AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,07

sur 812 notes
5
20 avis
4
5 avis
3
6 avis
2
1 avis
1
0 avis
Je me suis laissé captiver jusqu'à l'envoûtement par ce livre d'un auteur aussi amusant que lucide et désespéré.
Bien des choses peuvent être trouvées dans ce livre.
On y trouve une réflexion sur l'histoire de la littérature.
On y trouve l'exposition de ce que l'on pourrait appeler une sagesse de l'existence érotique.
On y trouve aussi une exposition de la dissolution de tous sens, de toutes les valeurs sur lesquelles la civilisation occidentale s'est épanouie, par le biais de personnages dont l'ancrage dans la modernité est brillamment marqué.
Et tout ce qu'on y trouve y est si bien entremêlé qu'on s'y perd pour toujours s'y retrouver avec un grand plaisir teinté d'amertume.
Commenter  J’apprécie          802
Soyons francs, vous n'aimerez pas tous « L'immortalité ». Naturellement, je parle du roman de Milan Kundera, publié en 1990. On discutera de notre existence post-mortem une autre fois, si vous voulez bien… (sur les sentiers de l'au-delà, tiens…si mon abonnement internet chez Sfouygues.Telefree marche encore, ce qui est rien moins que sûr…).

Vous n'aimerez pas tous ce livre car il est emblématique de l'écriture de cet auteur. Il y a un style, une pâte, un genre Kundera qui ne fait pas l'unanimité. Céline avait un style bien à lui. Il le savait et en était fier : la syntaxe était rompue, le rythme de la phrase chamboulé par les points de suspension et sa musique renouvelée par de fréquents néologismes. de même, Kundera s'est employé dans son oeuvre à renouveler le genre littéraire. Il a rompu avec l'unité de temps et d'action. Il n'y a même pas d'action à proprement parler. L'écriture n'est plus linéaire. Les chapitres sont toujours courts (entre une demi-page et trois ou quatre, pas plus) et chacun de ses romans comprend invariablement sept parties (le chiffre de la perfection). Ces chapitres déroulent un récit polyphonique, tantôt du point de vue d'un personnage, tantôt du point de vue d'un autre. le récit pur est enrichi par des alternances de scènes oniriques ou d'épisodes où l'auteur devient même un personnage du roman qui échange des points de vue avec certains personnages. le romancier et l'histoire deviennent en soi des personnages et des thèmes du roman. (Là, je conçois que cela en agace plus d'un…).

Il est impossible, comme il n'est pas souhaitable d'ailleurs, de tenter de résumer ce livre. Les romans de Kundera ne sont tout bonnement pas racontables. Les parties s'enchaînent sans lien de causalité apparent et sont écrites chacune sur un mode différent. Tout au plus est-il permis de schématiser l'ouvrage comme l'entrecroisement de deux histoires qui ont lieu à deux époques distinctes : l'histoire d'Agnès, Paul et Laura, en France au XXe siècle et l'histoire de Goethe et Bettina von Arnim, en Allemagne fin XVIIIe-début XIXe siècle. Et pourtant le tout révèle une profonde unité. Mais cette lecture est assez exigeante car elle requiert chez le lecteur un effort de mémoire et de concentration. L'art de Kundera réside dans sa capacité à faire ressortir des résonnances entre ses histoires en apparence totalement éloignées. le lecteur doit pouvoir se souvenir, par exemple, que l'histoire d'une luthiste dans l'avant dernière partie du livre reproduit en fait les gestes et les comportements d'Agnès dans la troisième partie, quelque 200 pages plus tôt. En vérité, nous l'avons dit, il n'y a pas d'action véritable. Les personnages et les histoires ne sont que des prétextes ou des vecteurs qui permettent à Kundera de déployer sa pensée et ses thèmes favoris : la vie, la mort, l'immortalité, les rapports humains, l'amour, l'érotisme, l'obsession de l'image de soi, la vérité cachée des choses et des situations, le sens profond de nos actions. L'auteur a recours à moult paraboles pour illustrer son propos. Avec Kundera, plus l'action, les lieux et le décorum sont dépouillés et plus l'histoire est riche et compliquée à suivre. le tout servi par un style simple. Un des paradoxes de cet auteur inclassable. Il y a cependant une thématique forte dans chaque roman de Kundera, qui leur confère leur unité intrinsèque : ici, l'immortalité et l'image de soi.

