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EAN : 9782385770952
336 pages
Editions Récamier (01/02/2024)
4.38/5   16 notes
Résumé :
« Elle avait ajouté, ils ne sont pas morts, ils ont " disparu ". Et alors, c'est quoi la différence ? Elle avait expliqué, il avait souri, tu crois vraiment qu'ils pourraient encore revenir ? »

Tout commence un beau jour d'été. Claude et Marie Cotraz décident de partir faire une excursion en haute montagne, laissant leurs quatre enfants au chalet, seuls. Le temps change, le chien aboie, un violent orage se profile. L'inquiétude gagne la fratrie. Ils c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Disparus en montagne

Agnès Laurent raconte comment en famille vole en éclats. Après la disparition de leurs parents qui ne sont jamais revenus d'une course en montagne, Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean vont devoir vivre avec cette absence. Ils ne s'en remettront jamais.

Quand commence cette histoire, à la mi-août 1970, toute la famille Cotraz était réunie. Autour de Claude et Marie, leur quatre enfants Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean profitent de leurs derniers jours de vacances dans leur chalet. Les plus âgés sortent de l'enfance et font des rêves d'avenir. Peut-être que Luc marchera dans les pas de son père, guide de montagne. À moins que Jean ne décide d'endosser de reprendre le flambeau? Quant aux plus jeunes, ils découvrent le monde avec gourmandise.
Et n'ont aucune raison de s'inquiéter quand leurs parents décident de partir en montagne jusque vers le glacier qui domine le village. C'est leur oncle qui va montrer les premiers signes d'inquiétude en apprenant qu'un orage se prépare. Un peu plus tard, il proposera aux enfants de les accueillir chez lui en attendant le retour de leurs parents. Qui ne reviennent pas.
Alors que les recherches pour les retrouver sont lancées, l'attente devient de plus en plus éprouvante. Les jours passent sans aucune nouvelle du couple. Les mois passent et de difficiles décisions sont prises. Marie-Pierre et Luc vont en pension à la ville dans deux établissements séparés, Paule et Jean restent chez leur oncle et tante. La belle fratrie vole en éclats, laissant le benjamin inconsolé. "Il n'y a plus de maman, plus de père, ni même de Luc et de Marie-Pierre. On les a envoyés loin. Quand ils reviennent de leur école, ils ne ressemblent plus à son frère et à sa soeur. (...) Lorsqu'elle est là, Paule le prend dans ses bras, le cajole le temps qu'il se calme, il sent bien que les bras ne sont pas aussi grands que ceux dans lesquels il a passé ses premières années".
Pendant des années Luc courra la montagne à la recherche du moindre indice, sans renoncer mais sans rien trouver. À Christine, sa nouvelle compagne, il promet même de renoncer à ses escapades sans pourtant s'y résigner vraiment.
C'est en 1986, quand le couple donne naissance à leur fils Philippe, que les choses vont commencer à se dégrader. Une spirale infernale s'enclenche alors. Et ce n'est pas la naissance de leur fille Catherine qui parviendra à l'enrayer.
En choisissant de retracer les suites de ce drame sur olusieurs décennies et sur trois générations, Agnès Laurent parvient à parfaitement rendre compte du traumatisme subi. Elle montre combien, même derrière les silences, le poids de cette absence est lourd à porter. Ce deuil impossible allant même jusqu'à provoquer de nouveaux drames.
Comme dans Rendors-toi, tout va bien, son premier roman paru en 2021, c'est en multipliant les points de vue qu'elle enrichit sa trame romanesque. Car s'il reste entendu que chacun ne réagit pas de la même manière face à l'adversité, personne ne peut affirmer qu'il sort indemne d'une telle catastrophe.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.


