Joie de retrouver l'habileté d'
Alain Claude Sulzer à créer une atmosphère, à décrire des sensations et des sentiments par lesquels le monde réel se dévoile.
Avec sa manière de révéler à travers des détails minuscules un monde qui se défait,
Sous la lumière des vitrines est le roman de la fin d'une époque. Celle d'une vison paisible et harmonieuse de l'existence, celle encore d'une douceur des moeurs qui se heurte à la modernité de la fin des années soixante qui apparaît sous sa face violente. Ambition et arrogance dépoitraillées, mouvements contestataires, nouvelles formes de marketing...
Un monde se désagrège pour Stettler enserré dans ses chemises amidonnées. Mais sa correspondance avec une pianiste de radio allemande oriente l'intuition du lecteur ou de la lectrice vers l'espoir d'une rencontre. Outre leur goût pour la musique, échappatoire à la médiocrité qui abîme, l'irruption de la modernité ou la fin d'une routine dans la vie de chacun semblent se prêter à susciter un dénouement commun. Et apaiser les blessures mutuelles.
Tout l'art de
Sulzer est là : jouer avec l'improbable et l'envisageable. Sans psychologisation pédante, la construction fait habilement dialoguer des situations et des sensations laissées en pointillés. Tout cohabite, tout semble se répondre merveilleusement jusqu'à ce que l'auteur s'appesantit sur tout ce qui renforce la perception des manques qui taraudent Stettler, un homme qui «ne ressentait ni vide, ni regrets, juste une satisfaction face à l'uniformité des jours et des nuits, des semaines, des mois et des années qui passaient irrévocablement.»
La narration entrelace de manière brillante les itinéraires des deux protagonistes jusqu'à ce que la folie s'invite dans le récit à travers d'étonnants sursauts. Les dissonances sous la forme de ruptures nous mènent sans que l'on s'en aperçoive vers un final totalement imprévisible.
Le livre refermé, je reste impressionnée par la maîtrise narrative dont fait preuve
Alain Claude Sulzer. J'affectionne ce sens de la narration qui permet à l'auteur de glisser avec aisance d'un personnage à l'autre, d'un sentiment à un autre. Une véritable mécanique de précision (en même temps il est suisse) qui est parvenue à me faire digérer l'écriture scrupuleuse parfois trop démonstrative de l'auteur.
Malgré ce défaut normalement rédhibitoire, je demeure totalement conquise par la faculté de l'auteur découverte avec
Une mesure de trop à se saisir de détails pour inventer une histoire ou une vie.