Dans ce livre, il y a des scènes savoureuses comme celle de la rencontre entre Ernest Hemingway et Johann Goethe sur les sentiers de l'au-delà. Nos deux auteurs morts respectivement depuis 27 et 156 ans y échangent avec humour leur conception de l'immortalité des écrivains et de leurs oeuvres. C'est en quelque sorte de la philosophie abordée sous un angle iconoclaste, humoristique et souvent burlesque. Et de fait, il y a toujours beaucoup d'humour et de gravité à la fois dans un livre de Kundera. le tracé de la frontière entre le tragique et le risible y est toujours flou. La limite entre le « fictif » et le « réel » est pareillement toute aussi poreuse.

Si vous n'avez jamais lu Kundera et que vous vous apprêtez à le faire, je vous envie à un point dont vous n'avez pas un quark de soupçon. Avec « L'immortalité », vous entrez dans son oeuvre par le plus « kundérien » de tous ses romans. Et vous allez adorer ou détester. Mais pour le savoir, il faut le lire ! D'autres s'y sont bien risqués avant vous. Et ils ont adoré ou détesté. Pour comprendre cette radicalité du lectorat, il faut le lire ! Et alors, vous adorerez ou détesterez. Comment vous dire les choses, en fait… ? Il faut le lire. Vous allez…
En tout cas, ne venez pas vous plaindre si vous n'aimez pas, vous étiez prévenus ! Et si vous aimez (il y en aura, je le sais déjà), poursuivez donc la lecture de cette oeuvre en revenant vers ses premiers écrits, « Risibles amours » (des nouvelles) et « La Plaisanterie » (un roman). Ils sont de facture plus conventionnelle, moins innovante, mais non moins excellents.

La critique n'a pas été spécialement tendre en France à la parution de « L'immortalité ». le franc-parler de Kundera lui vaudra même un retentissant « Kundera, go home ! » de Michel Polac (pas sûr que tout le monde se souvienne de ce dernier, au passage…). Pour ma part, et vous l'aurez compris, j'ai surtout envie de lui dire « Welcome Kundera and make yourself at home » ! Ce qu'il a fait, fort heureusement et pour notre plus grand bonheur.
Commenter  J’apprécie          7812
Après une lecture un peu décevante, avant de passer à un autre livre contemporain, qu'il est bon de retrouver un de ses maîtres. En l'occurrence, Milan Kundera. Une douce transition. Un de mes rares Pleiade, vénéré, le premier roman de ce bel objet, l'immortalité, lu une quatrième fois. Un roman de Kundera, particulièrement ce roman-là, l'immortalité, fait toujours l'effet d'une grosse mamelle nourricière où je retrouve un breuvage fort et énergisant. Un retour aux sources régulier depuis mon adolescence. Pas une page sans une réflexion approfondie, pas une page sans découvrir un détail qui m'avait échappé à la lecture précédente. Des pages fines et veloutées à caresser, truffées de fils sur lesquels tirer. Un roman et un laboratoire du roman dans lequel l'auteur vient s'asseoir à nos côtés pour nous parler, nous prendre à témoin, nous montrer comment il s'y prend, se poser même en protagoniste à l'intérieur même du roman, l'histoire étant bien moins importante que ses réflexions, les questions posées, et sa façon de faire émerger ses personnages. Prenons Agnès, le personnage principal du roman, qui nait littéralement sous nos yeux grâce à un geste, un seul geste, que Kundera, alors à la piscine, voit. le geste délicat et coquet d'une jeune femme effectué par une vieille dame à son maitre-nageur. Un geste qui a pris possession de cette femme, un geste enfoui en elle, un geste d'antan, essence de son moi profond pense l'auteur de prime abord, ce geste fait naître le personnage d'Agnès. Agnès et ses difficultés de la vie en société, Agnès et son amour de la solitude.