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Une belle journée ensoleillée s'annonce. Les parents décident de partir randonner en montagne. le père a l'habitude, il connaît le massif sur le bout des doigts. Marie-Pierre est grande et raisonnable. du haut de ses onze ans, elle saura s'occuper de sa soeur et de ses deux frères. On peut avoir confiance en elle, elle a l'habitude de donner le biberon au petit dernier et d'aider aux tâches ménagères. Les quatre enfants sont ravis : ils vont pouvoir faire des glissades dans les champs, se déguiser avec les vêtements de maman, se goinfrer de fromage et de jambon. Ils feront ce qu'ils veulent, toute une journée sans les parents. Mais au cours de l'après-midi, le temps tourne brusquement à l'orage. Les parents ne reviennent pas. Ni le soir, ni le lendemain matin, ni le surlendemain. Les recherches ne donnent rien.

Comment se remettre d'un pareil traumatisme ? Surtout qu'on envoie bientôt les deux aînés étudier dans la vallée, dans des écoles séparées. Ils ne reviendront au village que pour les vacances. Quatre enfants, ça fait trop de bouches à nourrir pour Tante Andrée et Oncle Antoine. Nouvelle déchirure pour la fratrie, aussi violente que la disparition des parents. Il faut dire qu'on les élève durement, les petits montagnards, dans les années 1970. On ne s'encombre pas vraiment de psychologie humaine quand on a déjà bien du mal à joindre les deux bouts en travaillant dur.

De ruptures en difficultés, Agnès Laurent nous invite à suivre l'évolution de cette famille durant une cinquantaine d'années, à travers le prisme des enfants, des adultes qu'ils deviennent bientôt, puis des petits-enfants, qui grandissent à leur tour avec une absence omniprésente à surmonter. Tous doivent vivre avec cette histoire, elle laisse des séquelles en chacun d'eux : colère, rancoeurs, jalousies et non-dits s'accumulent, engendrant repli sur soi et solitude.

Comment vivre sans savoir, avec ces questions lancinantes laissées sans réponses : les parents ont-ils fait une chute mortelle ? Et si ce n'était pas un accident ?

L'aînée, que l'on a arrachée à sa fratrie après le drame, ne parvient pas à stabiliser son existence et enchaîne les ruptures à l'âge adulte. le cadet noie l'absence de réponses et l'oubli impossible dans l'alcool. le benjamin parcourt la montagne en tous sens, à la recherche d'une trace. On ne sait jamais, avec le réchauffement climatique et la fonte des glaciers, peut-être que la montagne finira par révéler des secrets enfouis ? Seule à être restée vivre au village, Paule s'efforce de maintenir le lien entre les uns et les autres. Toujours à essayer de recoller les morceaux : "Luc, c'est votre père, il faut l'aimer quand même". Devenue mère de six enfants, elle a reconstitué une famille nombreuse à l'image de celle qu'elle a perdue petite.

La liste des symptômes du deuil impossible s'allonge, méticuleuse, clinique, et s'inscrit dans la durée. Sans jamais tomber dans le misérabilisme, Agnès Laurent décortique l'âme humaine au scalpel, avec une précision chirurgicale. Impossible de renoncer à l'espoir, qu'un détail suffit à raviver. Impossible non plus de passer à autre chose. La montagne est toujours là, à la fois familière et menaçante. La contempler, c'est se demander où ils sont. Même cinquante ans après.

On s'attache à ces quatre personnages en souffrance. A chacun d'eux. A leurs conjoints, à leurs enfants. Une fois le livre achevé, naît l'envie de relire les cinquante premières pages, pour profiter encore un peu de la compagnie de Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean. de leur insouciance et de leur dernière journée d'enfance.
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« Un beau jour », c'est la montagne comme décor. La montagne comme un appel, la découvrir toujours plus en profondeur, dévoiler ses recoins cachés, divulguer ses secrets, la défier sans arrêt, été comme hiver. Au village vit la famille Cotraz. Claude le père, un peu taiseux, mais fort bon guide, la mère Marie qui s'occupe de ses quatre enfants : Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean. Au quotidien bien huilé se dessine parfois une trêve. Ce sera le cas en cette journée du 13 d'août 1970 où Claude emmène sa femme grimper en duo. La maisonnée est laissée à Marie-Pierre avec ses corvées et trois enfants à gérer. C'est une belle journée pour une ascension, le ciel est bleu, des conditions idéales. le départ se fait dans une certaine précipitation, un enfant pleure, Marie change de foulard rajoute quelques victuailles dans son sac à dos. Ils partent. Pour les enfants, c'est une journée particulière, ils sont rarement seuls.

