Ma soeur m'a parlé d'Eloi Laurent, alors je me suis tout de suite mis à lire ce petit bouquin que j'avais dans ma bibliothèque. Avertissement : c'est un économiste très engagé à gauche (ça ne m'étonne pas de ma soeur !). Mais la première partie (la mythologie néolibérale) est excellente. Tout d'abord les différents courts chapitres qui la compose sont de vraies idées, partagées par de nombreuses personnes, plutôt libérales ou issues de la droite du bon sens (bonne gestionnaire). L'auteur trouve de très bons arguments. le principal c'est que "la France est un pays riche". Et il serait sûrement d'accord avec la phrase : "le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue". Il y a un vrai débat entre les économistes libéraux et les autres, souvent "attérés" par les premiers. C'est passionnant, surtout quand celui qui écrit a le mérite d'avouer les limites (c'est le cas de le dire) de sa vision. Ainsi Eloi Laurent admet que oui, il y a un risque d'appauvrissement relatif des français. Mais il l'assume totalement car c'est le prix à payer pour plus d'égalité et de bien-être pour tous. A ses yeux c'est ça qui compte, pas la compétition mais la solidarité, le fait de travailler ensemble pour résoudre les crises de notre temps. Il y en a deux principales : la crise des inégalités et les crises écologiques.
Pour résoudre ces crises, il faudra des normes, des taxes et des contraintes, mais cela stimulera la créativité des agents économiques. Je suis assez en phase avec cette vision optimiste même s'il faut accompagner ces évolutions car tout le monde n'a pas les mêmes facultés à s'adapter. Les changements liés au quotidien, au cadre de vie notamment peuvent déclencher de nombreuses réactions de rejet. On peut dénoncer cela comme étant un repli identitaire mais je pense qu'il s'agit de quelque chose de profondément humain. C'est dans la deuxième partie (la mythologie social-xénophobe), que cet argument du camp adverse est cité. Selon
Robert Putnam, "plus la diversité « raciale{5} » grandit, plus la confiance entre les individus s'affaiblirait." Il me semble que cette notion est basée entre autres sur la psychologie sociale et évolutionniste. Mais l'auteur se contente de la balayer d'un revers de main : "Ces hypothèses de travail politiquement douteuses sont loin d'être empiriquement avérées et paraissent très fragiles quand on les examine de près."
Déterminé à gagner le combat économique, l'économiste se fait politique en considérant à juste titre que la bataille doit se gagner en amont sur le terrain des idées. Et ça lui va bien car Eloi (l'élu) veut réenchanter l'économie, "s'atteler à la construction de nouveaux récits communs positifs, dans l'esprit de la mythologie grecque, où la raison et le rêve, sur un pied d'égalité, se nourrissent mutuellement pour donner sens à l'existence humaine. Vaste et beau programme." Programme vaste et beau, comme lui et son égo. Auteur ni sympathique ni réellement convaincant en ce qui me concerne. Mais il est vrai qu'il aurait fallu plus qu'un pamphlet pour vraiment rentrer dans l'argumentation. le monde des idées (économiques) est malheureusement assez superficiel. Les mythes sont des récits longs et complexes. Ici on a plutôt l'impression de voir les deux camps se renvoyer des idées courtes plutôt que de beaux échanges. Au moins Eloi Laurent est il dans le camp du bien, c'est déjà ça.