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EAN : 9782367190679
181 pages
Tristram (24/05/2018)
3.5/5   2 notes
Résumé :
« Il dit avoir été agriculteur, mais quelqu'un a-t-il jamais tenté de vérifier ses dires ? Quelqu'un l'a-t-il jamais connu ébéniste, doreur à la feuille, voire socleur ou restaurateur ? A-t-on jamais vu un objet qu'il aurait restauré ? Arrivé un jour en France, nu pour ainsi dire - d'après certaines personnes qui l'ont connu à l'époque il serait même sorti d'un hôpital psychiatrique - et voilà qu'il s'est retrouvé du jour au lendemain enseignant à l'université alors... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
certains livres peuvent transformer, étirer et même modifier des vies, il est important de garder à l'esprit que parfois ces mêmes livres sont le produit non seulement d'un auteur à la personnalité peut-être exubérante et délirante, mais également d'un traducteur maîtrisant parfaitement ce jonglage entre « chagrin intérieur et la gaieté de surface », que nous lisons sans nous rendre compte de sa propre personnalité, égrenée généreusement mais aussi avec une certaine retenue, dans tout le roman, comme un liquide injecté au dormeur pendant la nuit.

Si « En un sens Borges délimitait Borges » et « était la frontière de son propre univers », selon Laurent Lemire dans le journal La Croix, Hoepffner dédouble également en un jeu de miroirs infiniment ample la moindre de ses facettes jusqu'à devenir, non sans brio, à la fois l'Auteur, mais également le Lecteur, le Critique et le produit poétique de l'oeuvre traduite. Mais peut-on rendre compte de la présence sans la notion d'absence ?

Si dans l'acte de traduire tout est double-bind, ou double-contrainte, Hoepffner semble néanmoins penser qu'il est possible de « Trouver le désir où règne la contrainte » en apportant tout le « soi » nécessaire à l'oeuvre tout en le dissimulant, sans quoi elle ne serait qu'une pâle copie intégrale. Mais quel est ce désir ? Celui de « pénétrer dans la langue, les langues », ou de saisir ce que parfois l'auteur lui-même n'a peut-être même pas saisi, ou encore d'exposer « le mouvement vibrionnant et indescriptible que l'on peut imaginer exister au centre de tout cela » ?

Notre escroc ne retient pas l'attention seulement en vue des projets menés à bien au fil des années – comme la participation à la nouvelle traduction d'Ulysse de Joyce, entre beaucoup d'autres –, mais aussi par des éléments qui, en apparence plus discrets, peuvent réellement devenir une explication pour son succès. L'homme en question ne s'est pas totalement enfermé dans la Littérature, ses dictionnaires, encyclopédies et affirmations savantes. L'escroc en question est un artisan qui, soucieux de la qualité de ses oeuvres, est un être perpétuellement renouvelé à l'existence professionnelle colorée, témoignant ainsi d'un authentique désir de vivre, mais également un peu victime de ses doubles qui semblent avoir, parfois, un peu mené les lignes.

Il aurait de la sorte suivi des études d'architecture, fui le service militaire français, se serait employé à l'ébénisterie et participé à la restauration d'oeuvres d'art jusqu'à, enfin, s'établir confortablement dans le métier de la traduction littéraire.


Où est la patte ?

Dès le départ, « le Portrait du Traducteur en Escroc » nous expose une « théorie des strates » selon laquelle pour qu'une oeuvre soit parfaitement soumise à la génération qui s'apprête à la recevoir, il est essentiel d'éliminer, une à une, les anciennes strates exprimant une esthétique ou une vision religieuse particulières, jusqu'à en rendre une culturellement acceptable, conforme à l'idée que le présent se fait de l'oeuvre ou de l'artiste en question. Une fois exposé, cela peut paraître si évident que l'on aurait même tendance à l'oublier.

Alternant alors entre le traité de traduction et textes personnels à la qualité poétique surprenante, ce portrait qui s'affirme biographique au sujet d'un certain Ramsey prend des airs de journal autobiographique auquel il manquerait alors seulement les dates, parfois les lieux. Finalement, il témoigne surtout d'une patte peut-être pas inclassable, mais très singulière et nouvelle, omnisciente dans sa faculté à balancer entre le présent et l'absent, l'auteur lui-même disparaissant parfois d'entre les lignes du texte et nous laissant alors douteux, en perpétuel questionnement, suspicieux même de son existence réelle. Au-delà de l'effroi, cela peut avant tout procurer un sentiment de fascination mêlé de réjouissance auquel il n'est pas toujours bon d'apporter une réponse, mais alors seulement un abandon total et généreux, à la merci totale des mots.


La réalité se limite à ce qu'en a décidé l'auteur, le traducteur, ou les deux

La réalité est un concept fluctuant, les sympathisants d'acides et autres substances hallucinogènes devraient être capables d'en témoigner. Et dans le livre, elle se perd, s'épuise, se multiplie et s'intensifie.

Un magnifique chapitre intitulé « La Mer » fait résonner la disparition de Bernard Hoepffner lui-même – en mai 2017 il est emporté par les vagues au large de St-David's Bay, dans le Pays de Galles – lorsque le Traducteur en Escroc qui « écrit, pêche, se balade le long de la côte, nage, regarde la mer, vit dans le silence », appréhende de « se voir à nouveau enseveli ».