Houspillés par Marie-Pierre, ils passent quand même un moment doux. Jusqu'à l'arrivée de l'orage. Inattendu. Imprévisible. Violent. Les heures passent, les parents ne rentrent pas. Les jours passent, les parents ne rentrent pas. Tous le savent : la montagne est sans pitié pour les imprudents. Mais le père, lui, ne serait jamais parti s'il avait eu le moindre doute. Attente, espoir, désespoir, renoncement, confiance. Dans l'expectative permanente, la vie des enfants change. Ils attendent. Ils continueront d'attendre… pendant 50 ans. Une vie.

« Un beau jour » surprend par son titre, la couverture par cette neige qui mène dans le brouillard. C'est bien un roman noir rural qu'Agnès Laurent écrit ici. À travers cette fratrie, elle dessine les contours de ceux qui restent, esquisse les tempéraments qui se forgent. Les ressentiments aussi. Elles croquent les chemins de vie de chacun et parallèlement, les liens qui les lient ou les désunissent. Quel poids a l'absence sur la construction de soi ? Quelles relations quatre enfants peuvent-ils construire ensemble face à ces disparitions ? Car, les parents ne sont pas morts et enterrés, une nuance qui a toute son importance.

En commençant « Un beau jour », je me souvenais simplement de mes émotions de lecture de « Rendors-toi, tout va bien » et de la plume d'Agnès Laurent. Dès les premières pages, je me suis attachée à cette famille, à cette fratrie, aux petits riens de leur quotidien. Jamais je n'aurais imaginé ce qui allait suivre, même si la montagne laissait planer une ombre épaisse et sibylline. Je voudrais expliquer en détail ce qui arrive à chacun de ces enfants, mais je ne le ferai pas. Vous devrez le découvrir par vous-même. Néanmoins, ce que je peux vous dire, c'est que ce livre a été une déflagration. On porte tous des blessures qui n'ont pas forcément quelque chose à voir avec une disparition, mais qui engendrent les mêmes conséquences. Un petit quelque chose qui vous tiraille au fond du coeur et que vous ne savez pas expliquer. Des moments de la vie où personne ne peut vous venir en aide et où vous ne pouvez venir en aide à personne. Vous avez beau chercher les raisons profondes de ces empêchements, vous ne les trouvez pas. Vous savez simplement que pour des raisons obscures, vous devez vous éloigner de ce qui a été un jour, votre famille.

« Un beau jour », vous quittez tout. « Un beau jour », vous renoncez à ceux qui vous renvoient à votre passé. « Un beau jour », vous tirez un trait parce que c'est une question de survie. « Un beau jour », vous avez besoin de vous construire seule, ou au moins de tenter. Mais la petite bête qui nourrit vos souvenirs ne se laisse pas tuer aussi facilement. Elle continue de vous ronger. Et vous ne comprenez pas pourquoi.

En observant Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean, les petites lumières de la conscience s'allument. Au fil des pages, les idées, les émotions, les mots d'Agnès Laurent font leur travail. Lentement, la petite bête se réveille et reprend toute la place. Sauf que, votre cerveau d'adulte, lui, absorbe les nouvelles clés qui sont données en réouvrant les plaies. Vous êtes désormais en mesure de comprendre ce qui vous a si longtemps échappé. Il n'y a que la littérature qui puisse faire cela, que les mots d'un autre pour éclairer vos propres douleurs, que les destins de personnages de fiction pour apprivoiser l'impossibilité de se construire lorsque l'on porte un tel fardeau émotionnel.

