L'activisme managérial et communicationnel, le surinvestissement dans le travail et le "bougisme" est symptomatique d'un présent existentiellement flottant, désarticulé d'un passé considéré comme "ringard" et d'un avenir devenu indiscernable. Investis dans de multiples activités et projets à court terme, soucieux de leur propre image et de leurs performances, les individus deviennent inattentifs aux autres, facilement irritables et odieux "par inadvertance".
La promotion sociale se trouve elle-même pervertie par le développement de l'éclectisme et de la confusion "psychosociopédagogique" et managériale qui déstructure le langage, dévalorise la culture et l'expérience commune. Cette situation amène, à l'inverse des idéaux premiers de l'école républicaine et de l'éducation populaire, à former des élites coupées du peuple.
Nombre de responsables et de cadres dans les institutions et les entreprises vivent dans un monde autocentré hyperactif, en décalage avec les mentalités communes, incapables de comprendre réellement qu'existent dans la société d'autres univers et préoccupations que les leurs.
Pour comprendre les réformes et pouvoir se prononcer, les citoyens ont besoin que les choix proposés soient à la fois clairs, cohérents, et qu'ils s'inscrivent dans une vision globale de l'avenir du pays, de l'Europe et du monde. On ne peut prétendre maintenir indéfiniment une société dans un état supposé de mobilisation pour la réforme et ce, dans une logique sacrificielle qui reporte dans un avenir de plus en plus incertain les fruits supposés des efforts demandés.
L'individu se doit d'être "mobile", "réactif", "flexible"..., c'est-à-dire être capable en permanence de s'adapter à une modernisation dont nul, à vrai dire, ne semble être en mesure de dire où elle mène.
Jean-Pierre Le Goff - Mes années folles : révolte et nihilisme du peuple adolescent après mai 68