Et n'est-ce pas justement là, lors de ces flâneries répétées, lui qui rêvait d'écrire mais s'effrayait en même temps de devenir, peut-être, « un vieillard rampant sur les ruines ordonnées d'un monde qu'il aurait lui-même construit », qu'il comprend être et ne pas être simultanément, tel un traducteur vêt le masque de l'auteur pour n'exister qu'à travers ce dernier ?

Mais Bernard Hoepffner offre, ainsi, un portrait de traducteur fidèle, juste, à la fois transparent et impénétrable, qui pourra convaincre le lecteur que, oui, il était bel et bien « l'homme de la situation », malgré toute l'incertitude qu'il « transportait toujours avec lui, peut-être même dans son sac ».
Lien : https://julienrilzel.wordpre..
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critiques presse (1)
LeMonde
15 juin 2018
En partie autobiographique, l’unique roman du traducteur, mort en 2017, révèle un talent d’écrivain rare et inclassable.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Dans "In Transit" , Brigid Brophy déclare :
Nous parlons l'anglais comme une langue étrangère, même si nous n'en avons pas d'autre.
Nous, les Irlandais, nous avions le mot juste au bout de la langue, mais les impérialistes y ont mis la main.
Alors que nos mots devraient couler de source, nous trébuchons dessus.
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Videos de Bernard Hoepffner (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bernard Hoepffner
« Je serai poète, écrivain, dramaturge. D'une façon ou d'une autre, je serai célèbre, quitte à avoir mauvaise réputation. » Oscar Wilde (1854-1900) était un homme de parole : il fut poète, écrivain et dramaturge, il eut une mauvaise réputation et il est célèbre. […] le jeune Wilde, élève brillant, entre au Trinity College de Dublin avec une bourse […] et suit des études classiques : histoire ancienne, philosophie et littérature. Il commence à voyager et découvre l'Italie et la Grèce. […] Il s'installe à Londres et fréquente les milieux élégants intellectuels. […] Il se fabrique une image d'esthète : […] ses tenues vestimentaires de dandy font fureur… Oscar Wilde est à la mode. […] il fait une tournée de conférences sur « l'esthétisme » aux États-Unis, avant de séjourner à Paris où il rencontre Hugo (1802-1885), Daudet (1840-1897), Zola (1840-1902), Edmond de Goncourt (1822-1896) (qui le décrit comme « un individu de sexe douteux »), Verlaine (1844-1896), et les peintres Pissarro (1830-1903), Degas (1834-1917) et Jacques-Émile Blanche (1861-1942). […] […] Un second voyage à Paris lui permet de rencontrer Mallarmé (1842-1898), Pierre Louÿs (1870-1925), Marcel Schwob (1867-1905) et André Gide (1869-1951). Juillet 1891 marque le début d'une liaison qui ne se terminera qu'à la mort De Wilde : Alfred Bruce Douglas (1870-1945), « Bosie », vient d'entrer dans sa vie. […] Accusé de sodomie, Wilde […] est arrêté et jugé, […] déclaré coupable d' « actes indécents » et condamné à la peine maximale : deux ans de travaux forcés. […] Wilde séjourne dans plusieurs prisons […]. Au bout de quelques mois, son état de santé lui vaut d'être dispensé de travaux forcés proprement dits. Ne pouvant payer les frais de justice du procès […], il est condamné pour banqueroute et ses biens sont vendus aux enchères. […] En 1900, un abcès dentaire dégénère en méningite et Oscar Wilde meurt le 30 novembre après avoir reçu, à sa demande, l'absolution d'un prêtre catholique. le convoi funèbre est composé de quelques artistes anglais et français, dont Pierre Louÿs ; Wilde est enterré au cimetière de Bagneux. Ses restes seront transférés au Père-Lachaise en 1909. » (Dominique Jean dans Oscar Wilde, Maximes et autres textes, Éditions Gallimard, 2017)
« […] Les aphorismes traduits ici ont été publiés en 1904, quatre ans après la mort de leur auteur, par Arthur L. Humphreys, qui s'appuyait sur un recueil « analogue » qu'il avait lui-même publié en 1895 sous le titre Oscariana : Epigrams. […] le recueil de 1904 s'intitulait simplement Sebastian Melmoth, Oscar Wilde n'étant mentionné qu'entre crochets. […] Cet ensemble donne un aperçu de la pensée et de l'esprit De Wilde, et si les aphorismes sont parfois contradictoire, ils n'en sont pas moins - précisément - le reflet exact de sa personnalité. Wilde, en public, offrait un tel feu d'artifice de mots d'esprit et de paradoxes que le poète Yeats (1865-1939) a dit qu'il donnait l'impression de les avoir préparés à l'avance […]. » (Bernard Hoepffner)
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Références bibliographiques : Oscar Wilde, Aphorismes, traduits par Bernard Hoepffner, Éditions Mille et une nuits, 1995
Oscar Wilde, Pensées, mots d'esprit, paradoxes, traduits par Alain Blanc, Éditions V
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