Dans « Un beau jour », il y a deux garçons et deux filles, quatre humanités qui ne savent pas vivre ensemble. Comme pour leur père, la montagne attire Luc et Jean comme des aimants. Une façon de se rapprocher du disparu, de susciter une reconnaissance, de batailler contre un élément aussi fascinant que dangereux. Ils n'avaient pas le même âge au moment de la disparition. Pour Luc, le plus âgé, les parents sont presque mystifiés, comme seuls des morts peuvent l'être. Pour Jean, le plus jeune au moment de la disparition, il ne connaît ses parents qu'à travers ce qui a été et ce qui continue à être dit d'eux. Ils ont gagné une sorte de place inamovible au Panthéon des êtres chéris. Car les disparus, autant que les morts permettent l'accès à ce trône d'une réalité vécue idéalisée.

Ce sont les relations entre Marie Pierre et Paule qui m'ont le plus touchée. Deux soeurs qui ne se fréquenteraient pas dans une vie ordinaire tant elles sont différentes. L'une est un socle pour qui le mot famille est une religion, l'autre n'aspire qu'à la solitude, loin de l'enfer blanc et du village où tous connaissent leur histoire. de petites filles à femme, de femmes à mères, leurs chemins de vie sont totalement opposés. Pourtant, l'amour fraternel est bien présent, même s'il est caché sous des tonnes d'exaspération, de ressentiment et d'incompréhensions. Elles s'aiment sans pouvoir se le dire. Elles voudraient se soutenir sans savoir comment faire. Leur amour réciproque ne suffit pas, l'ombre des parents plane toujours au-dessus d'elles….« Leur relation s'est dégradée depuis qu'elles sont devenues adultes, elles n'arrivent plus à se parler normalement. »

« Un beau jour », c'est aussi une plume, un souci de la langue où chaque mot est à sa place. Roman choral, succession de voix telles des échos qui se perdent sur les crêtes escarpées des Alpes, Agnès Laurent place les dialogues dans la narration. J'affectionne particulièrement ce procédé qui permet de rester au plus près des émotions ressenties par les personnages, et de faire avec eux du « peau à peau ». Au gré des années qui passent, des vies qui se construisent et se déconstruisent, elle a eu l'excellente idée d'insérer des « voix » supplémentaires : celle du réchauffement climatique et celle de la génération suivante.

La fonte des glaciers offre de nouveaux espoirs pour réparer les vivants. Sera-t-il possible de retrouver une trace des disparus ? D'écrire le mot fin sur l'existence d'êtres fantomatiques ? « Elle sait que la nature peut garder ses secrets pendant des années, et les recracher presque intacts des décennies plus tard. »

Les petits-enfants des disparus vivent dans le « culte » d'inconnus. Leurs vies ont été façonnées autour de Claude et de Marie sans même les connaître. Ils ont subi les douleurs, souvenirs, actions et réactions de leurs parents comme si le malheur n'avait pas sauté une génération. Impactés autant que leurs parents par cette douleur intergénérationnelle transmise dès leurs naissances, leurs voix méritent, elles aussi, d'être entendues… « Trente ans, ça fait trente ans qu'on entend parler que de votre histoire, de celle de vos parents. Chaque fois qu'on se voit, on ne cause que de ça, tout tourne autour d'eux, comme si on n'existait pas à côté de ce drame que vous avez vécu. On ne sera jamais à la hauteur. »

Famille, montagne et mystère constituent « Un beau jour ». Saura-t-on ce qui s'est réellement passé ce jour d'août 1970 ? La montagne crachera-t-elle ses secrets ? Avec une grande finesse, Agnès Laurent explore les conséquences d'une disparition sur des vies, à travers deux générations, et démontre que l'amour que l'on se porte n'est pas toujours suffisant, que la puissance du souvenir déferle comme une avalanche, sans les ensevelir tout à fait, réels ou fantasmés. Les disparus ont souvent plus d'importance que les vivants, bien malgré soi, contre toute raison. Ce roman a été déflagration pour comprendre à quel point il est difficile de s'entraider, de se comprendre, de se parler lorsque l'on partage un douloureux passé commun.
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1970, dans un village des Alpes. Claude et Marie y vivent paisiblement avec leurs quatre enfants Marie-Pierre, Luc, Paule et Jean. Claude est un grand guide montagnard réputé. Lorsqu'il décide de faire une randonnée avec sa femme, les enfants vont alors passer la journée seuls à la charge de l'aînée Marie-Pierre. La journée se passe bien, et ils attendent le retour des parents. Un orage va éclater en soirée et les parents ne réapparaissent pas. Personne ne semble s'inquiéter, et pour cause, Claude est un guide aguerri. Les enfants décident d'attendre le lendemain, mais toujours rien. Les parents ne reviennent plus.

