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EAN : 9782081241855
159 pages
Skira (01/09/2010)
5/5   1 notes
Résumé :
Dans "À la recherche du temps perdu", l'écrivain Bergotte redécouvre un des ses tableaux préférés, la "Vue de Delft" de Vermeer, grâce à la lecture d'un article " Enfin il fut devant le Ver Meer (...), il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. (...) "C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer pl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
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Une rencontre entre art et littérature : cela pourrait simplement s'appeler « conter l'art ou conter la peinture ».
Cet excellent livre publié par le musée du Louvre donne la parole à 22 auteurs pour écrire un court récit sur une oeuvre appartenant au musée : beaucoup de tableaux, mais également des sculptures, une parure d'impératrice, ou même le Code de Hammurabi roi de Babylone.
Ces récits sont tous excellents. Je donne ci-dessous trois très courts extraits de textes parmi mes préférés. Mes choix ont, évidemment, porté sur la peinture.

Catherine CUSSET : le testament d'Hendrickje ; sur la toile « Bethsabée au bain tenant la lettre de David » de Rembrandt, 1654. Dans ce tableau la servante de Rembrandt, Hendrickje Stoffels, servit de modèle au maître hollandais.

« J'avais vingt-trois ans et balayais la neige devant la porte de la Sint Anthoniesdijk quand un homme s'est arrêté près de moi : « Qui est-tu ? Que fais-tu là ? » J'ai levé la tête. En cette seconde où nos regards se sont rencontrés, ton âme a touché la mienne. Je n'ai pas vu le vieil homme au manteau élimé qui n'avait pas l'air d'être le maître des lieux en voyage à Leyde, le seigneur Rembrandt, le peintre renommé dont les oeuvres ornaient les murs de la maison, le veuf élevant un orphelin. Je t'ai vu, toi. Je n'ai pas baissé les yeux. J'ai rougi et j'ai répondu : « Je suis la servante. Je m'appelle Hendrickje Stoffels. « Tu m'a ôté le balai des mains et l'as posé contre le mur de la maison. « Viens donc, Hendrickje Stoffels. » Ta voix riait. Elle se moquait, sans méchanceté, de mon sérieux et de ma timidité. Je t'ai suivi dans la maison sans savoir où tu m'emmenais. Je t'ai suivi sans penser que tu étais mon maître et que tu avais l'âge de mon père. Je t'ai suivi à l'étage ou Geertje m'avait interdit d'entrer, même pour nettoyer. Mon corps tremblait mais je n'avais pas peur.

Agnès DESARTHE : le cheval pie ; sur la toile « le cheval pie » de Paulus Potter, 1653
Une jeune fille doit s'occuper de l'enterrement de Tonton Achille. L'officine des Pompes funèbres lui demande de se rendre dans l'appartement du mort et de trouver un indice afin de lui rendre un dernier hommage. Elle ne trouve qu'une carte postale sous le lit.

« Je sortis la carte postale de ma poche et la lui tendis, penaude.
« Asseyez-vous, me dit-elle en examinant la carte. C'est très intéressant. le Cheval pie », dit-elle en détachant les mots. « le Cheval pie » répéta-t-elle d'un ton plus songeur.
« Il devait aimer les animaux », hasardai-je.
Elle secoua la tête : « Je ne pense pas, fit-elle avec douceur, qu'un amoureux des animaux aurait choisi Paulus Potter. »
Elle fit glisser la carte postale vers moi : « Regardez, dit-elle. Regardez comme il est moche cet animal. Pauvre cheval, ses naseaux sont tout tordus. »
« Paulus Potter, déclama l'employée des Pompes Funèbres lorsque nous nous retrouvâmes au cimetière le lendemain, d'une voix claire et étrangement forte, Paulus Potter, répéta-t-elle, comme si ç'avaient été le nom du mort. Il faut croire que la solitude et la laideur ont quelque chose de sublime, disait-elle. »
Les bras légèrement décollés du corps, elle se balançait d'avant en arrière et chantait, plus qu'elle ne récitait, un genre d'ode à l'insignifiance, à l'approximation, à l'ordinaire, à l'élégance qui accompagne parfois le manque absolu de talent. Tout en peinant à suivre les développements complexes et les articulations déconcertantes de son exposé, je sentais mon coeur éclore, pareil à un pavot géant, et des larmes, que je n'avais pas prévu de verser, m'emplirent les yeux. M'eût-on interrogée à cet instant, je n'aurais su dire sur qui, ni sur quoi je pleurais. Sur le transitoire de l'existence, sur la maigreur de mes amours, sur l'oubli qui, mieux que la terre, soustrait les morts aux vivants. »

