Beau livre dont je ne connaissais pas l'auteur. Ce roman régionaliste a été récompensé par le prix Erkman Chatrian en 1984. C'est une oeuvre alternant modernité, avec ses hordes de motards, et tradition avec le travail ancestral des meuniers produisant la farine comme le faisaient leurs prédécesseurs. Beaucoup de poésie au hasard des pages et de belles descriptions. On y découvre aussi un mythomane très convaincant. Au hasard de mes lectures, j'ai rarement rencontré ce type de personnages, pourtant dans la vie réelle ils foisonnent... Donc je remercie l'auteur de nous faire découvrir les ficelles et la stratégie bien rodée d'un tel individu. Livre très agréable.
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- La quille, bon Dieu, la quille! La quille!
Vingt bouches béantes hurlent des guirlandes de vapeurs éthyliques. Le vacarme est assourdissant à peine couvert par les heurts de la voiture sur les aiguillages.
- La quille, la quille!
La quille viendra
Les bleus resteront
Pour laver les gamelles...
On ne peut pas prétendre connaître le monde si on ne connaît pas son propre pays! Il n'est pas possible de reconnaître les racines des autres, ni donc de les comprendre, si l'effort pour identifier les siennes n'a pas été fait! Non? Alors, on voyage bêtement, voilà, sans rien voir, en vulgaires porteurs de valises.
De violentes projections jaunes éclaboussent les vieilles façades de la place ancienne du Poiron. Les balustres s'interpellent d'une apparition à l'autre. En chiffons bousculés par le vent de la course s'étirent aux meneaux d'âge de longues langues de lumière dépecée. Surplis de lassitude dont se passerait volontiers la pierre. A chaque passage, les ventres ronds contenus par arcades, sombres de plaisir nocturne, s'offrent aux poignards éclatants qu'engendrent les machines.
La nuit est tiède.
Vacarme assourdissant.
La farine d'autrefois!
Différente de celle d'aujourd'hui qu'une naissance mécanisée altère en profondeur en assoupissant ses vertus vitales. Trop d'artificielle pureté détruit à terme la pureté essentielle et originelle.
Au moulin du Roué, c'est l'eau qui offre encore sa force issue du sol et donne à la farine de Bernard Thomas cette blancheur recherchée par les vieux boulangers du pays. L'eau de l'Avière qu'un canal creusé par des moines oubliés achemine jusqu'à la mécanique de chêne.
Gilles Laporte - Un parfum de fleur d'oranger