J'ai eu un coup de coeur absolu pour ce roman qui m'a totalement bouleversée, et abordant une thématique très difficile, à savoir comment faire face à la disparition d'un proche lorsqu'on ignore totalement ce qui lui est arrivé. C'est ce que va vivre cette fratrie, et l'auteure réussit à rendre son roman des plus réalistes et avec une charge émotionnelle présente à chaque moment.

D'emblée, je me suis attachée à ces quatre frères et soeurs qui feront face à une terrible épreuve, et qui, bien que la douleur soit la même pour chacun d'entre eux, ils l'aborderont pourtant d'une manière très différente. C'est donc le parcours de ces quatre enfants vers l'âge adulte et qui doivent se construire avec cette absence que nous suivons. Ils ne cesseront de se demander ce qui est arrivé à leurs parents, et sans réponse, ils n'arriveront pas à faire leur deuil.

Le roman s'étale sur beaucoup d'années, et les personnages ont donc une réelle évolution, n'étant jamais statiques. Les sentiments de tout un chacun sont décrits par l'auteure avec une précision et un réalisme rares. Je ressors tout simplement bouleversée par ce récit fort.

La plume de l'auteure m'a conquise. Avec un style vif mais tout à la fois avec un sens du détail certain, l'auteure réussit à dérouler un roman dans lequel je ne me suis jamais ennuyée. J'ai beaucoup aimé son style, notamment caractérisé par l'insertion des dialogues dans la narration. Les passages alternent entre chacun des personnages, et à chaque fois, il y a une indication temporelle afin de pas se perdre.

