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EAN : 9782253030072
222 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.66/5   622 notes
Résumé :
A treize ans, Valérie Valère a été internée au pavillon des enfants fous d'un grand hôpital parisien. A quinze ans, elle écrit le récit de ce séjour.

Son livre n'est pas seulement une vision du monde hospitalier, des traitements pour les malades mentaux, le cri pathétique d'une adolescente de treize ans qui, un jour, a refusé toute nourriture : elle prend conscience des raisons profondes qui l'ont amenée au comportement suicidaire qu'est l'anorexie.<... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (74) Voir plus Ajouter une critique
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sur 622 notes
Par où commencer ?
La précocité, c'est ce qui me vient en premier. A l'âge d'être en troisième, Valérie Valère a déjà si bien compris le monde, ses mensonges et ses masques, qu'elle en est devenue "folle". Elle se l'est pris en pleine face, mais comme elle est une enfant, elle n'a pas encore développé de barrières psychiques, de protection. Elle est sans filet devant l'abîme, comme Rimbaud, sans compromis ni concession, et elle se brûle les ailes. Elle ne peut pas supporter ce qu'elle voit, ce qu'elle ressent, et elle devient un immense cri de rage et de désespoir.
L'anorexie. Valérie veut mourir. En tout cas, elle ne veut pas vivre, pas dans ce monde. Je n'ai jamais lu un tel dégoût authentique, un corps que se noue entièrement, jusqu'à le ressentir physiquement en moi-même. Et ça c'est fort. le rejet de l'existence, de soi, des autres, du mensonge et de l'hypocrisie, qui se traduit dans le corps par une incapacité quasi mécanique d'avaler. Incroyable. La nourriture devient l'abject contrat que l'on passe avec la vie, son refus l'ultime forme de résistance. Malaise ? Valérie dirait que c'est que nous sommes aveugles. C'est dur pour la lectrice d'être confrontée à quelqu'une qui refuse de vivre.
Parole de jeune fille. Encore cette jeune fille dure, farouche, courageuse comme une Romaine, inébranlable, endurante à une douleur insoutenable, ultra-intelligente, ultra-sensible, qui ne s'est pas exprimée pendant des millénaires, et dont on est heureuse d'entendre enfin la voix solide et fière, fût-elle d'outre-tombe.
Horribles conditions dans les hôpitaux psychiatriques en cette fin de XXème siècle. On va jusqu'à la forcer à manger en lui ouvrant la bouche à la main. Valérie Valère est sortie détruite de cet internement.
Réflexion sur la folie. On traite Valérie de "folle". Elle se sent plus lucide que tous les autres, elle ne délire pas. Elle finit par plier devant la violence des soignants, qui la déclare "guérie" quand elle a pris quelques kilos. Qui est fou ?
Un texte qui n'est que colère, douleur, désespoir complet et réel, absolument authentique, effrayant de franchise, matière brute de l'esprit. Les enfants "fous" (Rimbaud, Valérie...) font de puissants écrivains, et ils le paient très cher, car eux ne jouent pas, ne rient pas, n'ont aucune ironie, aucune garde ni défense, aucun masque. Leur coeur mis à nu l'est réellement, et fragile comme du cristal.
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Après soixante pages de lecture, je me suis dit : « Et merde, encore 160 avant d'en avoir fini. Moi qui pensais que ça irait vite… ». Car pendant tout ce temps, l'auteure crache toute la haine et la colère qui l'ont dévorée lors de son internement. Rage envers ses geôlières, fureur contre l'univers de cette prison, hargne viscérale envers ses parents, dont elle est persuadée qu'ils ne l'aiment pas et qui sont responsables de cette malheureuse expérience.
220 pages à ce rythme, je pense que je n'aurais pas tenu. C'est une lecture difficile, dans les deux sens du terme : à la fois moralement parce que ce que vit cette gamine de treize ans est dur, et mentalement, parce que c'est une écriture lourde, pénible, déconstruite.
Mais passé ces soixante pages, les choses ont commencé à bouger. Valérie se remet en question, elle doute de sa méthode (qui est : « Plutôt mourir de faim que de me laisser faire ! » et : « ils ne m'auront pas ! »). Elle réalise qu'une approche plus « pacifiste » serait peut-être préférable. La jeune fille commence à faire des efforts, à prendre sur elle pour manger, à lutter contre les nausées qui la prennent, à se battre pour gagner quelques gammes. Elle ne le fait pas pour sa santé, elle le fait pour quitter cet endroit et retrouver sa liberté. Elle se décide à jouer leur jeu car après tout « c'est eux qui ont les clés ».

