendantistes et ouvriers. Jusqu'à Pâques 1916 date à laquelle Constance participe au soulèvement armé à Dublin, ce qui lui vaut une condamnation à mort, peine commuée, pour finalement être la première femme élue à la Chambre des communes anglaise et ministre du premier gouvernement d'Irlande libre de 1919 à 1922, le gouvernement révolutionnaire d'Éamon de Valera.
J'ai adoré découvrir cette femme, au centre de la rébellion des Irlandais pour leur autonomie, qui avait la chance d'être aussi belle et bien née qu'indépendante et généreuse. Prête à embrasser toutes les causes auxquelles elle croyait, une femme courageuse et libre qu'aucun combat ne rebutait, passant outre l'opinion de ses amis comme de ses adversaires. Pour avoir défendu ses idées Constance Markievicz a renoncé aux privilèges de sa classe, a été emprisonnée et est morte épuisée par ses combats dans la salle des pauvres (son choix) de l'hôpital de Dublin en 1927. Pour elle, une vie pleinement accomplie, puisqu'elle s'est battue et a connu l'indépendance de l'Irlande, sans jamais oublier de rester proche de ceux qui en avait besoin.