Le roman interroge sur l'identité, sur le moi profond (la première partie du roman, le Visage, est magistrale dans cette interrogation… ce fameux geste, n'est en fait pas l'essence d'Agnès, les gestes prennent possession de nous et pas l'inverse analyse l'auteur) et bien entendu dissèque, au scalpel, cette fameuse immortalité. L'homme peut mettre fin à ses jours mais il ne peut mettre fin à l'immortalité. l'immortalité est-ce ce qui se passe après la mort ? Est-elle de retrouver toutes ces femmes bavardes et caquetantes ailleurs (une punition pour Agnès) ou est-ce quelque chose de différent, soustrait au regard des autres ? Est-ce de pouvoir passer l'éternité avec des âmes amies, des âmes proches (Goethe et Hemingway réunis par exemple) ? l'immortalité, dans sa version plus profane, est-ce ce qui reste de quelqu'un dans le monde des vivants, dans la mémoire de la postérité ? Pour Kundera, « tout un chacun peut atteindre cette immortalité, plus ou moins grande, plus ou moins longue, et dès l'adolescence chacun y pense ». Mais face à l'immortalité, les gens ne sont pas égaux et l'auteur distingue la petite immortalité (souvenir d'un homme dans l'esprit de ceux qui l'ont connu) de la grande immortalité (souvenir d'un homme dans l'esprit de ceux qui ne l'ont pas connu).

Petite ou grande, l'immortalité peut-elle donc se façonner, se préparer, de son vivant comme souhaite le faire avec persévérance la jeune Bettina avec le déjà âgé Goethe, malgré lui, faire passer à la postérité, même de façon erronée et factice, une histoire d'amour telle qu'elle sera précisément éternelle et donc immortelle (2ème partie du roman, intitulée l'immortalité) ? Mais cette immortalité ne se réalisera jamais telle qu'elle a été planifiée, prenant parfois la forme d'anecdotes tragiques ou cocasses.

l'immortalité est une façon de laisser une trace de son moi, de son identité, de l'imposer aux autres. D'imposer son unicité. En étant absolument unique, on devient immortel. La théorie de Kundera en la matière est savoureuse, je pense souvent à lui lorsque je vois des personnes affirmer haut et fort « adorer » ou « détester » telle ou telle chose. D'un ton péremptoire. Selon l'auteur, il existe deux façons de s'affirmer. La méthode additive et a méthode soustractive. Cette dernière « soustrait de son moi tout ce qui est extérieur et emprunté, pour se rapprocher de sa pure essence (et courant le risque d'aboutir à zéro, par ces soustractions successives) ». La méthode additive, elle, consiste à « ajouter sans cesse de nouveaux attributs, auxquels la personne tâche de s'identifier (en courant le risque de perdre l'essence du moi, sous ces attributs additionnés) ». « Tel est l'étrange paradoxe dont sont victimes tous ceux qui recourent à la méthode additive pour cultiver leur moi : ils s'efforcent d'additionner pour créer un moi inimitablement unique, mais devenant en même temps les propagandistes de ces attributs additionnés, ils font pour qu'un maximum de gens leur ressemblent ; et alors l'unicité de leur moi (si laborieusement conquise) s'évanouit aussitôt ». Voilà ce que j'aime chez Kundera, cette façon de mettre en mot ce que je peux ressentir confusément. Chaque page contient de telles réflexions. C'est lumineux et peut être interprété et vécu de façon différente au fil des années. Cette affirmation de son moi profond, surtout lorsque ce moi possède des contours peu nets, passe par de petits mots passant la postérité (voyez les hommes politiques) et des gestes, ces fameux gestes du désir d'immortalité qui permettent d'affirmer son moi.

Atteindre l'immortalité est une lutte (La lutte est le 3ème chapitre du roman). Une lutte pour rester dans le coeur des êtres aimés, voire de l'être aimé. Jusqu'au suicide pour certains. Jusqu'au don de soi. En se dépassant soi-même soit pour faire partie de l'Histoire, mémoire éternelle, soit au moins pour rester dans la mémoire de ceux que l'on a connu

Enfin accéder à l'immortalité suppose d'être regardé, vu car ce sont les autres qui permettent d'atteindre l'immortalité, du moins cette immortalité profane qui s'oppose à l'immortalité sacrée. Les multiples visages de l'immortalité, l'immortalité sacrée étant peut-être justement ce « là-bas, où il n'y a pas de visage » auquel Agnès aspire tant et qu'elle finira par atteindre (dans le chapitre le Hasard).

Un roman magistral qui ne cesse de me suivre aux différents âges de mon existence en prenant à chaque fois une signification particulière.

Commenter  J’apprécie          6215

Je relis actuellement tout "mon Kundera », un de mes écrivains vivants préférés (relecture en pointillé, certes car je lis aussi beaucoup d'autres livres) et me voici à relire « l'immortalité", lue il y a pas mal d'années et que j'avais moins aimé, ainsi que « La lenteur » qui m'avait un peu déçu aussi.