Et c'est là que le comportement de ces infirmières, de ces médecins, de ces soi-disant psychologues m'a le plus outrée. Car au lieu de féliciter l'héroïne, de l'encourager et d'éviter de la brusquer, ils se permettent de faire des remarques complètement anti-pédagogiques : « Tu n'as pris que 500 grammes cette semaine. Tu ne fais pas assez d'efforts pour lutter contre tes nausées ! T'as qu'à penser à autre chose quand tu manges ! de toute façon tu ne sortiras pas d'ici tant que tu ne feras pas quarante kilos ! » Elle en pleure, cette enfant qui s'acharne à retrouver ses droits, elle se fait violence, elle se promet d'y arriver. Pour elle, pour ne plus jamais se laisser faire.
J'étais également scandalisée par la façon dont ces « docteurs » traitent l'anorexie. Ils promettent à Valérie de ne pas se préoccuper de son poids et de lui permettre de continuer à suivre des cours, de l'aider à comprendre ce qui l'a amenée à avoir cette maladie.
Première nuit au Pavillon : elle est enfermée à clé dans sa chambre, avec l'obligation de finir son plateau-repas. Elle refuse. Ce n'est que le début d'un bras de fer qui durera un mois. Privée de toute distraction et de toutes les affaires qu'elle a emmenées en arrivant (à l'exception de son pyjama), sa seule occupation est d'écouter ses pensées à longueur de journée. À moins de prendre cinq kilos, elle n'a pas le droit de lire, ni de dessiner, ni même d'écrire, et surtout : elle n'a le droit de communiquer avec personne. Sauf le personnel. Une méthode brutale et traumatisante qui ne fait que la braquer contre le monde entier. « J'en veux pas de votre monde pourri ! » Son rêve est de mourir. Si possible, dans le pavillon afin de les rendre responsables.
Et aucun de ces « spécialistes » ne remet leur méthode en question. Tous veulent essayer de lui faire dire que c'est le rejet de sa féminité qui l'a conduite sur la pente de l'anorexie – car c'est la conviction de l'époque. Tout porte à croire qu'ils ne se tiennent pas devant un être humain – une enfant ! – mais un cas étrange à analyser. À plier à leur volonté.

Il faut dire aussi que Valérie est une anorexique étonnante. J'ai l'impression qu'elle n'a jamais cherché à maigrir. Son but est seulement de se tuer à petit feu. Elle recherche la mort, elle refuse le monde des adultes et jamais elle n'éprouve de complexe vis-à-vis de son apparence ou d'obsession par rapport à la nourriture. L'anorexie, c'est le moyen le plus facile qu'elle a trouvé pour mettre fin à ses jours et faire souffrir son entourage. Car elle éprouve un mépris sans borne pour les adultes (« J'ai lu un peu d'exaspération dans son regard et elle m'a agréablement soulagée. "Merde, dire que je suis obligée d'aller voir cette sale môme muette, je pourrais aller draguer l'interne de l'autre pavillon…" Vas-y, ne te gêne pas pour moi… »), et plus spécialement pour les parents : l'auteure revient sans arrêt sur le fait qu'elle « appartienne » à sa mère, et que cette possession donne du plaisir à cette dernière. Pour elle, les parents n'aiment leurs enfants que parce qu'ils sont à eux, leur propriété, leur bien. Comme ils aimeraient un chien ou une maison, ou un canapé relax acheté à 1500 €.
C'est terriblement triste, de croire une telle chose pour une enfant. Car chaque manifestation d'amour de la part de sa mère est automatiquement fausse à ses yeux et renforce son mépris pour elle. Mais plus ma lecture avance, moins je me dis qu'elle la diabolise et plus je pense que cette dernière est réellement insensible. le tout dernier chapitre, quand Valérie sort de son internement, nous le confirme. Elle l'exhibe devant ses amies, parle d'elle comme d'un petit chien (comme si elle n'était pas là), la force à voir des psy malgré son aversion envers cette profession...

