Helen nu-pieds et les geants

Incontournable Septembre 2023


Un troisième membre pour la collection "Perdre le Nord" de la maison Planète rebelle, cette fois situé dans la province maritime de Terre-Neuve et Labrador ( Pour les européens, c'est à l'extrême Est du Canada).

"Il était une fois, ou deux fois, ou trois, il était - ou il est, ou il n'est pas, ou il n'était pas, ou bien tout à la fois - un vieux couple, un pécheur et une pêcheuse, qui était bien triste de ne pas avoir d'enfant." Ce couple va un jour rencontrer une petite fille rousse et aux pieds velus à neuf orteils, qui vivait dans les bois, élevée par des ours noirs. Helen, de son prénom, est rapidement adoptée quand il ne fait pas de doutes que ses parents sont introuvables. L'abondance de saumons se fait un jour rare et les parents d'Helen doivent rejoindre la ville pour survivre, ce que refuse de faire Helen. Elle préfère rejoindre les bois une fois encore, mais elle y découvrira trois géants responsables de la mort de nombreux animaux et humains. Helen conçoit alors un plan pour les empêcher de nuire, qui se retourne contre elle.

Comme ce fut le cas avec "Les aventures de Sam" et "O La traversée", nous sommes invité dans les monde des contes folkloriques canadiens et québécois, avec une narration très "orale". Je ne dis pas cela en voulant signifier que ça se lit difficilement, pas du tout, ça veut seulement dire que certaines tournures de phrases sont utilisées à l'oral, à la manière des conteurs et conteuses. Certaines répétitions sont aussi employées à l'oral, c'est même assez caractéristique comme trait d'humour que de répéter certains éléments de l'histoire. Enfin, on retrouvera des créatures magiques, comme les géants ou certains éléments un peu surréalistes comme l'hôtel qui sert de la nourriture contre des histoires pendant des mois.

Helen me fait penser au personnage du premier membre de la collection Perdre le Nord, dans "Les aventures de Sam". Sam est un peu "frontière" sur le genre, avec ses grandes tresses et sa robe, son grand corps très poilu. Il ne rentre pas dans le cadre hétéronormatif du personnage masculin, et Helen non plus, avec sa force, ses pieds poilus et son autonomie aventurière. Je les aime bien ces personnages hors des stéréotypes, ils sont attachants et surtout, rafraichissants. La princesse de cette histoire semble d'ailleurs de mon avis.


J'ai par ailleurs trouvé très amusant que les géants peu brillants soient pourtant ceux qui usent de vers en rime et du très déconcertant temps de verbe "Passé simple": "bougre d'imbécile poilu, pourquoi me tirâtes-tu dessus?" Poilant!


Attention, il y aura des divulgâches.


Pour ceux et celles qui veulent la suite, la voici. Helen va parvenir à ses fins en tirant avec son lance-pierre des petites roches sur l'un des géants. Ce dernier, agacé et frustré, par décapiter ses deux frères. Quand il est tout-de-même atteint par une dernière roche, pas le choix, ce ne peut qu'être la faute d'un tierce personnage ( dont de savant calculs algébriques vont l'aider à s'en assurer). Crapulubrute, de son "petit" nom, finit par découvrir Helen, mais plutôt que de l'avaler tout rond, la met au défis de souffler treize bougies d'un seul tir de pierre. Elle réussit cette épreuve, aidée d'un commode "souffle de fée" sur la 13e bougie. le géant veut l'utiliser afin de kidnapper une certaine princesse Antoinette, gardée par une chatte capable de changer de forme pour devenir un lynx. Helen adore les chats, leur faire du mal est inconcevable, ce qui va se solder sur l'échec du Géant, car Helen trouve le moyen de ne pas tuer la chatte, sauver la princesse et couper la tête du géant. Son exploit restera dans l'ombre, car Helen ne veut pas être reconnue comme une héroïne. Qu'à cela ne tienne, la princesse Antoinette veut retrouver la personne qui les ont libérés du géant malfaisant. Pour ce faire, elle ouvre un hôtel dans lequel on échange des repas contre des histoires. L'une d'elles devraient bien la mener vers son sauveur...enfin, sa sauveuse.
La fin met en scène Antoinette et Helen devenues compagnes, entourées de leur famille hétéroclite, les trois mères d'Helen ( la génitrice, l'ourse et l'humaine adoptives) les grand-parents, de nombreux animaux et sept enfants nu-pied avec tous leurs orteils, vivant dans un minuscule château au fond 'une grotte.


Vous trouverez à la fin un texte sur les nombreux contes qui ont servis à élaborer cette histoire, dont la plupart sont issu du folklore newfoundlandais/Terre-Neuvien, mais il y aussi des inspirations autochtones odjibwe, italiennes, bibliques, acadiennes et même de l'aviation britannique. Ce texte était un bel ajout à mettre pour un récit aussi "historique". Aussi, vous trouverez un lexique pour les expressions et termes historiques, lui aussi très apprécié.


Un 3e roman divertissant, drôle et rare représentant des histoires terre-neuviennes que j'ai croisé, ce récit historique est également joyeusement déjanté et met en scène un personnage féminin attachant.


Pour un lectorat intermédiaire à partir du 2e cycle primaire, 8-9 ans+.