Je crois que ma première impression avait été marquée par le fait que la lecture de ce livre faisait suite à celle des premiers romans de l'auteur, de « La plaisanterie » à « L'insoutenable légèreté de l'être » (lu et relu n fois depuis).
La manière dont ce roman est écrit est fort différente des précédents, et c'est sans doute ce qui m'avait déconcerté il y a quelques années.
J'ai cette fois beaucoup mieux appréhendé et apprécié ce roman pas comme les autres.

C'est un peu difficile à expliquer, sans doute n'étais-je pas réceptif autrefois, mais cette fois, j'ai été subjugué par cet incroyable texte, d'une grande complexité et d'une grande richesse, car de très nombreux thèmes s'y superposent. Non, en fait, il y a un thème majeur, l'immortalité, et toute une série de thèmes mineurs, dont celui de la tyrannie des autres, qu'il s'agisse de celle des dictatures, ou de celle de nos pays occidentaux, médias, publicité, et on pourrait maintenant ajouter, réseaux sociaux, qui n'existaient pas alors.
Comme l'écrit si justement un ou une babeliote, (et je dois dire que ma critique s'efforce de s'ajouter modestement aux commentaires déjà remarquables faits sur ce site) on pourrait de prime abord se dire que ce n'est pas un roman, mais en fait c'en est un. le virtuose Kundera s'amuse à jouer ce marionnettiste qu'il décrit dans un des chapitres, nous montre les « ficelles » de la création romanesque, mais, dans la fin du livre, tous le thèmes se rejoignent et la narration romanesque prend le pas sur le reste.
Et puis, il y a cette fantaisie, cet humour lucide, ce sentiment désabusé à l'égard de ce monde « absolument moderne ». Et les critiques de Kundera à l'égard de notre époque «moderne », telles celles du pouvoir des journalistes, du nouveau tribunal médiatique, restent plus que jamais d'actualité.

Revenons au thème de l'immortalité.
Il est décliné d'une manière beaucoup plus subtile que la simple question: quelle trace laisserons après notre mort? Et cela même si cette question est la matière du 2ème chapitre dans lequel l'auteur traite avec beaucoup d'ironie lucide, des relations de Bettina Brentano avec Johann Goethe, une Bettina avide de gloire, de construire pour la postérité l'édifice de son lien présumé avec Goethe ou d'autres d'ailleurs) et un Goethe qui, vieillissant, cédera par vanité à cette dernière.
Kundera pose notamment ces grandes questions: y- a-il une vie après la mort? Quel sens a notre vie? Et questionne la réalité de notre identité, un thème qui sera abordé à nouveau dans un de ses autres prodigieux romans, « l'identité ». Et dans ce cadre, il nous fait un exposé jubilatoire sur celles et ceux qui veulent affirmer leur moi par la méthode additive, et s'ajoutent comme des médailles, de nouveaux attributs voyants à leur personne, leur chat, leurs goûts esthétiques, leurs vêtements, etc...et les autres qui utilisent la méthode soustractive, c'est à dire de se dépouiller de ces oripeaux pour que ne reste que l'essentiel.
Et tant d'autres thèmes passionnants comme celui du hasard qui se mêle si souvent de notre existence, etc...
Et tout cela, sans pédanterie, et, à ce propos, je ne partage pas l'avis de certains qui lui reprochent son côté moralisateur, rétrograde...

Ici, tout ceci est dans la trame d'un véritable objet romanesque pas tout à fait dans la norme classique, mais tellement plus original. Car, pour certains romans, disons le tout net, une fois la lecture terminée, et le récit parvenu à son terme, il ne reste plus grand chose et l'oubli s'installe vite. Avec les textes remarquables comme celui-ci, l'écho de ce qui a été écrit reste longtemps dans votre esprit.
Commenter  J’apprécie          428
L 'immortalité, engendrant in fine l'ennui mortel, peut-elle être une fin en soi ? l''immortalité alors : rêve, cauchemar ou paradoxe ? Paradoxe assurément, au point où pour fuir l'ennui je vous conseille vivement l'immortalité de Kundera. Point de mortelle randonnée dans cette belle balade à suivre les chemins de la pensée de Milan Kundera qui nous offre de mémorables perspectives où je me suis plu à m'attarder attendri à rêvasser. Entrelacs de réflexions, jeux de miroirs, rencontres espérées ou inattendues, présence inopinée de l'auteur, apparution du roman dans le roman, émergence du réel dans l'imaginaire, parmi cette suite de faits épisodiques certains relèvent du pur hasard et d'autres se révèlent part intégrante de la nécéssité d'une construction rigoureuse du récit.

