La femme eut désormais dans l’art sa chapelle. Elle cessa d’être l’Eve nue, pour devenir l’Ève habillée; elle fut l'héroïne, l'idole et la victime; elle fut toute la femme quelle était dans la vie. Elle ne se montra pas ingrate d’ailleurs : elle, que son peintre avait remise en possession du royaume des cœurs, le récompensa en le menant vers la gloire.
Ce n'est qu'au Salon anversois de 1855 que, pour la première fois, apparaît la femme, une aimable petite personne se chauffant les pieds à la flamme rose du feu. Un gentil roman se conjecturait : la dame vient de rentrer; dehors, il pleut ou il neige, et les mains qui ont eu froid à travers le manchon, les joues mordues par la bise, le corps qui se détend dans la tiède chaleur de la pièce, tout semble dire : « Il fait bon chez soi ! « Chez soi était le titre du tableau. Le morceau était discret, spirituel, moderne par la robe, le visage et l’accent. Un parfum subtil, le parfum à la mode du temps, Chypre ou patchouli, effluait, se répandait comme lame volatile de l’appartement. La volupté déjà y trouvait son compte. Le monde féminin, ainsi entrouvert, ne se fermera plus. Grand applaudissement pour l'artiste : le voilà dans la lumière; il n’a pas trente ans; son roi le décore.
La photographie nous prouve que l’art est bien supérieur à cette admirable invention ; si même elle trouvait la couleur, elle serait encore inférieure à la peinture.
Les grands artistes contestés par leurs contemporains ont toujours eu quelques adeptes qui les ont réconfortés dans leurs déboires.
Un beau tableau dont on admire l’effet à distance doit également supporter l'analyse quand on le regarde de près.
Vidéo de Camille Lemonnier