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EAN : 9782729120122
191 pages
Editions de La Différence (03/01/2013)
3.64/5   59 notes
Résumé :
Les Boîtes en carton est le livre qui fit connaître Tom Lanoye en Flandres. Comme le signale la première phrase : « Ceci est la relation d’un amour banal et de son pouvoir dévorant », il s’agit de l’histoire d’un gamin issu d’un milieu populaire qui, lors d’un voyage scolaire organisé par une caisse d’assurance « Les Mutualités Chrétiennes » au début des années soixante, tombe amoureux d’un des garçons qui participe à l’excursion. L’homosexualité approchée sans tabo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Ça y est, c'est sûr, je suis amoureuse de l'écriture de Tom Lanoye. Après "La langue de ma mère" qui m'avait tourneboulée jusqu'au fond des tripes mais pour des raisons très personnelles, j'ai tenté une deuxième approche pour confirmer ma première impression. Bref, résultat, me voilà prise au piège de sa prose, mais je ne m'en plains pas le moins du monde.
Et donc, ces boîtes ? Il y en a trois, personnelles, plus une, à contenance universelle. Je m'explique.
La première : la boîte en carton qui, dans les années 70 (prononcez "septante"), sert de valise au jeune Tom, dix ans, pour deux semaines de colonie de vacances dans les Ardennes, financées par les Mutualités Chrétiennes. L'occasion pour le petit gars de rencontrer Z., son premier amour, même s'il ne connaît pas encore les mots à plaquer sur ce qu'il ressent pour son camarade. Oui, SON camarade. Parce que, d'emblée, on sait qu'il sera ici beaucoup question d'homosexualité.
La deuxième : la "Boîte", surnom du collège catholique élitiste où Tom et Z. se retrouvent dans la même classe. Six années pendant lesquelles Tom gardera son amour pour Z. secret, de même que ses séances répétées de masturbation frénétique, lesquelles sont cependant décrites au lecteur de long en large (si je puis me permettre). L'occasion aussi de partir à nouveau en colonie de vacances avec Z., en Suisse cette fois, et de tenter quelques manoeuvres d'approche aussi discrètes qu'incomprises.
La troisième : la, ou plutôt les boîtes d'archives que Tom l'écrivain conserve "pieusement" depuis ces années d'émoi. En particulier celle où il est question d'un dernier voyage avec Z., non pas en colo, mais avec ses condisciples, quelques semaines avant la fin de la dernière année scolaire à la "Boîte", avant l'entrée dans le monde adulte. Un voyage en Grèce, au pays des éphèbes, apothéose culturelle et espoir de climax amoureux, mais dont le final tourne à la tragédie... grecque pour Tom, qui en reviendra avec son premier chagrin d'amour.
La quatrième : celle qui englobe les autres et dans laquelle on peut tous se reconnaître, un peu, beaucoup, passionnément...
Oui, on peut s'y reconnaître, parce que (et sans même tenter de refréner mon enthousiasme), en vrac :
Même si c'est un récit autobiographique qui parle d'éveil à l'homosexualité, c'est aussi l'histoire d'un premier amour et du chagrin qui va avec, et c'est si entier et si sincère, et tellement bien décrit que ça touche à l'universel et que ça vous plonge dans vos souvenirs.
Parce qu'il y a l'humour, l'auto-dérision, et puis cette façon jouissive de brocarder les rivalités entre mutualités chrétienne et socialiste, la ligne de faille typiquement belge entre collèges cathos et athénées impies, et la révolution interne à l'enseignement catholique, contraint de se moderniser et d'accepter des profs laïcs et "rénovants" dans un corps enseignant jusque là exclusivement vêtu de soutanes et de cols romains. Les anecdotes et les portraits qu'il tire de certains professeurs me rappellent ceux que mon père et mes oncles et tantes racontent encore de leurs propres années de secondaire.
Parce que l'écriture sonne tellement juste dans ses détails et son réalisme qu'on se sent pris, pas tant de belgitude, mais de "flamanditude", avec ces descriptions du quotidien de la classe moyenne d'une petite ville provinciale de la Flandre patoisante...
... et parce que c'est magnifiquement traduit, chapeau bas et mille mercis à Alain van Crugten.
Parce que c'est drôle, nostalgique, un brin sulfureux, truculent et décomplexé, parce que l'auteur y parle avec tendresse et générosité des femmes de sa vie, mère, soeur, tante, amies, auxquelles il rend hommage. "Les femmes ont le coeur trop grand pour ce bas-monde", ça se passe de commentaire.
