Zones à défendre

Dans "ZoneS à défendre", Jièm nous présente, l'un après l'autre, les différents personnages qui peuplent son roman à la lumière de leurs fêlures profondes. Ces douleurs qu'ils trimballent vont se révéler comme le moteur sous-terrain essentiel de tous leurs engagements, de tous leurs combats, de toutes leurs révoltes.

Face à eux, une arène où s'affrontent une bergère expropriée de ses pâturages et la pieuvre politique qui manoeuvre afin de mener à bien ses projets tentaculaires, armée de son bras policier.

Le mélange est sulfureux et va conjuguer, dans ce creuset du Diois, l'exaspération des villageois, la hargne des anarchistes de tous bords, la ferveur des idéalistes environnementaux, la colère des systématiquement contre et autres épris de justice...

Ce récit palpitant, au rythme soutenu, se joue au coeur du cadre pittoresque des contreforts du nord de la Drôme. On y entend des bêlements par-ci, un braiment par-là ou encore le bourdonnement d'une abeille. le vent prend en otage l'odeur puissante des brebis et la mêle à celle, plus suave, des champs de fleurs sauvages.

Je vous invite à faire votre baluchon et à arpenter les sentiers rocailleux qui partent du pré des Blâches. Entre festivités et clameurs militantes, vous ne vous ennuierez pas !

Pas de temps mort. Nous voici de suite dans le bain. Aussitôt dans l'action ! J'ai tendu l'oreille et alimenté ma curiosité des secrets de ceux qui vont créer la ZAD, de ceux qui vont la manipuler ou y bêcher de manière sournoise. Un sacré puzzle que voilà : copeaux de passés nébuleux, personnalités atypiques et pourtant, terriblement humaines ! Ces moments de combats, ces obstinations liées de convictions, ce petit village au centre d'un village, une civilisation hétéroclite qui construit et déconstruit ses vérités, unie dans un même but. Une famille recomposée, faite de désaccords, de disputes et d'une forme d'amour.
ZoneS à Défendre, ce sont des insolites morceaux de puzzle qui vont se rejoindre en un patchwork étonnant. On se laisse embarquer par des personnages hauts en couleur, héros à leur façon, leurs dialogues croustillants, baignés de terroir, de fracas intérieur, au coeur d'un bidonville bâti comme une barricade. Ils sont comme des connaissances, des gens qui chopinent au bar avec vous, suturés de multiples cicatrices qui ne sont pas forcément à vue :
Fred, dont le carnet renferme son écriture invisible.
Alan, dont on imagine tout sauf qu'il écrit MargueriTTe avec deux T.
Augustin, un prénom humain pour un âne pas si âne puisqu'il retrouve toujours maître et chemin.
Lisbeth, dont le parcours étudiant a été fauché par une certaine Carol.
Tom, dont le talent est fixé sur ses pellicules.
Julie, l'énigmatique bibliothécaire.
Geraud, ensorcelé par le chant d'Ève qui le croquera à la limite du trognon.
Et d'autres qui tiennent vos pupilles scotchées aux feuilles.
Un roman qui se lit facilement, écrit d'une plume souple et agréable. Lorsque vous en entamez la lecture des premières lignes, vous ne le lâchez plus !

On retrouve bien la plume de Jièm dans ce nouveau roman : dialogues percutants, personnages bien campés. Après « Garage de la côte », on prend plaisir à retrouver Abel, Tom, Lysbeth et à rencontrer les petits nouveaux : Fred, Julie, Maud et les autres zadistes.
La mise en place de la zad et son quotidien sont très immersifs, et l'alternance avec les flashbacks et les rouages politiques rythme bien l'ensemble.
À nouveau, Jièm manie avec brio les moments touchants, violents, militants et gouailleurs. Et le récit illustre bien que c'est à plusieurs, ensemble, qu'on est le plus à même de défendre nos zones fragiles, géographiques ou personnelles.
Petit bémol : j'aurais aimé entendre un peu plus le bourdonnement des abeilles !

Je viens de terminer la lecture de Zones à défendre de Jièm. Au-delà de l'histoire et de ses péripéties, du mélange des milieux sociaux et de leurs travers, j'en ai apprécié l'humour décalé, l'écriture où les expressions toutes faites sont habilement détournées pour dire les choses mieux et autrement, ainsi que la richesse des différents niveaux de langue. Sans parler du plaisir de retrouver le Diois, que je connais bien pour y avoir beaucoup marché et skié et qui apparaît là comme un lieu qui est impérativement à protéger. Sur un sujet très controversé, les ZAD, ce roman est une réussite du fait qu'il parvient à naviguer entre des positions opposées et donner la parole à plusieurs camps. Il est capable d'aborder des actes dramatiques sans mièvrerie, de façon directe et convaincante. Félicitations donc à Jièm à qui je souhaite une bonne continuation dans l'écriture !

ZoneS à défendre est un bel ouvrage littéraire sur fond de paysage provençal.
La résistance des zadistes atypiques les rend attachants. de même la lutte avec les autorités vaut le détour ! Lisez ce livre, mettez vous au vert.

Christiane