Un roman bouleversant, dans lequel l'auteure excelle à décortiquer les sentiments de ses personnages face à la terrible épreuve à laquelle ils doivent faire face. À découvrir sans hésiter.
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1970. le temps d'une journée d'excursion en haute montagne, les Cotraz laissent leurs quatre jeunes enfants s'occuper de leur petite ferme. Malheureusement, surpris par un orage, les randonneurs disparaissent, confrontant les petits à une nuit d'angoisse. Pris en charge par l'oncle et la tante voisins de leur ferme, ils sont rapidement séparés. Les deux aînés, Marie-Pierre et Luc sont envoyés en pension tandis que Paule et Jean restent au village. Leurs angoisses et leur peine profonde restent le ciment de la famille, mais chacun des enfants connaîtra un destin propre que l'auteur nous dévoile par bribes, par petits sauts temporels, avec en toile de fond, la lancinante question des corps jamais retrouvés.
Agnès Laurent nous offre un roman émouvant doublé d'une passionnante saga qui, sur cinquante ans, dévoile la complexité des relations familiales rythmées par les joies et les peines, par les trahisons et les fautes, par les renoncements et les exclusions, par les secrets et les non-dits.
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critiques presse (1)
Lexpress
08 mars 2024
Un roman peut-il être à la fois naturaliste, teinté d’idéalisme et posséder les qualités d’une étude psychologique poussée ? "Un beau jour" prouve que tout peut se mêler, pour le meilleur.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
1970
Un matin de la mi-août
Marie-Pierre s’est réveillée tôt. Trop tôt. Un bruit l’a tirée du sommeil. Le ciel est encore sombre. De l’autre côté de la chambre, Paule respire doucement. Un mouvement dans la maison, peut-être. Luc dort, elle entend un léger ronflement à travers la cloison. Il a le sommeil si lourd que le matin, il est impossible de le sortir du lit. Régulièrement, Père est obligé d’intervenir, Luc résiste, Père le bouscule, parfois Luc se fait mal en tombant. Quand il se plaint, maman lui répond en soupirant, tu connais ton père.
Marie-Pierre entend un bruit de casserole en bas. Jean a dû réclamer son biberon. Il a tout le temps faim. Il est capable de pleurer jusqu’à ce qu’on lui donne un peu de lait, un bout de pain. Ça énerve Père, il trouve qu’il est trop gâté, comment voulez-vous en faire un homme si vous cédez dès qu’il pleurniche ? Il dit vous, mais c’est à maman qu’il s’adresse. Il voudrait qu’elle éduque Jean plus durement, à ce rythme, il ne sera jamais un montagnard. Maman ne relève pas, elle laisse pleurer Jean cinq minutes, puis part le consoler. Le plus souvent, Marie-Pierre lui a déjà donné un truc à manger.
Ce petit frère, c’est vraiment le sien, elle aime quand il la cherche dans la maison en criant Marie ! Il ne l’appelle pas Marie-Pierre, il n’arrive pas encore à le prononcer. Elle est ravie, elle déteste son prénom composé. Elle voudrait ne plus aller à l’école, s’occuper de Jean toute la journée, elle n’en a pas parlé, maman ne serait pas d’accord. Alors, quand elle rentre le soir, elle se précipite pour prendre le petit dans ses bras, elle touche sa peau douce et lui fait des bisous. Luc se moque d’elle, il trouve ça bête d’aimer autant un bébé. Au moins, je suis utile à maman ; quand il est avec moi, il s’arrête de pleurer.
Marie-Pierre ne se souvient pas comment c’était, le silence dans la maison, avant la naissance de Jean. Elle ne sait plus si Paule pleurait quand elle était bébé. Aujourd’hui, sa sœur ne fait jamais de bruit. Elle se faufile d’une pièce à l’autre sans qu’on la remarque, elle est la seule à descendre les escaliers sans les faire grincer, pas même la septième marche qui trahit tout le monde. Luc pense que c’est parce qu’elle a peur de Père, qu’elle essaie de se rendre invisible pour éviter les coups. Marie-Pierre rétorque que sa sœur est juste née comme ça, discrète. Même quand elle se fait mal, on ne l’entend pas.
