Les Français n'aiment pas la nouvelle comme genre littéraire, paraît-il.
Maurice Level est l'exemple frappant du nouvelliste dédaigné, plongé dans les oubliettes des bibliothèques, alors qu'à l'étranger, il a été, et l'est toujours, traduit aussi bien en Espagne, en Italie, en Turquie ou encore au Japon.
Des tentatives de reconnaissance sont tentées, notamment par
Jean-Luc Buard qui réédite confidentiellement une partie de son oeuvre et a dirigé le Dossier
Maurice Level pour le numéro 81 de la
Revue Rocambole.
Dans l'éditorial de cette revue, on peut lire :
Le fait est là : Level est au cimetière des lettres, sa tombe n'est pas entretenue et les inscriptions en sont effacées, illisibles. C'est un écrivain en déshérence. C'est un échappé par la trappe de l'histoire littéraire. Il a eu un grand tort, celui d'écrire pour les journaux et les magazines ; non seulement ces supports sont dévalués dans la hiérarchie éditoriale, mais ils disparaissent des bibliothèques de conservation.
Il est vrai que les journaux et les magazines ne sont guère collectionnés, et lorsque leurs propriétaires décèdent, la plupart du temps ces vieux papiers finissent dans des déchetteries ou au feu.
Heureusement il existe quelques passionnés qui proposent via des sites de mises en ligne d'ouvrages numériques dont Ebooks Libres et Gratuits, que je ne saurais trop vous conseiller de visiter.
Les vingt-six nouvelles qui sont présentes dans
Les portes de l'Enfer, reflètent bien cet imaginaire souvent intimiste, dans une plongée sous apnée de l'angoisse,
la peur, l'effroi, la frayeur, le frisson, la terreur avec parfois un soupçon de fantastique.
Les personnages sont quasiment tous issus du prolétariat, des ouvriers, des pauvres, des chemineaux, des paysans, des prisonniers ou délinquants, des cabossés et déshérités de la vie. Ils peuvent être jeunes toubibs, comme dans le droit au couteau, mais ils tirent le diable par la queue et sont inexpérimentés.
Des thèmes reviennent souvent, comme la jalousie, souvent justifiée, la cécité, les drames de la misère, et l'épilogue ne peut qu'être douloureux, même si cela confine à l'humour noir comme dans Mes Yeux, surnom donné à une jeune fille qui veut se rendre sur la tombe de son ami, exécuté car assassin. Et elle vend son corps afin de pouvoir disposer quelques fleurs sur l'emplacement où est enterré son ami, dans le carré des indigents. La dernière phrase que je me garderai bien de dévoiler est assez féroce.
Ce sont les plus pauvres qui sont les plus généreux. Cette assertion trouve son sens profond dans Illusion, alors qu'un mendiant, qui vient de recueillir quelques piécettes, donne un peu d'argent à un autre mendiant qui possède un chien et surtout qui est aveugle. Il va même jusqu'à lui offrir un repas, mais ne mange rien lui-même car il vient de dépenser son dernier sou.
Level est moins connu que
Maupassant, et pourtant il a écrit de très belles pages, ne négligeant ni l'humanisme ni l'aspect sociologique. Des nouvelles noires, percutantes car courtes, et qui trottinent dans la tête longtemps après leur lecture.
Sommaire :
Sous la lumière rouge
Soleil
Le droit au couteau
Le coq chanta
L'horloge
Le mauvais guide
Fascination
Circonstances atténuantes
Le puits
Le miracle
Le disparu
Le baiser
Le rapide de 10H50
Illusion...
Un savant
Mes yeux
L'encaisseur
Les corbeaux
Un piquet ?
Sur la route
Le coupable
Le mendiant
Confrontation
La maison vide
Un maniaque
Le père
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