Trois voix. Trois rêves. Trois récits intimes.
La première s'appelle So Ra, elle va, remplie des inquiétudes d'une petite fille qui a grandi en devant porter les responsabilités d'une grande personne. Elle travaille, rêve dans son coin, observe sa soeur, reste interdite quand celle-ci lui annonce qu'elle est enceinte. Comment accepter de donner naissance à un bébé, comment accepter de devenir comme Ae Ja ? sont des questions que So Ra se pose, elle pour qui une mère est d'abord un fantôme avant d'être une maman.
La deuxième s'appelle Na Na. Elle est enceinte. Elle, qui petite, s'est forgée une carapace, la sent se fracturer très légèrement. Pour laisser entrer l'espoir. Elle fait preuve d'une résolution calme et posée. Elle aussi, elle rêve. Son chemin est empreint de rêves et du courage de décider pour elle-même, quitte à élever son enfant, seule.
La troisième est Na Ki, leur grand frère de coeur. Celui qui a grandi auprès d'elles, dans le logement en sous-sol, en forme de papillon. Celui qui représente la stabilité et dont la mère est devenue la mère de coeur des deux petites filles esseulées. Pourtant, lui aussi, différent des autres, cache des blessures ainsi qu'un amour dévorant, à sens unique pour un autre homme, et cela le met à part. Mais lui aussi, il rêve.
Ces trois personnes déroulent leur récit, oscillant entre retours en arrière et temps présent. Les narrations et dialogues sont imbriqués dans le texte, rendu dans une écriture étonnamment douce, sensible. Déstabilisante par moments, elle réussit à laisser de l'espace à ces trois personnages tout en nous immisçant tout près de leurs histoires et de leurs espoirs. Cette autrice vous surprendra peut-être, elle vous touchera sans doute. Tout cela en grande partie grâce à la traduction maîtrisée à la perfection, laissant toute la place nécessaire à la coréanité du texte, notamment aux sonorités, qui prennent tout leur sens dans la langue originale.
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J'ai eu quelques difficultés à rentrer dans l'histoire, néanmoins celle-ci est très intéressante er la narration est originale.
Nous y découvrons trois voix différentes, distinctes les unes des autres : So Ra, Na Na et Naki. La première a dû grandir trop vite, se souciant de sa soeur et des lendemains. La deuxième a une force tranquille et ne semble pas angoissée par le fait d'être enceinte et d'élever l'enfant seule. Elle accepete son sort et "va ainsi". le dernier nous fait part de sa souffrance dans son amour à sens unique pour un autre homme.
Ils nous font tous part, à leur manière, de leurs peurs et de leurs souffrances, mais aussi de leurs espoirs. Des thèmes forts sont abordés comme la tolérance, le fait de grandir dans des familles monoparentales ou dans une famille où l'adulte est presque toujours absent, le fait de se forger un caractère tant bien que mal, il y est également question de dompter les souffrances et d'apprendre à vivre avec.
Ce n'est pas un coup de coeur mais la narration est vraiment originale et le texte semble bien traduit. J'ai apprécié que la traductrice garde certaines caractéristiques de la langue, comme l'utilisation des onomatopées qui colorent le récit.
Je resterai marquer par cette force tranquille qui qe dégage du roman.
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Lu dans le cadre du prix du roman Fnac
C'est un roman à 3 voix sur deux soeurs, So Ra et Na Na, tombées en déchéance à la mort de leur père. La 3ème voix est celle de leur frère de coeur Na Ki. Na Na est enceinte et cet évènement va provoquer à tous des remous émotionnels, du fait de leur vécu.
C'est beau, c'est dépaysant ! On y découvre des traditions coréennes, notamment leur façon de rendre hommage aux morts. On parle aussi beaucoup de nourriture, pour les plus gourmands ! le tout raconté dans un ton poétique, onirique, délicat. J'ai beaucoup aimé.
Je pense que le traducteur a fait un bon travail en respectant cette plume que l'on ressent pudique. C'est ma première lecture d'un auteur coréen, je recommande.
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On pourrait bien choisir sa famille, semble finalement dire le texte, avec une certaine distance et souvent pas mal d’humour. La manière lente et méticuleuse qui est celle de la narration convainc rapidement le lecteur.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Lorsqu'il était enfin sorti des engrenages, il n'était plus un être capable d'émettre un son. Il n'avait plus le même aspect. Il en était arrivé là alors qu'il avait vraiment travaillé dur. C'est tout. C'était tout ce qu'il était devenu. Vois-tu, quand un humain n'est plus une entité, même petite, quand il est détruit, cassé, devenu un petit tas informe, où doit-on dire qu'il est ? Qu'est-ce qu'on doit dire qu'il est ? Quand on ne peut plus faire la différence entre le cou que j'avais effleuré, les épaules auxquelles je m'étais pendue, les coudes que j'avais touchés, les yeux que j'avais scrutés, le menton rond, la tête chaude que j'avais caressée, la voix qui appelait mon prénom ainsi que les vôtres, le corps d'où elle sortait, mon amour, qui pensait, se souvenait, sentait, le corps de mon amour, quand ce corps, quand ce corps s'est écoulé sous une forme qui ne pouvait plus être un corps, alors où était-il ?
Où est son âme ?
Où dois-je croire qu'elle est ?
Et c'était reparti, il valait mieux se marier et avoir des enfants le plus tôt possible. Nous sommes restées muettes à l'écouter discourir avec assurance jusqu'à sa conclusion insolite, selon laquelle être patriote, ce n'était pas autre chose dans ce pays où le nombre des naissances était en baisse, mettant ainsi l'économie en péril.
Ai-je bien fait de naître ?
Chagû chagû
Chagû chagû chagû
Que signifie sentir cela par le corps ? Ma mère aussi a dû en faire l'expérience. Chagû chagû, ça a dû raisonner ainsi. Le résultat, c'est moi, na, "marmite", et cette pensée me fait éclater de rire. Quand j'arrête de rire au bout d'un moment, j'ai les larmes aux yeux et je me sens seul. Je suis Na Ki. Que ressentait ma mère quand elle m'a mis au monde ? Ai-je bien fait de naître ?
Enseignant dans un cours privé, employé affecté au stationnement, vendeur, mes anciens condisciples qui jadis tuaient leur ennui en me passant à tabac déclinaient leurs professions comme autant de boulots minables tout en proférant sans cesse des injures. Ils injuriaient le monde, injuriaient la bouffe de mauvaise qualité, injuriaient les petits, injuriaient les obsèques, injuriaient les vieux et s'injuriaient mutuellement.
Mais tout en avançant très vite, je n'ai jamais couru. J'avais l'impression que je ne devais pas courir. C'était comme ça. Je me suis dit qu'il allait se passer quelque chose. Quelque chose au bout du chemin que j'empruntais. Cela s'était peut-être déjà produit ou s'apprêtait à se produire, mais si je courais, cela se produirait. Après, les choses auraient été irréversibles. C'est ce que j'ai pensé, sans savoir de quoi il s'agissait.