Nous connaissons tous la célèbre oeuvre de Degas, cette petite enfant en tutu qu'on peut admirer dans plusieurs musées aux quatre coins de la planète. Mais que savons-nous vraiment de l'histoire derrière l'oeuvre? Certains auteurs et cinéastes ont imaginé la vie de la petite danseuse, Marie van Goethem, en romançant plus ou moins les nombreuses zones d'ombres laissées par le temps passé. Ici,
Camille Laurens se détache de cette longue tradition et choisit le style de la non-fiction pour explorer, archives et témoignages écrits à l'appui, les relations entre l'artiste et son modèle, la perception de l'oeuvre lors de sa première exposition de l'oeuvre en 1881, l'intention de Degas lorsqu'il l'a réalisée et, plus largement, le contexte socio-économique riche d'informations pour interpréter cette oeuvre.
Oeuvre controversée,
La petite danseuse de quatorze ans reste encore aujourd'hui un mystère : quel message voulait faire passer
Edgar Degas lorsqu'il l'a réalisée? Comme le démontre très bien
Camille Laurens avec son analyse détaillée, chaque élément de cette oeuvre, du choix de la matière à la posture de l'enfant, prête à confusion, peut être interprété d'une manière et de la façon contraire. Symbole des théories racistes de l'époque ou critique ouverte de l'état dévergondé de la société bourgeoise? Nul ne le sait vraiment.
C'est seulement dans la troisième partie du livre que
Camille Laurens revient sur l'histoire personnelle de la petite danseuse, pour essayer de comprendre qui elle était, et ce qu'elle est devenue après avoir été figée dans la cire. Marie van Goethem, née à Paris de parents belges, « vendue » à l'
Opéra de Paris par sa mère pour nourrir la famille, et puis finalement expulsée de l'Opéra à cause de ses absences répétées, n'a rien des gentilles petites ballerines qui nous font rêver dans L'Âge heureux. Elle disparait des registres de l'état civil français après son expulsion de l'Opéra, nul ne sait quand elle est décédée, où et comment.
C'est dans cette troisième partie que
Camille Laurens lie son destin à celui de la petite danseuse, en rapprochant son histoire personnelle de ce que le petit rat a vécu, et en retrouvant la trace de sa grand-mère, née à la même époque, et dans un milieu similaire. Elle nous parle aussi de son goût pour la danse, elle qui a dû arrêter quand elle était petite alors qu'elle rêvait d'intégrer l'
Opéra de Paris. Une anecdote de vie qui semble bien familière à mes oreilles, moi qui ait dû arrêter la danse après plus de quinze ans, faute d'avoir des genoux assez solides. Mais la danse reste, pour
Camille Laurens et pour moi, un art unique qui continuera toujours de nous captiver et de nous émerveiller.
Livre inclassable, entre l'essai et le récit, voire même quelques lignes d'autobiographie,
La petite danseuse de quatorze ans instruit, sensibilise, démystifie et fait réfléchir, c'est passionnant.
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