SONGE
La lune, qui naissait, d'or et grande,
nous fit dormir pleinement
en ce paysage de printemps.
- Le monde était ce songe.
Tout le reste était
ouvert et vain. -
Avec quel respect regardaient
les gens éveillés qui passaient !
Ils demeuraient là, extatiques,
- sans plus aller à leurs affaires -
en notre sommeil profond, que la lune
bordait d'or et de perle
Ils nous regardaient endormis,
voyant dans les choses
ce que jamais avant ils n'avaient vu.
Leurs lèvres se faisaient
douces, et leurs yeux
devenaient infinis.
- Les étoiles cueillies par nous,
qui dormions
en leur sein clair,
tremblaient dans leurs âmes éblouies
par la lune. -
Nous rêvions, nous rêvions
afin qu'ils puissent voir.
("Sueño") pp. 147-149
Je ne sais avec quoi le dire
car ma parole
n'est pas encore faite.
Plénitude d'aujourd'hui
rameau en fleur de demain.
Mon âme s'apprête à refaire
le monde pareil à mon âme.