Pianiste de formation, Bruno Walter, né Schlesinger à Berlin en 1876, a eu la chance immense de faire la connaissance de
Gustav Mahler en tant que directeur d'opéra, de chef d'orchestre, de compositeur et d'homme tout simplement lorsqu'il fut accueilli par ce dernier à l'opéra de Hambourg en 1894. Ce fut de suite une rencontre profitable pour les deux hommes, mais le rapport aurait pu s'arrêter là si Mahler n'avait lourdement insisté pour bénéficier des compétences de ce très bon assistant dans son tout nouveau poste à l'opéra de Vienne : il ne réussit pas immédiatement à le convaincre de le suivre dans la capitale autrichienne, où il arriva en 1897. le jeune homme ne cèdera à la pression de son maître qu' en 1901. Dès lors commencera à nouveau entre les deux une étroite collaboration qui ne cessera qu'avec la mort de Mahler en 1911.
Mais l'élève avait subi une attraction et une influence qui ne devaient pas se démentir avec le temps. Et c'est naturellement à Walter que l'on confia la création posthume de deux oeuvres de Mahler : la déchirante et émouvante Neuvième symphonie et le magnifique Chant de la Terre, dont le mouvement Abschied (L'adieu) est à soi seul une oeuvre dans l'oeuvre et la sublime conclusion d'un ensemble de lieder que Walter devait confier plus tard-bien plus tard - à la voix irremplaçable et à nulle autre pareille de Kathleen Ferrier.
Le livre de Walter sur Mahler est la preuve écrite d'un fort lien amical et un témoignage d'admiration du premier pour le second. On y apprend que Mahler expliqua comment plongé dans la composition de sa gigantesque troisième symphonie il fallait oublier le paysage enchanteur dans lequel cette oeuvre voyait le jour et le croire sur parole quand il expliquait que la nature se trouvait convoquée dans la partition jusqu'aux dernières notes censées décrire ce que Dieu- un dieu panthéiste- pouvait bien dire à l'homme et à l'artiste. Notons toutefois que Walter ne gravera aucun enregistrement de cette oeuvre pour le disque, et qu'il se contentera d'enregistrements des 1ère, 2ème, 4ème, 5ème et 9ème symphonies, ainsi que du Chant de la Terre et des Kindertotenlieder, plus accessibles selon lui et en tout cas plus à son goût. Sa discographie comprend aussi, entre autres, des morceaux de Beethoven, de Brahms, de Mozart, de Schubert, de Schumann et de Wagner.
Il fut l'un des plus chauds partisans de Mahler avec Mengelberg et
Klemperer.
Fuyant le nazisme quand celui-ci s'étendit à presque toute l'Europe, Walter alla trouver refuge et achever sa carrière aux États-Unis où il devait retrouver
Albert Einstein et
Thomas Mann durant la Seconde Guerre mondiale.
Sa réputation égale bien celle de Toscanini et celle de Furtwangler, dont la célébrité était alors mondiale.
François Sarindar