Gila LUSTIGER : La vénus impudique ; sur la toile « L'Odalisque » de François Boucher, 1745

« « Oui, pensent-ils, seule une fille du peuple, aussi jolie que vulgaire, pouvait avoir l'effronterie de montrer ses fesses, des les proposer, ou carrément de les imposer au regard du spectateur. »
Mais ce sont avant tout des bavassages de gens qui, bien qu'ils aient des yeux, ne voient rien. Car s'ils voyaient, s'ils m'observaient réellement comme je le mérite, l'élan du peintre les effleurerait encore à la manière d'une brise chaude. Ils sentiraient encore son ravissement et sa gaieté… Avec qu'elle assurance il a mélangé l'ocre, l'oxyde de fer, la craie, le blanc de plomb et le minium, avec quelle ardeur il a plongé ses pinceaux dans les pigments, avec quelle volupté il a disposé les couleurs en couches successives. Car il m'a créée ainsi : couche après couche, modelant mon corps d'ombres clairs, couche après couche, il a caressé ma peau luisante. Oui, s'ils me contemplaient avec toute la passion dont ils sont capables, ils s'écrieraient : « Ce n'est pas là l'oeuvre d'une pauvre créature malheureuse et amère, mais l'oeuvre d'un homme amoureux ! » »

Le Louvre invite souvent des écrivains pour commenter oralement des oeuvres sur place. Il devrait les transformer plus souvent en recueil de nouvelles comme celui-ci pour le plaisir des amateurs d'art.

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
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Anne-Marie GARAT : Dames chinoises sous l’abribus ; sur le tableau « Coupe de cerises, prunes et melon" de Lubin Baugin, 1633

Ce sont les dames chinoises ! Celles-là, je les connais : ce sont les jumelles. Ainsi je les nomme car en tout point elles se ressemblent : taille et carrure petites, vêtues de pantalons étroits, de mêmes blouses noires, cheveux blancs lissés en bandeaux. Je les vois parfois, à l’ouverture du square, venir faire leur tour d’exercice matinal, elles sont très vieilles. Elles ne courent pas. Elles glissent du chausson à petit pas pressés – pas même en chaussures de sport, comme les jeunes joggeurs du square -, en sandales de satin à brides, et elles se hâtent, elles se poussent vaillamment de l’avant, coude à coude, se propulsent dans un mouvement lent – on dirait un ralenti de cinéma qui développe leur course sur place, pourtant elles avancent. Elles font plusieurs fois le tour extérieur, avant de rejoindre les plus jeunes à leur séance de « tai-chi » près du kiosque.

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Videos de Henri Loyrette (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Henri Loyrette
Les femmes sont omniprésentes dans l'oeuvre de Degas, qui aime surprendre l'étirement d'une danseuse, le bâillement d'une repasseuse fatiguée, le glissement d'un bas en train d'être enfilé… des gestes intimes bien éloignés de son quotidien de célibataire endurci ! Henri Loyrette, historien de l'art spécialiste de Degas, se penche sur le rapport paradoxal qu'entretient l'artiste avec les femmes, entre misogynie et respect.
Plus d'informations sur l'exposition «Degas en noir et blanc. Dessins, estampes, photographies», jusqu'au 3 septembre 2023 – Site François-Mitterrand : https://www.bnf.fr/fr/agenda/degas-en-noir-et-blanc
Retrouvez Edgar Degas sur les Essentiels de la BnF : https://c.bnf.fr/RZi
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