Ainsi je garderai en mémoire cette fabuleuse rencontre dans l'au-delà durant laquelle Goethe explique à Hemingway p.320 "Et je croyais, bien sûr, laisser de moi une image qui serait mon prolongement. Oui, j'ai été comme vous même après la mort, il m'a été difficile de me résigner à n'être plus. C'est très bizarre, vous savez. Etre mortel est l'expérience humaine la plus élémentaire, et pourtant l'homme n'a jamais été en mesure de l'accepter, de la comprendre, de se comporter en conséquence. L'homme ne sait pas être mortel. Et quand il est mort, il ne sait même pas être mort."

Je pourrais évoquer cette bimbo biographe qui courait la notoriété en pourchassant de ses assiduités Goethe, Beethoven et autres célébrités en vue d'y associer son nom à la seule fin d'accéder par leur entremise à l'immortalité. Son nom... Zut ! Je l'ai déjà oublié. Mais au fond est-elle plus pendable que ce Napoléon, à l'ego hypertrophié, en tout pareil à ces autres semblables pustuleux crapeaux bouffis d'orgueil, quémandant les vers du poète pour entrer dans L'Histoire plutôt qu'à s'attarder sur ses pieds foulant la multitude ignorée des morts de ses conquêtes éphémères ?

Mais comme le dit Kundera à son ami Avenarius p.351 :
" - Ce n'est pas racontable.
- Dommage.
- Pourquoi dommage ? C'est une chance. de nos jours, on se jette sur tout ce qui a pu être écrit pour le transformer en film, en dramatique de télévision ou en bande déssinée. Puisque l'essentiel, dans un roman, est ce qu'on ne peut dire que par un roman, dans toute adaptation ne reste que l'inessentiel. Quiconque est assez fou pour écrire encore des romans aujourd'hui doit, s'il veut assurer leur protection, les écrire de telle manière qu'on ne puisse pas les adapter, autrement dit qu'on ne puisse pas les raconter. "

Reste le geste ! Non pas ce geste égocentrique de désir d'immortalité " pour projeter ce moi très loin, par delà l'horizon, vers l'immensité " mais ce geste gracieux qui traverse le roman. Il passe d'être en être par la capture hypnotique d'un regard, ou par l'admiration que la cadette porte à sa soeur ainée. Les êtres passent, le geste se perpétue. Ce geste acquiert ainsi une vie propre et se répète immuablement à travers le temps. Ce geste joyeux au-delà de la tendre nostalgie d'un souvenir naissant renferme la promesse de lumineuses rencontres à venir.

