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Léo Lack (Traducteur)
EAN : 9782825114032
301 pages
L'Age d'Homme (09/03/2001)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Sivtzev Vrajek: une paisible rue de Moscou où habitent un vieil orinthologue et sa petite fille, l’inoubliable Tanioucha autour de laquelle vont se nouer les destins d'hommes pris dans la Grande Guerre et la tourmente révolutionnaire de 1917. Un livre pathétique et pudique à la fois, d’une grande délicatesse et qui suscite la plus profonde nostalgie.
Un pianiste familier des lieux, Edouard Lvovitch, y joue un soir une étrange composition, l'opus 37, une page... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le bouillonnement culturel russe des temps revolutionnaires est peut-etre facilement comprehensible pour la sociologie historique, mais moi je reste ebahi a chaque decouverte personnelle d'un livre ou d'un auteur. C'est le grand avantage de n'etre pas un specialiste, chaque nouvelle lecture dans ce filon est pour moi incursion en terras incognitas, n'en deplaise a tous les Colombs, et je pousse in petto le cri exalte de l'explorateur.

Je lis et apres je me renseigne un tant soit peu. Mikhail Ossorguine, ou Michel Ossorguine vu qu'il a vecu en France de 1923 jusqu'a sa mort en 1942, a publie ce livre en 1928 ou 1929. Des 1930 il est traduit en anglais, mais bien que je ne sois sur de rien je crois que sa premiere traduction en francais est celle des editions L'age d'homme en 1973. Et je ne peux qu'encenser les editions Noir sur Blanc qui viennent de la reediter.

Ce livre est une somme. Une somme de personnages de toutes classes sociales, aux postures differentes et aux actions differentes, une somme de situations, d'evenements differents, une somme d'emplacements, de paysages differents, pour évoquer une courte epoque de grands changements, de bouleversements.
Ce sont les derniers moments de l'engagement russe dans la grande guerre et les premieres annees de la revolution bolchevique. Et ils sont tous la, campes devant nous. Non, j'exagere, pas tous, mais beaucoup. L'idealiste qui s'engage pour le front et y perit et le paysan qui deserte et essaye de rejoindre a pied son village. Celui qui a garde son arme et s'en sert pour intimider et devaliser ceux qu'il croise. Celui qui s'engage dans la nouvelle armee populaire. L'ordonnance devoue qui assiste son ancien officier, estropie, jusqu'a sa mort. le vieux savant force de vendre ses livres pour pouvoir acheter un peu de millet. le debrouillard qui s'auto-erige en chef de quartier. le jaloux revanchard qui savoure la depossession, l'appauvrissement des plus aises. le juge d'instruction pour qui tout bourgeois est coupable d'office de trahison et sabotage. L'erudit qui meprise les presque illetres peuplant la nouvelle administration. Ceux qui profitent du nouvel etat de choses et ceux qui tentent de survivre. Ceux qui se decouragent, ceux qui tentent de fuir, d'emigrer, et ceux qui revent d'un avenir ou tous les espoirs sont permis. Et au centre de tout ce cirque une jeune fille, qui devient jeune femme et decouvre l'amour.

