En ce jour d'été torride, après s'être dévêtu, Sakari, jeune homme de 19 ans, entre dans une fontaine, un couteau à la main. Des policiers sont dépêchés sur place. Se sentant menacé, l'un d'eux, Petri, sort son arme. Malencontreusement, il fait feu, tuant Sakari. Tandis que les investigations débutent pour faire la lumière sur ce geste, une maison, voisine de celle de la famille de Sakari, prend feu. le commissaire Kimmo Joentaa va conduire l'enquête.
«
Sakari traverse les nuages » est un policier de l'allemand
Jan Costin Wagner, auteur qui partage sa vie entre l'Allemagne et la Finlande. J'ai pu découvrir cette oeuvre grâce à une opération spéciale Masse Critique.
Il s'agit là d'un policier atypique : l'intrigue est assez peu complexe, le suspens et l'action limités et l'écriture aérienne malgré une noirceur des propos et une atmosphère étouffante, au sens propre comme au sens figuré. C'est d'ailleurs cette dernière qui fait toute la magie du roman. Grâce à un style à la poésie hypnotique, l'auteur rend les paysages psychiques des protagonistes avec un talent sans pareil. Ses mots, leur agencement, leur résonnance peignent les atmosphères douloureuses qui enserrent chacun, entre ombres et lumières, fuite en avant et en arrière. Musicien, l'auteur capture des mots, les agence dans la linéarité propre à l'écriture pour traduire la mélodie intime des émotions des personnages, les restituant au centuple au lecteur.
L'intrigue s'appuie sur des thématiques classiques, notamment le deuil qui oblitère l'existence, qui dessine une fracture entre l'avant et l'après, fracture avec soi et les autres, signant un impossible retour en arrière. Quand le passé ne parvient pas à passer, les drames ne sont plus très loin. Comme dans ses oeuvres précédentes, par exemple «
L'Hiver des lions » (2010), on retrouve l'attachant commissaire Kimmo Joentaa, jeune veuf inconsolable, qui ressemble à tout, sauf un policier.
Et l'on avance avec
Jan Costin Wagner au fil de ces deuils impossibles dans une écriture aérienne, ouatée, dans un jeu d'ombres et de lumières sans cesse renouvelé, une bulle de douceur là où pourtant les douleurs ont des arêtes vives, où les souvenirs aiguillonnent inlassablement le quotidien de familles blessées.
Même si on peut avoir le sentiment de peu avancer, tant les actions sont pour la plupart intérieures, l'ensemble reste atypique, étonnant, comme un voyage aux frontières de l'onirique, où des anges voudraient traverser les nuages pour revenir en arrière vers une vie qui a pris fin trop tôt.
Je tiens à remercier Babelio et les éditions
Jacqueline Chambon pour cette très belle découverte.