Parce qu'enfin, il s'adresse à son lecteur, en lui témoignant respect et admiration, et que j'en suis toute « paf ».
"Autori salutem"; ceux qui ont lu comprendront.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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La première boîte en carton c'est la valise du voyage en Suisse organisé par les mutualités chrétiennes , valise donnée à tous les participants , jeunes garçons de 12 ans , c'est le début des voyages , c'est le moment de la grande rivalité entre les mutualités chrétiennes et socialistes .
Puis d'autres boîtes en carton vont suivre puisque l'auteur nous avoue ne rien jeter , il a de nombreuses boîtes d'archives qui contiennent les souvenirs de toute une vie .
L'auteur nous parle de sa famille , des femmes de sa vie qui sont sa maman , une de ses tantes Pit Germaine , une amie de la famille Wiske avec qui il partage l'amour du cinéma , et enfin la quatrième sa soeur pour qui il est une poupée vivante .
Il n'y aura pas d'autres femmes de sa vie puisque l'auteur annonce la couleur tout de suite , il est homosexuel .
Il nous raconte l'histoire de son premier amour où plutôt devrais je dire de son premier chagrin d'amour .
Oui il y a des scènes de sexe , enfin plutôt de nombreuses descriptions de masturbations, elles peuvent déplaire , pourquoi pas , mais moi je trouve qu'elles ont leur place dans le roman.
Ce livre est si bien écrit que j'ai ressenti pendant toute ma lecture que je lisais un texte d'une qualité exceptionnelle, tout est décrit avec un oeil acéré , un sens du détail qui m'a enchantée , ce qui m'a sauté aux yeux aussi c'est la narration des souvenirs d'enfance , rien n'a été oublié
Oh ces descriptions minutieuses des différents profs au collège , les laïcs et les prêtres , l'introduction du changement comme les laïcs justement dans l'école , l'auteur a un talent qui m'a plusieurs fois émue aux larmes à plusieurs passages de ma lecture .
Je ne sais si je peux faire cette comparaison mais tant pis j'ose , il m'a semblé qu'il y avait du Philip Roth chez l'auteur , le sens aigu des descriptions , le côté sexe .
Et puis il y a une tendresse incroyable qui se dégage du texte , tendresse qui côtoie en proportions parfaites une critique de la société flamande , oh les pages sur le Tour d'Ypres , les dernières pages sur les critiques des vétérans au club de gymnastique, c'est si juste .
Oui beaucoup d'émotions , une écriture à la hauteur de mes espérances les plus folles , première et oh pas dernière incursion dans cette littérature du Nord du pays , chez nos frères si proches et si différents à la fois ' les flamands ' , d'où cette impression bizarre d'être dans un autre pays quand on franchit la barrière linguistique, petit pays étrange , surréaliste avec ses latins et ses germains , oh me reviens à l'esprit l'anecdote hilarante sur l'emploi du mot escargot sur les cartes des restaurants en Flandres , oui justement j'allais oublier cet ingrédient magique également commun à Philip Roth , l'humour , l'auto dérision , ne la manie pas qui veut .
Je viens de terminer ce livre et j'écris ma critique tout de suite , heureuse , les mots viennent tout seuls , je ne me relis pas , j'aime écrite mes premières impressions comme ça vient spontanément et je me sens un peu vide , un peu triste aussi , il y avait si longtemps que je n'avais plus été étonnée , titillée , secouée par des mots .
Je ne recommande pas ce livre , il ne plaira pas à tout le monde , j'ai lu dans une autre critique que cette lecture faisait partie du programme scolaire en Flandres et bien chapeau
Une envie dingue , irrépressible de continuer ma découverte de l'auteur ainsi que d'autres écrivains de langue néerlandaise , moi qui jusque présent n'avais lu que le célèbre ' le chagrin des Belges ' d'Hugo Klaus , ah oui j'oublie Tiel Ulenspiegel que j'avais adoré
Encore un petit mot , j'ai beaucoup hésité à rejoindre un club de lecture mais qu'elle bonne idée j'ai eu , que de bonnes découvertes littéraires grâce à ces passionnés ( ées ) .
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« Ceci est la relation d'un amour banal et de son pouvoir dévorant. » Ainsi commence Les Boîtes en carton, roman largement autobiographique de Tom Lanoye, tout comme La langue de ma mère. Si, dans cet opus, l'auteur explique comment ses parents ont accueilli son homosexualité, ici il raconte comment celle-ci s'est révélée à lui quand il était enfant.

