Marin Marais

Toutefois, avec leurs dix-huit pièces, ces suites ne constituent qu'une fort petite partie de ces recueils qui s'adressent en général à la viole soliste. Là encore, un contact superficiel pourrait laisser croire que l'auteur ne fait que suivre les modèles antérieurs. Or un examen attentif révèle l'originalité de l'oeuvre. L'abondance des pièces, tout d'abord, révèle une imagination musicale intarissable; puis la recherche de formes peu communes fait de ces livres un catalogue très complet, très vivant, des danses de société; l'établissement du plan général de la suite progresse et s'affine d'une publication à l'autre; il marque l'affirmation du genre dans le répertoire de la viole.

Certaines situations dramatiques poussaient les compositeurs à user des mêmes procédés. Aussi dans Alcide, pour décrire le caractère à la fois champêtre et galant des peuples heureux composés de bergers, de bergères et de pâtres, se devait-on de mettre en relief des instruments à vent: plusieurs danses dont un rigaudon adoptent le fameux trio d'anches lullyste avec deux dessus de hautbois et une partie de bassons. Les flûtes sont aussi à l'honneur dans la première marche et apportent leur soutien à la voix d'un habitant des climats heureux, comme elles avaient, au quatrième acte de Thésée de Lully, accompagné les pas d'autres bergers aimables, les habitants de l'Isle enchantée.

Mais revenons à la partition. Trois notes descendantes, transformées en un ostinato au grave, reproduisant le carillon. Sur ce thème si mince, le musicien bâtit quantité de variations aussi diverses qu'enjouées. Elles s'adressent surtout au violon, mais de temps en temps à la viole et au clavecin si bien que chacun a son mot à dire. Nous avons là un exemple de plus de sa virtuosité d'interprète, de sa science du dialogue.

Mais l'oeuvre qui donna surtout naissance à la tragédie en musique appartenait à un autre genre, la tragédie-ballet. Ce fut Psyché, montée quelques mois avant Pomone, en janvier 1671, avec un luxe inouï dans la salle des machines du palais des Tuileries. Un spectacle grandiose auquel collaborèrent, aux côtés de Corneille et de Molière, les futurs créateurs de Cadmus et Hermione, Quinault et Lully.

La partition d'Ariane et Bacchus fut publiée comme le livret, lors de la création en 1696. Imprimée par Christophe Ballard, elle devait être entièrement diffusée sans les parties intermédiaires des choeurs et de l'orchestre, comme on avait pris l'habitude de le faire depuis Céphale et Procris d'Elizabeth-Claude Jacquet de La Guerre en 1694.