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Jeanne Hersch (Traducteur)Pierre Vidal-Naquet (Préfacier, etc.)
EAN : 9782707313638
128 pages
Editions de Minuit (08/11/1990)
3.93/5   7 notes
Résumé :
" Celui qui est resté passif sait qu'il s'est rendu moralement coupable chaque fois qu'il a manqué à l'appel, faute d'avoir saisi n'importe quelle occasion d'agir pour protéger ceux qui se trouvaient menacés, pour diminuer l'injustice, pour résister.
Même lorsqu'on se soumettait par impuissance, il restait toujours du jeu permettant une activité, certes non exempte de danger, mais que la prudence pouvait pourtant rendre efficace. On se reconnaîtra, en tant qu... >Voir plus
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Par contre, il est dénué de sens d'inculper d'un crime un peuple tout entier. Un criminel, c'est toujours un individu.
Il est aussi dénué de sens d'accuser moralement un peuple tout entier. Il n'existe pas de caractère d'un peuple, tel que chacun de ses ressortissants le possède individuellement. Certes, il y a, au sein d'un peuple, des éléments communs, tels que la langue, les coutumes et les habitudes, la provenance. Mais, en même temps, il peut s'y trouver des différences si profondes que les hommes qui parlent cette langue commune restent aussi étrangers les uns pour les autres que s'ils n'appartenaient pas du tout au même peuple.
Moralement, c'est seulement l'individu qui peut être jugé, jamais une collectivité. Il est très fréquent qu'on considère, qu'on caractérise et qu'on juge les hommes à l'aide de désignations collectives. De telles déterminations - par exemple Allemands, Russes, Anglais - ne correspondent jamais à des concepts génériques dans lequel on pourrait inclure les êtres humains individuels, mais seulement à des représentations typiques qui leur conviennent plus ou moins.
(P53-54)


La défense peut recourir à la contre-attaque : elle rappellerait des actes par lesquels les autres contribuèrent à la naissance du fléau ; elle signalerait chez les autres des actes semblables à ceux qui sont avec raison considérés comme des crimes de la part du vaincu ; elle soulignerait l'interdépendance générale des événements dans le monde, signe d'une culpabilité commune.
(P58)


De même un Allemand se sent mis en cause par tout ce que produit la réalité allemande. Il ne s'agit pas ici de la responsabilité découlant de l'appartenance nationale. Je me trouve mis en cause parce que je suis un homme appartenant à la vie spirituelle et morale allemande, parce que j'ai la même langue, la même provenance, le même destin que les autres.
Là-dessus se fonde non une culpabilité bien déterminée, mais quelque chose qui ressemble à une culpabilité partagée.
En outre, nous ne nous sentons pas seulement mis en cause par ce qui se fait aujourd'hui, nous ne partageons pas seulement la culpabilité de nos contemporains, mais aussi celle qui découle de la continuité de la tradition. Nous devons assumer la culpabilité de nos pères. Les conditions de vie spirituelles en Allemagne étaient telles qu'elles ont permis l'avènement d'un régime pareil ; de cela, tous ensemble, nous sommes coupables. Ce qui n’entraîne nullement l'obligation d'admettre que "le monde de la pensée allemande", - "la pensée allemande du passé" soient en bloc à l'origine des forfaits du national-socialisme. Mais cela signifie que dans la tradition qui est celle de notre peuple se cache quelque chose de puissant, de menaçant, qui tend à détruire notre vie morale.
Nous n'avons pas seulement conscience de nous-mêmes comme individus, mais comme Allemands. Chacun de nous, si il est vraiment lui même, est en même temps le peuple allemand, qui n'a pas connu un instant dans sa vie où, s'opposant avec désespoir à son peuple, il s'est dit : c'est moi qui suis l'Allemagne, - ou bien dans l'allégresse de son accord avec lui : moi aussi je suis l'Allemagne ! La réalité allemande n'a pas d'autre visage que ces visages individuels. C'est pourquoi la refonte radicale, la renaissance, l'élimination de tout ce qui subsiste de pernicieux, tout cela qui s'impose aujourd'hui, est la tâche du peuple ; une tâche à accomplir par chaque individu.
(P88-89)


Il est impossible d'en venir à des actions d'une certaine ampleur sans s'organiser et sans avoir de chefs. Exiger que la population d'un pays se rebelle même contre un état qui pratique la terreur, c'est demander l'impossible. Une telle révolte ne peut se produire que çà et là, sans cohésion réelle ; elle reste toujours anonyme, et ignorée par la suite, elle s'enfonce silencieusement dans la mort. Il n'y a que quelques exceptions que certaines circonstances particulières ont fait connaitre, mais même alors seulement par transmission orale et dans une mesure restreinte (Comme l’héroïsme des frère et sœur Scholl, ces étudiants allemands, et du professeur Huber, à Munich).
Il est étonnant qu'on puisse alors porter une accusation. Franz Werfel, qui a publié peu après l'effondrement de l'Allemagne d'Hitler un article chargé d'une accusation impitoyable contre le peuple allemand tout entier, y écrivait que seul Niemoller avait résisté ; et dans le même article il parle des centaines de milliers qui furent tués dans les camps de concentration - mais pourquoi donc ? Évidemment parce qu'ils avaient résisté, ne fut-ce, pour la plupart d'entre eux, que par leurs paroles. Ils sont les martyrs anonymes qui, par leur disparition sans efficacité, ne font que rendre plus évident que c'était impossible. Jusqu'en 1939, on le sait bien, les camps de concentration ont été une chose purement intérieure pour l'Allemagne, et même plus tard ils furent pour une bonne part remplis d'Allemands. Le nombre des emprisonnements politiques, en 1944, dépassa chaque mois 4000. Qu'il y ait eu des camps de concentration jusqu'à la fin suffit à prouver l'opposition dans le pays.
(P91)


C'est en Allemagne que se produisit l'explosion de ce qui était déjà en train de se développer dans le monde occidental, sous la forme d'une crise de l'esprit, de la foi.
Cela ne diminue pas notre culpabilité. Car c'est ici, en Allemagne, et non ailleurs, que l'explosion s'est produite. Mais cela nous délivre de l'isolement absolu. C'est un enseignement pour les autres. Cela regarde chacun.
(P96)
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