« Ceci est la relation d'un amour banal et de son pouvoir dévorant. Il m'est tombé dessus au début des années septante dans la très laide ville provinciale de P. L'objet de cet amour : celui que je puis maintenant, depuis trois ans à peine, qualifier de gars parfaitement ordinaire, mais qu'avant cela j'ai appelé dans mon for intérieur de tous les noms que le monde ait jamais inventés pour désigner tout ce qui est inaccessible et ardemment désiré, tout ce qui vous défie et déchire, tout ce qui est beau et dingue à la fois. Son vrai nom était Z.

Je l'ai rencontré pour la première fois à l'âge de dix ans. Je m'en souviens avec précision, notre rencontre eut lieu lors d'un voyage organisé par la caisse d'assurance maladie. Pas que Z. ou moi fussions incurables ou même très légèrement tubards. C'était un voyage offert à un prix ridiculement bas à tous les garçons de dix ans dont les parents étaient assurés contre maladies et mutilations. Officiellement parce que l'organisation espérait que ces enfants grandiraient dans la prospérité et la santé éclatante. En réalité parce que cette caisse, qui avait pour nom Mutualités Chrétiennes, était engagée dans une concurrence forcenée avec l'autre caisse, celle des sans Dieu, les Mutualités Socialistes. »

Tom, le narrateur, construit son roman en quatre parties, quatre boîtes en carton qui ont jalonné son enfance et son adolescence : la valise en carton fournie par la Mutualité chrétienne pour son premier camp de vacances en Ardennes à l'âge de dix ans, l'année où il rencontre Z. (l'occasion pour Tom de parler des femmes de sa vie : sa soeur aînée qui l'adorait, Wiske l'amie de la famille devenue sa presque soeur, sa marraine Pit Germaine et sa magnifique logorrhée verbale et bien sûr, Josée, sa mère chérie), la deuxième valise lors du camp en Suisse à quatorze ans, alors que Tom explore jusqu'à plus soif les joies et les douleurs du « plaisir solitaire » (il y a des scènes à hurler de rire – épatant ce qui se passe dans la tête d'un jeune ado) ; la boîte à photos et la boîte à archives du collège catho où Tom et Z. se retrouvent dans la même classe (on est dans les années soixante et les curés font semblant d'évoluer avec leur temps) et nouent une amitié qui sera source d'éblouissements et de douleurs profondes pour notre écrivain en herbe : c'est aussi le temps des blagues potaches, des profs marquants (des curés sobrement surnommés le Boche le Jap et Mussolini, ce dernier étant la plume du mouvement flamingant, tous éveillant leurs étudiants à la littérature flamande et universelle), le temps d'un voyage scolaire en Grèce qui cristallisera toutes les attentes de Tom.

C'est un roman qui évoque une tranche d'histoire de la Flandre et de la Belgique, un roman d'initiation, de formation, humaine, amoureuse et littéraire, un roman qui m'a parlé (il y avait une de ces valises en carton à la maison, ma mère y rangeait les boules et les guirlandes de Noël, moi aussi je suis allée en colonie de vacances avec la Mutualité chrétienne – à la mer, les Wallons allaient à la mer, les Flamands en Ardenne – et en Suisse l'année de mes quatorze ans) et dont la fin m'a touchée par le lien qui unit Tom Lanoye à ses lecteurs et par son humour.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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J'ai entamé ce livre autobiographique avec grand plaisir car il est plein d'humour et d'ironie, j'ai aimé la description de l'enfance de l'auteur, des femmes de sa vie, de son collège catholique ("la boîte") et de ses principaux professeurs.
J'avoue avoir abordé avec plus de réticences la description très franche de ses masturbations et de son amour pour un garçon de son âge car cette description est absolument sans fard ni tabou, mais ce ne fut que passager, je suis passé outre et je ne le regrette pas !
L'amour qu'il décrit a tout de l'amour universel avec ses sentiments, ses tourments, ses passions et ses désirs.
L'auteur s'adresse à plusieurs reprises directement à nous.
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un très jeune garcon ,né et élevé dans les très chrétiennes et très conservatrices Flandres découvre le sexe ,son sexe,et les plaisirs solitaires...
...ainsi qu une mystérieuse attirance et des fantasmes ne faisant apparaître que de beaux sujets du sexe masculin.
