Tout commence par la physique et même par le Big bang : l'origine de la vie, de la Terre et peut être d'autres planères, des continents et des océans, des formes de vie simples et complexes autour de nous, des tunnels qui traversent la montagne et de tous les artefacts humains ont pour point de départ la rencontre de corps ; de ces premiers corps que sont les particules élémentaires, photons, neutrons, protons, positrons qui entrent en collision pour devenir autre chose et donner naissance à l'univers en expansion. Sans cette rencontre de corps, qui constituent des obstacles les uns pour les autres, nous ne serions pas là pour philosopher à ce propos.
L'obstacle est au coeur de la vie, il est fondateur du réel à toutes les échelles : de la géologie à la biologie, au fonctionnement des sociétés humaines et à la psyché humaine. La vie est une affaire de corps qui se rencontrent et sont des obstacles les uns pour les autres : de la racine de l'arbre qui s'insinue dans la terre et contourne la roche, de l'animal qui rencontre le corps de sa proie et l'absorbe, de la pierre qui éclate au contact répété de la glace, de la volonté de l'enfant qui rencontre l'obstacle du "non" émis par son parent, de la rencontre du corps de l'autre qui ouvre à la conscience de soi, dans le contact des chairs animées par le désir...
" Il y a un monde, des corps se sont rencontrés et se rencontrent encore, ils se font par moments obstacles" (page 37)
Le monde est rempli de formes qui font obstacle : les montagnes, les océans, les forêts, les déserts. Rien n'est vide. La nuit ou la distance sont aussi des obstacles. Les humains dans leur volonté de dominer la nature et de lever les obstacles en créent de multiples : l'autoroute est un obstacle pour le promeneur et le cerf. le barrage est un obstacle pour le poisson migrateur comme pour le limon qui venait enrichir les terres d'aval. Les voitures sont des obstacles les unes pour les autres, comme les voies qui s'entrecroisent en carrefour. Les quartiers de nos villes séparent les riches et les pauvres de part et d'autre d'une voie ou d'une ligne de chemin de fer. Les murs qui se construisent partout dans le monde sont des obstacles aux migrants. Les frontières ne sont pas essentiellement des obstacles naturels mais des lignes de partage sur lesquels les Etats se sont mis d'accord ou qu'ils contestent, comme le montre l'actualité récente, et qui deviennent des fronts. Les Etats sont arrêtés par d'autres Etats plus que par des obstacles naturels.
Tous les obstacles sont-ils surmontables ? Les verbes sont nombreux dans le texte sur la façon de faire face à un obstacle on peut le surmonter, le contourner, l'éviter, le traverser, le transpercer, s'insinuer, le sauter, le survoler, l'aplanir, le polir, le détruire. Les êtres vivants ont fait toute sorte de choix face à ce problème. L'être humain fait souvent le choix des moyens qui permettent de faire disparaitre l'obstacle en tentant d'effacer l'irrégularité de la terre.
La liberté n'est pas ce qui supprime tout obstacle à notre spontanéité : le scandale n'est pas l'obstacle que le monde met à notre liberté (car la liberté doit être juste pour se justifier) mais que j'anéantisse l'autre par le meurtre et que j'anéantisse le monde qui me fait obstacle. Etre libre ne s'accomplit que par l'action juste.
Quelles pistes face à tous ces constats et des débats pour une humanité confronté des défis qui n'ont jamais été si grands? quelle relation au vivant, au reste du monde ? quelle relation à la technique? comment réinsuffler du sens et de la liberté humaine?
Les réflexions que j'ai pu retenir sont de plusieurs natures. Voici ce que je retiens à la fin de la lecture : donner sa voix au monde non humain dans un dépassement de la démocratie, penser une séparation de l'homme et de nature qui peut exister sans nous, revoir nos attentes et nos conceptions du rôle de la technique, retrouver le sens d'une vraie liberté (cf plus haut), retrouver le sens des confins et des limites dans la sobriété, apprendre à se tenir droit, à rester et à résister.
Débordant de la posture philosophique et le champ éthique, l'auteur conclue en valorisant les actes de résistances (type Occupy Wall Street ou ZAD etc. ) face aux Etats englués dans leurs intérêts et leur contradiction et incapables de mener des actions réelles. Il me semble qu'il oublie qu'entre ces deux termes, il y a la majorité de la population de nos sociétés démocratiques dont les pressions l'égard des Etats sont aussi de nature contradictoires. Ce n'est pas seulement les Etats le problème mais notre propre enfermement dans nos modes de vie.
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La technique a cependant acquis une puissance de destruction sans commune mesure avec celle des animaux et donc plus proche de celle des phénomènes naturels; Elle détruit, d'abord, en transformant : les ressources minérales ou vivantes sont exploitées pour la construction, le chauffage, l'industrie, etc. Ensuite, et dans le même mouvement , elle détruit parce que tout activité humaine prend de l'espace d'une manière bien plus radicale qu'elle ne prend du temps: or, si le temps n'est sans doute pas, ou plus, une ressource indéfinie, l'espace habitable a toujours été fini : ses limites sont celles de la Terre. Prendre de l'espace, c'est donc toujours le coloniser en même temps qu'on le maitrise, et détruire ce qui s'oppose à cette extension.... A la déforestation par le feu, l'assèchement des marais et l'endiguement s'ajoute la vaste entreprise du terrassement : celui-ci déblaie les reliefs et remblaie les creux, afin d'obtenir un espace dont la régularité s'accomplit dans une couche de bitume.... Cet écoumène en majorité aplani est aussi celui des lignes et des voies, impliquant la destruction de tout ce qui ralentit la circulation des flux d'hommes ou de marchandises, dans les limites de ce qui est techniquement et juridiquement possible"
C'est pourquoi ce que nous percevons, ce sont des choses qui ne dépendent mais entièrement de nous, mais font toujours sens pour nous : elles indiquent aux sujets incarnés que nous sommes des possibilités de mouvement et d'action. Nous sommes ainsi "en station" au milieu des choses, et cette tenue est indissociable de notre motricité. De même que l'animal n'est pas mû par des stimulus, mais par des exigences vitales, nos projets polarisent le monde, l'orientent, mais n'en décident pas : le monde reste l'horizon irréductible du sujet, transcendant toujours, par le simple fait d'être là, sa propre apparition.