Pas de grands heros dans ce livre, mais une multitude de pauvres heres et de braves gens pris dans la tourmente. Paradoxalement, malgre la durete, la cruaute des temps, au coeur de ce paysage de pertes et de morts, de resilience, de trahisons, de vilenies et a l'oppose d'actes de courage, pointe une humanite petillante, qui peut se ressaisir, peut rebriller au sein d'une nature en eternel renouvellement. Parce que pour Ossorguine, l'homme a sa place dans la nature, mais qu'une place, a coté de beaucoup d'autres etres et elements. Il le signifie dans les nombreuses pages qu'il alloue aux rats (et a leurs pensees) et surtout aux hirondelles, qui reviennent chanter tous les ans, voletant de chapitre en chapitre. Avec les hirondelles, Il y aura toujours, a nouveau, un printemps pour les hommes. Apres avoir, en une multitude de courts chapitres, denonce l'absurdite se la guerre (“Quand des salves d'artillerie secouaient la terre, les os de Hans se pressaient plus étroitement contre ceux d'Ivan et le crâne disait en ricanant : – Nous sommes hors de danger, n'est-ce pas, Ivan, mon ennemi ? Notre abri est le plus sûr. Et Ivan répondait, claquant des dents : – On ne peut mourir qu'une fois, Hans, mon ennemi ! Et tous deux, dans le froid de la confortable tombe, se riaient des hommes dans les tranchées proches que des poux gris bien gras dévoraient à loisir.”), vilipendie les atrocites de la révolution (“De l'autre côté de la rue, dans la rue Fourkassovski, se trouve le centre de toute la lutte : la section spéciale de la Tchéka panrusse. L'ordre y règne, tout le monde y est réduit à une totale soumission. Là, pas de poésie, pas d'angoisse sans objet. Émettant des ordres silencieux, plane sur tous, omnipotent, le génie oppresseur et sage de la lutte et de la revanche, l'austère compagnon de la vieille école qui a goûté toute l'horreur des travaux forcés tsaristes. C'est un idéaliste désintéressé, incorruptible, inaccessible à tous, le vengeur du peuple, qui a pris sur lui toute la responsabilité du sang versé. Que son nom soit oublié de la postérité !”), note rageusement ses resultats (“La vie, cette année-là, était rude et l'homme n'aimait pas son prochain. Les femmes cessaient d'enfanter et un enfant de cinq ans était considéré comme un adulte, ce qu'il était en vérité. Cette année-là, la beauté disparut et fut remplacée par la sagesse. Depuis ce temps, il n'y a pas peuple plus sage que le peuple russe.”), Ossorguine clot son livre par un dernier chapitre intitule “Quand reviendront les hirondelles”: “– Dites-moi, Piotr Pavlovitch, que sera la vie pour les jeunes ? Sera-t-elle meilleure que de mon temps, ou semblable, ou plus difficile ? [...] – Des hommes viendront, des hommes nouveaux qui essaieront de tout faire d'une façon nouvelle, à leur façon. Et, ayant essayé et échoué puis réfléchi, ils comprendront que rien de nouveau ne peut durer sans les vieilles fondations et que sans ces fondations-là, tout ce qu'ils construiront s'effondrera inévitablement. Ils comprendront aussi qu'ils ne peuvent se passer de la culture des temps anciens, qu'ils ne peuvent se permettre de la rejeter. Et ils reprendront les vieux livres et apprendront ce qui fut appris avant eux et rechercheront les résultats de l'expérience passée. Cela doit venir”.

Ossorguine le banni, le deracine, a perdu sa Russie. Mais il espere que la Russie, sa chere Russie, n'a pas tout perdu. du fond de son exil francais il espere pour elle et pour ses anciens compatriotes un avenir plus souriant, un nouveau printemps. Et son livre, ce livre, est autant un requisitoire pour le passe qu'une priere pour cet avenir. L'avenir que merite Tanioucha, son heroine, qui a trouve l'amour. Un autre de ses personnages ne cite-t-il pas L Ecclesiaste: un temps pour detruire et un temps pour bâtir, un temps pour hair et un temps pour aimer? Ossorguine n'est pas naif, mais pas pour autant desespere. Il ne pouvait bien sur prevoir, ni les horreurs de la deuxieme guerre mondiale, ni celles du stalinisme.