Tom se penche avec tendresse sur son enfance,nous entrons dans la cuisine familiale où il cuisine avec sa maman(qui lui conseille de porter un slip propre tous les jours pour l éventualité où on le retrouverait inanimé:que penserait les infirlmières et les médecins?cette phrase fait echo à celles de ma propre grand mère flamande)nous le suivons sur le chemin de l école à vélo(qui ,25 ans plus tard ,va encore à l école en vélo?trop de circulation et de trop de pédophiles potentiels...)nous l'écoutons parler de ses maîtres,vieux jésuites dévoués,accros à la nicotine(oui,il y a 25 ans on fumait ds les collèges d enseignement!)le récit hilarant et tragique d un voyage scolaire en Grèce...
Servi par un style limpide,rafraichissant,concis,ce roman est une pépite,
cette confession est très réussie,à 100 lieues du voyeurisme ou de l exposition complaisante du soi(certte fameuse autofiction)et n a pas du être facile à écrire
gageons qu il y seulement 20 ans ,elle n 'aurait pas été publiée.
aujourd'hui ce roman figure dans toutes les listes de livres à lire des écoles flamandes en Belgique.
à lire pour la beauté de l écriture et parceque c est une magnifiquement belle histoire d un premlier amour (et à lire aussi pour comprendre les angoisses et les tourments de jeunes qui se découvrent homosexuels.)
pour les Belges:un passage amusant sur les mythes fondateurs de la Flandre:les flamands perpétuels opprimés ea par de méchants officiers francophones pendant la première guerre mondiale....d où l idée dune revanche identitaire des flamands contre les oppresseurs de hier,(qui étaient en réalité membres leur propre bourgeoisie)
a mon avis ,ce discours extrémiste oublie que l élite du pays parlait francais qu'elle soit née à Arlon,Ostende ou Gand: en effet,l enseignement supérieur n existait qu en français à l époque.
l oppression des uns par les autres était plus une question de classe sociale que de langue maternelle.
comme aujourd hui en Inde,les classes sociales aisées parlent l anglais contrairement aux pauvres et à tous ceux qui n ont pas eu la chance de fréquenter dans une école de qualité)



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critiques presse (4)
Actualitte
11 septembre 2013
c'est un livre très agréable à lire, plein d'humour et de sensibilité, extrêmement bien écrit dans sa traduction, original dans sa construction où apparaissent régulièrement des « images » qui sont autant de points fixes de développement de sujets particuliers qui éclairent le propos du texte, irrévérencieux et anticlérical dans son approche du milieu social et scolaire fortement imprégné de religion, extrêmement sensuel et sexuel.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Lhumanite
01 juillet 2013
C’est qu’au travers de ses histoires intimes, le Flamand Tom Lanoye non seulement capte comme personne 
les humeurs et les travers de son territoire nourricier, 
mais également parle pour bien davantage que lui-même.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
LeSoir
11 janvier 2013
Truculent, émouvant, troublant, ce livre aujourd'hui traduit en français - après 22 ans!!- est un mode d'emploi de l'amour, de l'amour de la littérature, du nationalisme flamand et ..de la masturbation.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LaLibreBelgique
09 janvier 2013
L’histoire de cet amour nous touche car elle est universelle, elle est exactement la même que l’amour brûlant d’un jeune écolier pour la fille entrevue. Les sentiments, les tourments, les plaisirs et les rêves sont les mêmes, racontés par Tom Lanoye avec son humour décapant.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
C'était l'époque [début des années 70] où le tourisme entamait à peine la marche en avant qui allait tout dévaster sur son passage. Bientôt, de la Scandinavie à la Côte d'Azur, aucun paysage ne serait épargné par les mutilations infligées par les autoroutes et les hôtels. De Dublin à Vladivostok, aucune famille n'échapperait à ce terrorisme : on serait contraint de quitter tout ce qu'on aime, d'aller "se relaxer tranquillos" pendant quinze jours à l'étranger pour enfin, au retour, reprendre le train-train comme si rien ne s'était passé.