L’année dernière, ils étaient montés dans les pâturages avec les vaches, Paule a voulu courir après Blanchette qui s’éloignait, elle n’a pas vu la pierre en bordure du champ, elle s’est cassé le bras. Tout le chemin du retour, elle a tenu son bras tordu contre elle. Elle souffrait, mais à aucun moment elle n’a laissé échapper un cri ou une larme. Quand ils sont arrivés à la maison, Luc et Marie-Pierre ont appelé à l’aide. Père est venu en courant de l’étable, maman est sortie en portant Jean. Le bras de Paule pendouillait dans une position bizarre, toute la famille criait sauf elle. Il a fallu aller à l’hôpital, le médecin du village ne pouvait rien faire. Ils ont regardé leur sœur partir avec Père, elle n’avait toujours pas prononcé un mot. Père a raconté plus tard qu’en voiture, chaque trou de la route lui faisait un mal de chien, mais qu’elle se contentait d’une grimace. Il en était fier, elle est costaude, cette petite, répétait-il. Luc et Marie-Pierre étaient jaloux.
Paule était rentrée avec un plâtre tout blanc qui lui couvrait l’intégralité du bras. Maman n’a pas voulu qu’ils écrivent dessus. Ça fera tout dégoûtant après, a-t-elle décrété. Paule s’est chargée de le salir en le traînant partout dans la ferme. Ils se sont vite rendu compte que ce n’était pas si marrant que ça d’avoir un plâtre, on ne pouvait rien faire tout seul. Maman était obligée de nouer les lacets de Paule, de l’aider à s’habiller. Même pour manger, il fallait lui couper sa viande et ses légumes en tout petits bouts. Ouh le bébé ! avait ri Luc un jour. Il s’était pris une claque sur la tête de la part de Père, j’aimerais t’y voir, toi. Paule avait mis du temps avant de récupérer l’usage de son bras. Il est resté un peu de travers. Les docteurs auraient pu s’appliquer pour le réparer.
Marie-Pierre attend encore un peu avant de sortir de son lit. Dès qu’elle sera levée, elle aura plein de choses à faire. Se laver, manger, ranger les chambres. Maman n’aime pas qu’on refasse les lits sans les aérer, il faut secouer les couvertures à la fenêtre, ouvrir les draps, puis tout remettre en ordre. Marie-Pierre se contenterait bien de tirer la literie, franchement, qui ça gêne quelques plis ? C’est lourd, toutes ces couvertures, ces édredons, maman ne se rend pas compte. Un jour, Marie-Pierre le lui a dit. Bien sûr que je le sais, a répondu maman, je le fais depuis tellement d’années. Marie-Pierre aurait voulu se défendre, ce n’est pas pareil qu’à ton époque, maintenant, on va à l’école, on a des devoirs en plus du travail à la maison. Elle s’était tue, si elle rouspétait encore, elle récupérerait deux fois plus de corvées.
Elle est contente de cette journée qui s’annonce. Elle a un peu peur évidemment, c’est la première fois qu’avec Luc, ils gardent les petits pendant aussi longtemps. Paule à la limite, ce sera facile, mais Jean, s’il se met à piquer une colère et à réclamer maman, qu’est-ce qu’elle fera ? Il a beau l’adorer, parfois, il ne veut rien savoir, il devient tout rouge, tape du pied, il n’y a qu’un adulte pour le calmer. Mais maman avait l’air si heureuse quand elle leur a parlé de cette randonnée, Marie-Pierre n’a pas osé partager ses craintes. Vous êtes grands maintenant, vous êtes raisonnables. Je compte sur vous. Et puis, ça passe vite une journée. Marie-Pierre s’est mise à rêver, ils pourront aller faire des glissades dans le champ derrière, ils pourront préparer un pique-nique et le manger au bord du torrent. Ou elle cuisinera un plat que maman ne veut jamais préparer, ou alors ils se goinfreront de fromage, de jambon, de pain. Il n’y aura pas leur mère pour leur dire, vous me videz tous les placards, ni Père râlant parce qu’ils coûtent trop cher. Ils pourront sauter sur les lits, courir dans les escaliers… Je compte sur vous, hein. Maman l’avait répété. Marie-Pierre avait compris que s’il y avait le moindre problème, ce serait sur elle et Luc que ça retomberait. Mais elle avait promis pour que maman parte tranquille.
Marie-Pierre pose un pied par terre. Le sol est frais. Hier, le soleil a cogné toute la journée sur le sol de la chambre, elle en sentait encore la chaleur en allant se coucher, elle n’avait tiré que le drap sur elle. La température a dû baisser dans la nuit, elle a repris la couverture sur ses épaules au matin. S’il ne fait pas très beau, les parents vont peut-être renoncer à leur balade. Elle rejoint maman dans la cuisine. Elle est devant la fenêtre, immobile. C’est rare de la voir comme ça. Marie-Pierre tire une chaise sur les carreaux pour signifier qu’elle est là. Chut, tu vas réveiller les autres. Maman s’est enfin retournée. Marie-Pierre voit du ciel bleu derrière elle, elle s’est trompée, la journée s’annonce belle. Vous partez à quelle heure ? Dans une heure. Commence ton petit déjeuner, il y a encore plein de choses à faire. Et toi ? Tu ne manges pas ? Si, si, bien sûr. Maman se force à prendre un bol de café et une tartine.