La sexualité est, pour l'auteure, objet de dégoût. Non pas l'acte en lui-même, mais les désirs concupiscents des adultes, leurs regards torves lorsque passe une jolie fille ou un joli garçon, leurs pensées sales et secrètes (pas si secrètes que ça, d'ailleurs). L'omniprésence du sexe dans la société l'agace. Il est partout : dans les regards et dans les pubs (que dirait-elle de notre époque ?). Ce rejet est probablement la conséquence du fait que ses parents ne se gênaient pas pour avoir de nombreux amants. Avec ou sans sa présence.

Valérie Valère a écrit son livre à quinze ans, en trois mois. En ne se relisant qu'une seule fois. Pas très prometteur, n'est-ce pas ? Et pourtant, c'est une écriture étonnamment mature et noire que j'ai rencontré. Des mots évolués, des références philosophiques et littéraires, une conscience aigüe de ses droits en tant qu'être humain et de la médiocrité du monde des adultes.
En me documentant, j'ai réalisé que cette fillette, ce petit bout de femme qui a subi tant d'épreuve, cette enfant à la fois innocente et dure aurait l'âge de mon père si elle avait vécu. Si elle n'était pas morte à 21 ans d'une overdose médicamenteuse. En restant en froid avec ses parents jusqu'au bout, puisqu'ils n'avaient pas le droit d'assister aux dispersions de ses cendres dans la mer – selon ses dernières volontés.

Ce suicide est presque annoncé par la fin du livre, qu'elle avait écrit six ans plus tôt. Car de retour dans le monde, Valérie est écoeurée. Tout l'angoisse, tout la repousse : les hommes qui reluquent les femmes dans la rue, les femmes qui glissent un oeil sur les fesses d'un homme dans le métro, les faux sourires, l'hypocrisie, l'indifférence, les mesquineries… Tout est faux – comme le dit si bien la chanson de Minimum Serious. Elle accuse ces gens qui sont totalement épris de cet « univers de vente » (« société de consommation », dirait-on plus facilement à notre époque), si plein d'une frivole inutilité. « Ils perdent du temps à s'occuper des autos ? "Dehors", ils sont donc futiles ? » Ce monde glacé n'est pas fait pour elle et elle en paye le prix.

Ce livre m'a poussée à me remettre en question. Est-ce que moi aussi je fais partie de ces adultes qu'elle décrit, maintenant ? Est-ce que je suis tout aussi futile qu'eux ? Tout aussi indifférente, hypocrite, orgueilleuse et fausse ? Ne suis-je pas, moi aussi, tout aussi portée sur la consommation, sur les biens matériels, sur le contingent ?
La réponse me laisse un goût amer dans la bouche...
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D'un langage cru relevant d'une colère énorme du mal être, Valérie Valère pousse ici un grand cri où la vie l'étouffe dans ce vaste monde. Elle veut tout simplement qu'on la laisse mourir, elle ne demande rien sinon que sa mort, elle va sombrer dans l'anorexie raison pour laquelle elle sera internée dans un centre psychiatrique. Dans cette rage d'une adolescente mal dans sa peau fulmine plusieurs questions d'existence notamment de la relation entre le moi et autrui. L'auteure nous relate l'incompatibilité existant entre elle et son environnement, comment elle se sent vide là dedans, presque étouffer, incapable de se trouver une place ou de faire porter sa voix, alors écrire devient pour elle une question vitale, le moyen de se trouver une place dans ce monde, communiquer avec son environnement...
Un livre très bouleversant et qui nous fait penser à un moment quelle grande douleur peut se cacher derrière un sourire...
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Un livre que j'ais beaucoup aimé lire a plusieurs titres

