Embrasser la profession de gangster, c'est renoncer aux avantages sociaux : assurance chômage, sécurité sociale, retraite complémentaire… Alors certes, le ministère de la Justice vous garde une cellule de 11m² au chaud, mais si l'insalubrité et la promiscuité vous pèsent, autant agir avec discernement. La prudence, c'est ce qui a permis à Ron Preston de durer dans le milieu. Il privilégie les petits braquages aux gros coups qui aiguillonnent la curiosité des policiers. Preston est renommé pour la préparation minutieuse de ses opérations, ce qui lui a valu le surnom de "Stratège". Il sait que la clef pour un braquage réussi, c'est la discrétion. Mais il est difficile de la garantir quand vous devez vous entourer de gros bras débutants et d'informateurs qui ont le défaut de parler trop facilement à votre goût. La date de l'attaque approche, la pression monte, le risque de fuite se multiplie. le palpitant du Stratège va être mis à rude épreuve.
Bill James a pour particularité de livrer de longs dialogues dans lesquels il retranscrit les défauts de langage des personnages. Cela sonne vrai mais peut paraitre décousu car si certains ont une intelligence redoutable, d'autres sont plutôt bas de plafond. le lecteur devine dans ces échanges les traits d'ironie, de cynisme ou de bêtise. La préparation d'un braquage est au centre de cet opus et James parvient à reproduire tous les sentiments contradictoires des protagonistes. Les motifs de remise en question sont nombreux et l'argent n'est pas le seul moteur pour cet assaut. Une nouvelle fois, les truands semblent avoir plus de principes moraux que notre duo d'enquêteurs qui assument totalement leur absence d'état d'âmes. Dans ce sixième volume de la série, le lecteur reprend le fil des histoires intimes des personnages : les mariages qui partent à vau l'eau, les adultères qui perdurent, l'inimitié entre le chef de la police et son adjoint qui reste vive, les indicateurs aux renseignements opportuns qui apparaissent de façon inopinée…. Mais tout en conservant ce fil conducteur,
Bill James centre son récit sur les braqueurs et non sur les policiers. A chaque épisode de la série Harpur & Iles, je découvre de nouveaux spécimens de la faune de cette ville côtière : gangsters sentimentaux ou policiers cyniques. Publié il y a trente ans, «
Sans états d'âme » conserve une tonalité particulière qui le différencie de la littérature policière habituelle et lui garantit un intérêt solide.