Et moi? Moi aussi j'espere. J'espere que ce livre aura les nombreux lecteurs qu'il merite. Et de nombreuses appreciations.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
On compte à Moscou, depuis l’époque du boyard Koutchka jusqu’à nos jours, cinq vérités. La première était celle des verges. Cette vérité se trouvait près de la porte de Kalouga, au service des recherches de Jitny Dvor. Là, durant l’enquête, le bourreau l’arrachait avec les verges et le bâton en attachant l’homme, entièrement nu, à un chevalet, tandis que, assis à une table, le greffier, de sa plume d’oie, griffonnait ligne après ligne. La deuxième vérité était celle des ongles. On fixait les mains du supplicié à un carcan, puis on serrait les doigts dans des tenailles et l’on enfonçait sous les ongles des pointes de bois. Quand la première méthode échouait, on essayait celle-ci : « Si tu n’as pas avoué la vérité des verges, tu avoueras celle des ongles. » La troisième vérité prospérait près de l’église Pierre- et-Paul, dans un bâtiment du quartier de Preobrajenskoïe, où elle se trouvait entre les mains du prince-césar Fiodor Iourévitch Romodanovski, « homme d’un caractère particulier à l’aspect d’un monstre et aux façons d’un tyran odieux, qui ne voulait de bien à personne ». De ses actes de justice, « les démons se grattaient la nuque ». Une quatrième vérité s’était, à un moment donné, établie près de l’église de la Résurrection de Kadachy, de l’autre côté de la Moskova, où vivait, vers le milieu du XIXe siècle, un célèbre marchand, Chestov, maire de Moscou, qui défendait les intérêts des pauvres de cette ville. Mais une vérité aussi anormale ne pouvait durer bien longtemps. Après cela, on s’embrouilla dans le compte des vérités de Moscou, et les dictons ne parlèrent plus séparément de chacune d’elles, pas plus de celle de la Boutyrka et de Taganka que de celle de la rue Gnezdnikovski. La nation, s’étant assagie, avait réuni toutes ces vérités en une seule, et cette unique vérité « avait existé autrefois, mais s’était enfuie dans les bois ». « Ta vérité et ma vérité sont partout et nulle part. » La cinquième vérité est née de nos jours à la Loubianka. Quand on lui avait extirpé la vérité, le misérable devenu inutile était « raccourci d’un quart et demi ». De nombreux endroits, encore vivants dans le souvenir de la population, furent choisis à Moscou dans ce but. Tout le long de la place Rouge, de la porte Saint-Nicolas à la porte du Sauveur, on éleva plus tard toute une rangée de petites églises sur « les os et le sang », et une autre « au bord du fossé ». Ivan le Terrible raccourcissait « sur la place », devant l’église Saint-Jean-Climaque, plus tard baptisée Ivan-le-Grand. « Et l’on jetait les têtes dans la cour du boyard Mstislavski », pour permettre aux démons de jouer à la balle. Il y eut d’autres lieux semblables à diverses époques : à la porte Serpoukhovski, près du Marais, de l’autre côté de la Moskova, non loin de Sainte-Barbe-la-Martyre, au coin de la Miasnitskaïa et de la rue du Cocher, partout où cela s’avérait utile, et, en hiver, même sur la glace de la Moskova. Il y avait à Moscou de nombreux, de fort nombreux endroits où l’on « redressait les cornes des chèvres », où l’on « cousait la langue plus bas que les talons », où les gens étaient « pesés sur une balance romaine », où on « lavait la tête », où l’on « nettoyait la boucle », où l’on « rétamait les côtes », où l’on vous « promenait dans la rue verte », où l’on vous « frottait avec un balai sec », où l’on vous « appliquait le bâillon », où l’on vous « torturait en trois phases ». La langue russe est musicale, pleine de richesse et de beauté. Elle est riche et s’enrichira encore. À l’époque de la cinquième vérité, celle de la Loubianka, on commença d’« expédier les gens avec leurs bagages », à « liquider », à « mettre au mur », à « régler les comptes ». De nouveaux endroits furent consacrés à Moscou à cet effet : le parc Petrovski, les sous-sols de la Loubianka, les locaux de l’ancienne compagnie d’assurances L’Ancre, le garage de la rue Varsonofievski et divers autres lieux.
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En l’an de grâce 1919, Moscou fut conquise par les rats. On louait aux voisins de vigoureux matous pour toute une livre de farine par nuit. Des gens prévoyants se privaient de leur dernière bouchée pour nourrir le chaton qu’ils élevaient. Il était de la plus haute importance d’avoir un chat dans la maison. Il ne s’agissait que de l’élever ; ensuite, non seulement se nourrissait-il, mais ses maîtres tout aussi bien.
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Les armées de fourmis ne furent pas les seules à périr. Les récoltes périrent également, aplaties par les bottes des soldats.
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