-une autobiographie donc une histoire vrai

-la vision de notre monde vu dans les yeux de la folie (mais par la justesse de la souffrance de l'auteur peut etre un monde fou vu par ses yeux)

Un style particulier vivant, comme seul les jeunes auteurs précoces et féconds savent en faire.

une reflexion ouverte sur notre societée moderne et ses conventions

faudrait le relire, pour etre sur souvent ce qu'on pense d'un livre change avec le temps
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Un récit très déprimant, et cela est tout à fait normal. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu'on sait que l'auteur est une jeune fille de quinze ans, qui deux ans plus tôt, a été internée en psychiatrie dans un hôpital parisien pour anorexie. Comment cette histoire ne serait pas déprimante, lorsqu'on sait aussi que ladite jeune fille est sortie de l'hôpital, car déclarée guérie car elle avait repris une bonne partie de ses kilos perdus, mais qu'elle traînait plus que jamais peut-être son mal de vivre. Déprimant aussi, parce que ce mal être venait peut-être d'un manque d'amour parental, d'une non reconnaissance, d'une forme d'indifférence. Déprimant encore plus, enfin, quand on apprend que la jeune fille est morte à 21 ans, d'une overdose médicamenteuse, après plusieurs tentatives de suicide... Une tragédie...
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Citations et extraits (117) Voir plus Ajouter une citation
Quel crime ai-je donc commis ? Refuser le monde: crime puni de prison à perpétuité. Ils me manipulent comme un vulgaire ramassis d’os, dénué de toute pensée, de tout sentiment.
Je suis seule. Dehors, le monde est en train de rire, de s’amuser, de parler, je suis seule, seule avec mon corps, qui ne veut rien, qui ne demande rien, sauf de mourir. Mais il résistera. Ils ne me laisseront pas m'évanouir parce que je dois souffrir et m'apercevoir de ma stupidité à m'entêter, à vomir ces gens, ces maisons, cette société contraignante. Mais qu'est ce qu'ils croient donc, que je vais céder à leur chantage infâme? Ils n'ont pas l'air de se rendre compte de l'horreur qu'ils provoquent.
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Les adultes ne savent pas se plier aux règles, ils s'amènent avec leurs grosses mains plus fortes et vous font taire. Cela va plus vite que les paroles, c'est moins fatiguant et plus efficace. pourquoi donc font-ils des enfants ? Pour les montrer aux voisins ? Pour recoller leur couple désuni ? Pour avoir une "chose" bien à eux ? Pour s'assurer une retraite ? Vous me trouvez horrible ? Regardez les familles, les mères dans le métro, les grands-mères qui n'ont plus qu'"eux" au monde. Vous trouvez qu'ils les aiment ? Ou qu'ils leur sont utiles ? Cessez donc de mentir !
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"Au fait, tu resteras dans ta chambre en pyjama, tu n'auras pas le droit de lire ni de faire quoi que ce soit, juste te reposer. Quand tu auras pris un peu de poids, on verra, mais pour le moment c'est comme ça, d'accord ?"
Bien sûr que non, qu'est-ce que vous voulez que je vous réponde, que votre bagne me convient à merveille ? Vos kilos je n'en veux pas, je ne prendrai pas de poids. Je suis bien comme ça et j'en ai rien à foutre de votre bouffe, vous pouvez la garder !
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Quel crime ai-je donc commis ? Refuser le monde: crime puni de prison à perpétuité. Ils me manipulent comme un vulgaire ramassis d’os, dénué de toute pensée, de tout sentiment.
Je suis seule. Dehors, le monde est en train de rire, de s’amuser, de parler, je suis seule, seule avec mon corps, qui ne veut rien, qui ne demande rien, sauf de mourir.
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J'aurai voulu avoir plein d'amis tout en conservant ma solitude. Cela m'est apparu comme une impossibilité psychologique. Alors j'ai choisi la solitude. Je pourrai résister à tout, eux, ils auront toujours besoin de quelqu'un, mais moi, non, j'aurai mes propres pensées.
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