Izard Laurent – "
La France vendue à la découpe : entreprises, terres agricoles, immobilier, brevets, quand la France vend son avenir" – L'artilleur, 2019 (ISBN 978-2-81000-856-8) –format 22x14cm, 316p.
Ce n'est certes pas le premier ouvrage de ce genre, mais c'est probablement le plus complet pour l'instant.
En effet, l'auteur dresse un inventaire fourni (hélas incomplet) des richesses nationales délibérément bradées, soldées, abandonnées non seulement par nos classes dirigeantes, mais aussi et surtout par notre "élite" politique de technocrates hors sol depuis des décennies (cela a commencé avec Giscard d'Estaing, qui a massivement fait entrer cette engeance d'énarques dans la haute fonction publique, à une époque où son rival Lecanuet se la jouait à la Kennedy, en s'appuyant sur la clique des pseudo-modernistes regroupés autour du JJSS).
L'auteur ouvre l'ouvrage sur le massacre de nos industries de pointe, déjà fort connu et documenté, avec la liste désormais sinistrement célèbre des grands naufrages délibérément organisés par nos politicards (Alcatel, Rhodia, Arcelor, Alstom, CGE et tant et tant d'autres).
Le second chapitre est plus surprenant, puisqu'il traite des terres agricoles et de la vente de nos ressources alimentaires : rien d'étonnant, dans notre pays dirigé depuis des décennies par des hyper-urbain(e)s surdiplômé(e)s en vase clos dans des cénacles cultivant l'entre-soi le plus borné, sans le moindre contact avec les réalités humaines : jugées dégradantes, les activités agricoles font l'objet d'un mépris abyssale de la part de ces urbains aux mains bien blanches régulièrement manucurées. Il leur arrive même de plus en plus souvent de voter pour les écolos d'opérette issus de leurs propres rangs, aux dents très longues.
Viennent ensuite les deux chapitres consacrés à l'immobilier et au tourisme de luxe : le fameux "art de vivre à la française" est désormais aux mains des investisseurs non-européens, grands spécialistes de la chose bien entendu.
Les deux chapitres suivants survolent – à mon avis trop rapidement – le véritable pillage du patrimoine immatériel (scientifique de pointe) et culturel délibérément provoqué et encouragé par les pouvoirs publics, qui bradent les bijoux de famille pour financer leurs fadaises basées sur les dernières modes en cours dans leurs cercles bornés (la "start-up nation des premiers de cordée" en est le dernier avatar, en attendant le suivant).
Cet inventaire se poursuit avec les inénarrables clubs dits sportifs, au premier rang desquels les clubs de foot, avec leurs pratiques particulièrement répugnantes de prostitution des joueurs (et bientôt des joueuses) : tout est déjà sur la place publique, même pour les imbéciles comme moi qui ne sont jamais intéressés à voir deux fois onze individus aussi mafflus que survitaminés courir après le même ballon.
Le dernier chapitre effleure des points autrement plus cruciaux : le démantèlement des infrastructures de transport et circulation, le démantèlement des entreprises garantissant l'indépendance militaire du pays. le dernier paragraphe mérite un ouvrage à lui seul, puisqu'il traite de l'endettement démesuré que nos dirigeant(e)s sont consciencieusement en train d'aggraver sous prétexte de pandémie hystériquement entretenue à grand renfort de médias complices (élections en vues).
L'auteur se garde d'attaques plus précises, l'ouvrage ne comprend donc pas d'index des noms ; incidemment, on relève tout de même ça et là le nom de Macron, le technocrate pur sucre qui, ces dernières années, que ce soit en tant que ministre de l'économie ou que Président de la République, a de près ou de loin validé la vente d'Alstom-énergie à General Electric, d'Alcatel-Lucent à Nokia, de Technip à FMC-Technologies (ces "coïncidences" ont amené le député
Olivier Marleix a demandé l'ouverture d'une enquête du PNF visant à vérifier si ces larges faveurs ne correspondraient pas – par le plus grand hasard – aux largesses et "dons" ayant permis le financement miraculeux de la faramineuse campagne dudit Macron), sans oublier l'accord avec le Mercosur accentuant encore l'étranglement de l'agriculture européenne au mépris de toute précaution environnementale et sanitaire."
Voici donc la liste des pages sur lesquelles apparaît ce nom : p. 87, 90, 91, 212, 224, 239, 285, 287, 298. Il est vrai que l'on ne peut guère attendre autre chose d'un tel président, le premier à insulter son propre peuple aussi souvent, y compris lors de missions à l'étranger.
L'auteur oublie d'ailleurs de mentionner le Grand Projet macronien que constitue la vente pure et simple des retraité(e)s aux fonds de pension vautours sous couvert de noble égalitarisme : cette fois, la chanson a pour refrain "chaque euro cotisé vaudra le même montant de retraite pour tous" (ben voyons, y compris lui et ses sbires ?), c'est-à-dire rien du tout (cf les conséquences pour les retraités anglo-saxons de la crise des sub-primes initiée par ces fonds de pension).
L'autre regret réside dans l'absence de bibliographie : au fil du texte, l'auteur cite – comme il se doit – ses sources, dont plusieurs rapports émanant d'instances officielles (Cour des Comptes, Sénat, Assemblée Nationale etc) dont la qualité n'est contestée par personne : il est bien regrettable de ne pas disposer des références de ces textes facilement accessibles en ligne.
Pour bien comprendre les enjeux des tournants en cours, il conviendrait d'intégrer les données brutes recensées ici dans un cadre plus large, incluant par exemple les réflexions de Guilly (cf "La France périphérique"), et de Sadin (cf "La silicolonisation du monde" ainsi que "L'ère de l'individu tyran : la fin d'un monde commun").
Dans l'état, il s'agit ici d'un inventaire qui a déjà le mérite d'exister, en termes clairs et aisément lisibles. Un livre à répandre autour de soi afin d'alimenter les débats à venir en s'appuyant sur des faits concrets.