Marie-Pierre se rend bien compte qu’elle n’en a pas envie, elle n’avale quelque chose que parce que sa fille lui a dit qu’il ne fallait pas partir en montagne le ventre vide, s’il t’arrive un pépin, tu seras sans force pour y faire face. Père le répète sans arrêt. Même pour une petite randonnée, il vérifie que les clients aient de quoi manger. Et il emporte toujours quelques-uns de ces gros biscuits qui servent de ravitaillement d’urgence. Elle demande à maman si elle veut une autre tartine, elle peut lui beurrer même. C’est gentil, prends-en une, toi, la journée va être longue. Au ton de sa mère, Marie-Pierre sent qu’il y a un truc qui cloche. Peut-être que maman n’a plus envie d’aller faire cette balade, qu’elle craint le jugement de Père.
L’autre jour, elle disait à tante Andrée qu’elle ne savait plus depuis combien d’années elle n’était pas allée en montagne. Dix au moins. Plus que ça même. Elle a reparlé de cette fois où Marie-Pierre était toute petite, encore un bébé, elle l’avait laissée à sa sœur. Au début, tout allait bien, elle grimpait tranquillement derrière Père. Il prenait garde de ne pas avancer trop vite, elle n’avait plus l’habitude. Pourtant, à la maison, en plus du bébé, elle s’occupait des bêtes. Ils étaient à mi-chemin quand elle avait commencé à avoir mal aux pieds, elle n’avait rien dit de peur que Père se fâche. Elle avait continué en serrant les dents tant la douleur était forte. Père avait vu qu’elle peinait, il croyait qu’elle manquait de souffle, que ses muscles tiraient un peu trop. Il avait ralenti, il allait de plus en plus lentement, elle souffrait de plus en plus. Au sommet, ils s’étaient arrêtés, elle avait voulu enlever ses chaussures, il le lui avait interdit, tu sais bien qu’il ne faut jamais les retirer, sinon, on ne peut plus les remettre. Elle ne l’avait pas écouté, elle avait quitté ses chaussettes, elle lui avait montré ses talons qui n’étaient plus qu’une ampoule géante. Des brins de laine rouge de sa chaussette étaient restés collés dessus. Mais je te l’ai dit, de porter tes chaussures plusieurs fois avant aujourd’hui, tu ne l’as pas fait ?
Il était furieux. Elle n’était pas idiote, mais son univers quotidien se résumait à quelques pas de la chambre de Marie-Pierre à la cuisine, de l’étable au lavoir, il en fallait plus pour casser des chaussures de marche. Père s’était calmé, il savait qu’ils allaient avoir un sérieux problème pour redescendre, il lui avait mis des bandes pour limiter le frottement entre la peau arrachée et la chaussette, ça ne suffisait pas, elle avançait tout doucement, il la soutenait par le bras quand il le
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Paule et Jean rient de voir Belle se comporter comme une folle. Tu crois qu’elle va s’échapper, hein, hein ? Luc, lui, est devenu sérieux, il a compris qu’il y a quelque chose d’anormal, les animaux, ça ne trompe pas. Il s’approche de Marie-Pierre, la dernière fois que je l’ai vue comme ça, on a eu un sacré orage. Sa sœur secoue la tête, impossible, tu as vu le ciel. Regarde mieux, lui crache Luc, et tu comprendras. Il lui montre des petits nuages gris très hauts, qui s’entassent derrière la montagne. Tu vois, ceux-là, dans une heure ou deux, ce sont des éclairs et de la pluie. Marie-Pierre est tentée de rire, son frère n’y connaît rien à la météo, mais il a l’air tellement sérieux, il n’est pas du genre à s’inquiéter pour rien. Elle frissonne, elle pense aux parents, un peu, pas longtemps, de toute façon, elle ne peut rien faire pour eux, elle ne sait même pas où ils sont partis, elle regrette de ne pas avoir été plus attentive quand ils en parlaient ce matin.
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Il n’y a plus de maman, plus de père, ni même de Luc et de Marie-Pierre. On les a envoyés loin. Quand ils reviennent de leur école, ils ne ressemblent plus à son frère et à sa sœur. Il ne reste que Jean. Et lui ne comprend toujours pas, il sent juste qu’il lui manque la chaleur de sa mère. Il pleure souvent, d’abord doucement, les larmes glissent le long de ses joues, puis les sanglots se font plus profonds, il finit dans de grands hoquets, il s’en étouffe. Lorsqu'elle est là, Paule le prend dans ses bras, le cajole le temps qu’il se calme, il sent bien que les bras ne sont pas aussi grands que ceux dans lesquels il a passé ses premières années, la poitrine n’est pas aussi tendre. La maîtresse ne sait rien de tout ça, personne ne sait rien de tout ça. p. 76
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