Il est des livres qui vous marquent, vous accrochent, jusqu'à devenir une partie de vous. Il est des livres que l'on n'oublie jamais, et dont on se rappelle plus tard, tel un vieux souvenir. Des livres qui vous remuent les tripes, et d'autres qui vous donnent la nausée, ou qui du moins, vous ennuient. L'ennui, peut-être le pire des défauts d'un livre, quand c'est plat, quand c'est lisse et enlisé dans l'inaction, le tout brodé dans les grosseurs d'un style flegmatique.
Riviera ne donne pas la nausée, mais est terriblement ennuyeux, lisse, et plat. Et flegmatique.
Riviera représente parfaitement cette tranche de la littérature dite « contemporaine » qui ingère les codes sans les digérer, et qui laisse penser que la littérature souffre aujourd'hui d'une certaine forme de boulimie.
Pourtant,
Riviera en mains, on part avec de bons a priori : un road-book « composé comme un album rock » si l'on en croit la quatrième de couverture. Hélas, premier hic, on ne voit pas très bien où se situe l'esthétique « rock » de ce roman, qui s'apparente davantage à un best-of de Nicole Croisille qu'à un album des Pink Floyd. Parce qu'il ne suffit pas de parler musique, labels et concerts, d'enfiler les titres comme des perles insignifiantes et de bombarder son récit de drogues diverses ou d'anxiolytiques, pour que ce soit qualifiable de « rock » ; ne faut-il pas, avant tout, que ce soit « rock » dans le verbe ? Ou du moins, que ce soit un peu osé dans les choix stylistiques ? Là est le principal problème de ce roman, il erre dans une narration simpliste et rigide, trop bien organisée et pas assez déjantée pour que l'on puisse la qualifier un tant soit peu de « rock ».
Le pitch : Philippe, ex-star de musique indépendante, vient de mourir. Lentement, très lentement, trop lentement, son portrait se construit à travers les souvenirs de Nadia, son impresario et ancien amour, et Frédérique, sa soeur, qui viennent à Berlin afin de rapatrier son corps. Des souvenirs qui sont autant de prétextes pour revenir sur des faits marquants et déjà connus et reconnus, et dont on a déjà parlé et reparlé :
Mathilde Janin nous recrache par exemple une description wikipédiesque du virus Ebola, ou nous évoque la guerre froide à la manière d'un documentaire pour collégiens (on croirait même entendre la voix-off), le tout tissé dans un récit quasiment dépourvu de dialogues (qui auraient peut-être pu apporter de l'épaisseur et du rythme à un roman qui en manque), et quand ils apparaissent, c'est avec gaucherie et dans une certaine homophonie, ils sonnent faux, comme si les personnages avaient tous la même voix, le même ton, et la même façon de s'exprimer.
Bien sûr, on n'attend pas toujours d'un roman qu'il nous marque, nous accroche, jusqu'à devenir une partie de nous. On n'attend pas le chef d'oeuvre dès qu'on ouvre un livre. Certes. On peut lire pour se divertir, pour « passer un bon moment ». Mais quand cette notion même du divertissement fait défaut, la dimension du plaisir disparaît en dépit de l'ennui.
Riviera ne donne pas la nausée, mais on l'aurait presque souhaité, pour éprouver au moins quelque chose à sa lecture.