Ce geste que nous adresse ce roman et qui veut dire : viens, il est encore temps. Et c'est à ce moment précis, que moi je le vois comme un diamant, au doigt d'une de ces femmes, irradiant de mille feux en variations infinies de la lumière d'une vie ...
Commenter  J’apprécie          346
Ce roman/essai philosophique de Kundera est sans doute un de ses livres les plus aboutis. Assez inconditionnel des écrits de cet auteur il fut un temps, j'avais été conquis par de nombreux ouvrages, aux premiers rangs desquels La valse aux adieux et La plaisanterie. Cependant, L'immortalité est celui qui m'a le plus marqué, le plus touché, le plus ému… Et finalement le plus donné matière à réflexion.
Ainsi, le lecteur peut emprunter au fil du déroulement narratif du texte plusieurs niveaux de lectures. Tout au long de sept parties à priori distinctes, mais au final d'une cohérence sans failles, on est conduit dans une réflexion sur le monde moderne, la solitude, l'unicité de l'être humain, le travail de l'écrivain… Tout cela avec, en toile de fond, une critique de la civilisation européenne occidentale, conduisant au regard désabusé et lucide de l'auteur. Travail érudit et d'une grande finesse, ce livre est mûrement élaboré, les idées s'enchaînent, implacables, chaque phrase trouve sa conséquence. On croise au cours du récit Romain Rolland, Goethe, Hemingway, Rilke... du terrible choix d'Agnès face au peloton d'exécution aux plus risibles mésaventures de celle du notable mort d'éclatement de vessie, tout porte matière à réflexion, sans esbroufe.
Et tout cela se lit sans difficulté. le style si particulier de Kundera, qui sait tenir en haleine le lecteur au fil d'une narration non linéaire et précise, nous fait perdre de temps à autre le fil de nos pensées pour retomber sur nos pieds quelques pages plus loin. On ressort de ce livre grandi.
Commenter  J’apprécie          334
D'emblée, je n'ai pas aimé "l'immortalité". Je n'ai pas aimé le ton professoral et en même temps désabusé de cet auteur clairement cultivé ayant certes des choses à dire. Je me demandais d'où venait son urgence à les partager avec des lecteurs sous le couvert d'un roman? Au début donc, j'ai eu l'impression désagréable de lire des chroniques à saveur vaguement philosophique, mises bout à bout sans grand rapport les unes avec les autres ,mettant en scène — roman oblige — des personnages qui me sont apparus presque tous (y compris les femmes et les célébrités de l'Histoire) comme des doubles de Kundera lui-même.
J'avais le souvenir d'avoir déjà lu cet auteur, il y a longtemps, du temps où il émergeait dans le paysage littéraire; ce souvenir était loin d'être impérissable. "L'immortalité" avait donc, en partant, un handicap. Abandonnant rarement mes lectures en cours, j'ai poursuivi et bien m'en a pris car j'ai pris goût, peu à peu, à cette écriture originale qui mélange les temps, le réel et l'imaginaire et tresse ensemble plusieurs brins conducteurs pour en faire une construction avec une certaine cohérence romanesque. Au final, je crois avoir apprivoisé un peu Kundera, mais ce n'est pas une lecture très facile... J'y reviendrai cependant à l'occasion.
Commenter  J’apprécie          183
Ce livre est miraculeux. Il devrait être ennuyeux et il est passionnant. C'est une sorte de Nouveau roman réussi – une gageure ! Ou, pour employer une autre image, ce serait un film de Godard, mais lui aussi réussi ! La chronologie est déconstruite, l'histoire se mêle à la façon dont elle est écrite, on a à la fois le roman et le laboratoire du roman dans un jeu vertigineux sur les niveaux de fiction. Cela permet à l'auteur d'instiller dans son texte des maximes et des réflexions générales sans qu'elles soient déplacées. Et de nous donner en même temps qu'un roman son art du roman. Et c'est fait de façon magistrale, avec un vrai souffle – celui qu'on trouve dans les grands textes de Giono, chez Knut Hamsun, dans le Sang noir… : un souffle divin.
Commenter  J’apprécie          154
Quelques temps auparavant, j'avais lu l'Insoutenable légèreté de l'être (charmée par le titre, je dois le dire), mais il ne m'avait pas fait une aussi forte impression que l'immortalité, loin de là.
Lu à la suggestion d'un ami, l'immortalité m'a laissée collée à ses pages. Magistral! J'ai adoré la façon un peu floue dont se déroule l'histoire, ainsi que la manière tellement ironique et piquante dont l'auteur revisite des moments inconnu (de moi) de l'histoire littéraire. Les anecdotes à propos de Goethe sont à la fois terriblement drôles et très instructives.
A mes yeux, chaque partie du roman s'attache aux autres d'une manière si naturelle qu'on ne remarque même pas le travail immense que cela a du représenter pour l'auteur.
Finalement, j'ai été charmée par l'histoire tragique, poignante de cynisme et pourtant anodine d'Agnès.

Je recommande absolument ce roman. Et a ceux qui comme moi ont dévoré ce titre, que devrais-je lire ensuite de cet auteur?
Commenter  J’apprécie          144
Il n'est pas évident de donner mon avis sur mon livre préféré.

La meilleure pub que je puisse lui faire est de vous dire que c'est la seule fois de ma vie où après la lecture de la dernière phrase, j'ai recommencé la lecture à la première phrase.
Je ne pouvais pas sortir de cette lecture.

D'autres critiques ici sont très bonnes et je suis incapable de dire mieux, je voulais juste rendre hommage à ce roman, lui dire que je l'aimais profondément, que je le remerciais d'être.
Je m'excuse pour ce petit plaisir égoïste mais il fallait que ça sorte.

Je serais vous je le lirai, et si vous le faîtes, je vous envie vraiment de le découvrir autant que je vous plains de ne pas encore l'avoir lu ;-)

Commenter  J’apprécie          132




Lecteurs (2983) Voir plus



Quiz Voir plus

Milan Kundera

Presque tous les romans de Kundera comportent le même nombre de parties : quelle est la structure type de ses romans ?

3 parties
5 parties
7 parties

10 questions
168 lecteurs ont répondu
Thème : Milan KunderaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..