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Et te rappelles-tu, lecteur, dans l’odeur de poudre de cette pitoyable révolution ratée, te rappelles-tu ce garçon-là, qui était toujours assis au premier banc de la classe ? Ce petit emmerdeur qui avait oublié de grandir et qui, à chaque question d’un prof, prétendait connaître la réponse avant même que le brave homme ait fini de s’exprimer et levait constamment en l’air un doigt agité comme un arbrisseau dans la tempête. L’infatigable fayot qui monopolisait toutes les tâches, du nettoyage des tableaux à l’organisation de l’élection du délégué de classe. Une élection qu’il gagnait haut la main, parce qu’il était le seul à vouloir se porter candidat pour une telle connerie. Le petit trouduc qui, seul parmi les délégués, continuait systématiquement à aller à tous les conseils de classe dans l’espace de méditation et tapait sur les nerfs de tout le monde avec ses discours interminables, agitant les résultats d’enquêtes et de pétitions qu’il avait lui-même imaginées et mises sur pied. Cette demi-portion avec ses lunettes des Mutualites Chrétiennes et sa grande gueule. Ce petit garçon, c’était moi. C’était moi, lecteur, qui troublais ton ennui confortable et te rendais dingue.
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Bien sûr, j'aurais pu m'enfuir, comme un vrai rebelle. Quitter l'école, la maison, pour la grande vie. La navigation au long cours, l'usine, l'armée. Mais je n'étais pas assez fort pour cela. Ou plutôt: j'étais trop lâche, trop paresseux, trop inexpérimenté. La seule chose que je possédais, moi, le petit général, c'était la certitude intuitive qu'à côté de la véritable rébellion, si l'on désirait la liberté, il devait exister une autre façon de combattre l'absence de liberté. Appliquer tous les décrets et ordonnances de cette non-liberté d'une manière fanatique, pour qu'elle finisse par s'embrouiller. Pour qu'elle devienne, fût-ce dans ma seule imagination, une caricature dérisoire.
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Les autres profs détestaient la dernière heure de la semaine, le vendredi de trois heures dix à autre heures, parce que les élèves étaient remuants, qu'ils avaient la tête ailleurs, pensant déjà au weekend. C'était justement à cette heure-là que Mussolini consacrait chaque semaine à la lecture de prose. Nous étions envoûtés. Le weekend pouvait attendre. On se tassait sur son banc, on écoutait, on brûlait et on tremblait comme une feuille. Des chapitres entiers du Château de Kafka y passaient, et Crime et châtiment de Dostoïevsky, L'éveil de la glèbe de Knut Hamsun, La Vie et la mort dans le séchoir de Stijn Streuvels, Le Nez et Le Journal d'un fou de Gogol, Mussolini qualifiait L'étonnement de Hugo Claus de chef-d'oeuvre intemporel. Il nous en a lu les vingt premières et les vingt dernières pages. On n'y pigeait rien mais on en était tout retourné. Le lendemain, on allait à la bibliothèque, mais le livre était déjà en prêt. Alors on allait l'acheter à la librairie, il était sur l'étagère du dessous, déjà abimé. On le lisait, on ne comprenait toujours rien, mais on poursuivait jusqu'à ce que la dernière page soit tournée. C'était beau comme un coup de marteau parfait, ça chantait, c'était dur, c'était vrai. C'était une chose comme il n'en avait jamais existé auparavant. Pas sous cette forme, pas dans cette langue, pas dans ces images; ça n'existait que dans ce livre. Et rien de ce qui existait en dehors de ce livre n'était aussi bouleversant.
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Ceci est la relation d’un amour banal et de son pouvoir dévorant. Il m’est tombé dessus au début des années septante dans la très laide ville provinciale de P. L’objet de cet amour : celui que je puis maintenant, depuis trois ans à peine, qualifier de gars parfaitement ordinaire, mais qu’avant cela j’ai appelé dans mon for intérieur de tous les noms que le monde ait jamais inventés pour désigner tout ce qui est inaccessible et ardemment désiré, tout ce qui vous défie et déchire, tout ce qui est beau et dingue à la fois. Son vrai nom était z.

Je l’ai rencontré pour la première fois à l’âge de dix ans. Je m’en souviens avec précision, notre rencontre eut lieu lors d’un voyage organisé par la caisse d’assurance maladie. Pas que Z. ou moi fussions incurables ou même très légèrement tubards. C’était un voyage offert à un prix ridiculement bas à tous les garçons de dix ans dont les parents étaient assurés contre maladies et mutilations. Officiellement parce que l’organisation espérait que ces enfants grandiraient dans la prospérité et la santé éclatante. En réalité parce que cette caisse, qui avait pour nom Mutualités Chrétiennes, était engagée dans une concurrence forcenée avec l’autre caisse, celle des sans Dieu, les Mutualités Socialistes.
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