Paris, 1313. Andreas
Saint-Loup est un apothicaire de talent, passionné par les livres, pétri de sciences, libre penseur, portant un regard ironique sur tout ce qui tourne autour de la religion, lui qui, abandonné à la naissance, a pourtant été recueilli par un chanoine et élevé dans un couvent et qui a, jadis, effectué le pélerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Un matin, alors qu'il descend les escaliers qui mènent de sa chambre à sont apothicairerie, il découvre une porte, ouvrant sur une pièce vide dont il avait complètement oublié l'existence… Et que dire de ce tableau qui le représente aux côté d'un grand vide où aurait dû se trouver une autre personne… mais qui ? Et pourquoi ne s'en souvient-il pas ? Afin de le découvrir, il se lance, avec son apprenti Robin, dans une véritable quête spirituelle qui les mènera sur les routes de France, vers l'Espagne et Saint-Jacques, en tentant d'échapper à des mystérieux cavaliers qui le poursuivent sans relâche, semant la mort autour d'eux.
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L'Apothicaire », c'est une véritable épopée, aux multiples rebondissements, alliant un fond historique réellement bien documenté et bien construit, de nombreuses réflexions philosophiques (sans pour autant que cela soit barbant) et un brin de fantastique. J'avais un peu peur de m'ennuyer en entamant la lecture de ce roman, les romans historico-philosophico-religieux, ce n'est en général pas mon fort… mais celui-ci est réellement très prenant !
L'intrigue est réellement dense et haletante, soutenue par le fond historique qui donne corps et réalisme à l'histoire, alors qu'elle revêt en elle-même une bonne part de fantastique. On est complètement immergé en plein 14e siècle grâce aux descriptions précises et très réalistes et Andreas croise la route de nombreux personnages historiques : Jacques de Mollay, le templier déchu, Guillaume de Nogaret,
Maître Eckhart, l'inquisiteur Guillaume Humbert, et j'en passe… Outre l'aspect historique qui donne du corps au récit, la construction du celui-ci est elle-même très intéressante : deux récits de déroulent en parallèle au début du roman, celui d'Andreas et celui d'Aalice, une jeune occitane ; on sait qu'ils vont se rejoindre à un moment ou à un autre, et le fait d'attendre quand, comment et pourquoi, crée un effet de suspense qui s'ajoute déjà aux nombreux moments où l'auteur interrompt l'intrigue pour laisser laisser le lecteur en haleine.
Et justement, une des grandes qualités de ce roman, c'est le talent de son auteur :
Henri Loevenbruck manie habillement la langue française, il utilise un style soutenu et pourtant aisément abordable, où se mélangent, dans un tout très cohérent, vocabulaire scientifique, philosophique, langage populaire, occitan, vieux français, latin (le mien est un peu rouillé et la version audio n'en traduit pas les passages, flûte…)… Une vraie mine d'or pour les amoureux de belles lettres ! le narrateur, à la manière des conteurs d'autrefois, commente son récit, interpelle son lecteur, lui signale quand qu'il va faire une digression ou une pause dans l'histoire pour parler d'autre chose ou quand il acculèrent son récit. J'apprécie beaucoup cette manière d'envisager le rôle du narrateur omniscient ! Surtout que celui-ci, à l'instar d'Andreas, dont il nous raconte les aventures, manie habillement l'ironie et la critique savamment déguisée.
J'ai réellement pris beaucoup de plaisir avec ce roman, tellement riche et si bien écrit. Et, contrairement à ce que j'ai pu lire dans d'autres critiques, la fin est à la hauteur du reste du récit, il n'aurait pas pu en être autrement…
(Note sur la version audiolivre : la lecture était excellente, réellement expressive, avec une diction parfaite. Seul petit bémol : pourquoi diantre fallait-il que le Grand Inquisiteur ait une voix aussi efféminée ?)