Une ode aux bibliothèques tout en délicatesse, écrite en réaction aux nuits de violence de 2018, durant lesquelles trois médiathèques de quartier avaient été mises à feu. Cette fascination de certains pour "la culture flambée" peut être reliée, selon Sophie G. Lucas, au brasier fondateur qui ravagea celle d'Alexandrie... Ce sentiment de fragilité qui étreint les amateurs de papier s'accentue encore par la peur croissante que le nombre de lecteurs s'amenuise, et que le livre finisse par disparaitre. Au fil des entretiens et des visites Sophie G. Lucas, en résidence d'écriture pour le compte de la Bibliothèque départementale de Loire Atlantique, déroule les problématiques qui sont celles de ces établissements publics dont certains n'hésitent pas à remettre en cause l'utilité. Ainsi les Ideas Store qui fleurissent en Grande-Bretagne, justifiant la fermeture de dizaine de bibliothèques, ou les librairies Amazon, dont un économiste Américain disent qu'elles sont le seul avenir de la lecture publique. Alors qu'une récente étude laisse entendre que le public viendrait plus nombreux en médiathèque s'il pouvait y acheter des choses, hérésie qui fend mon petit cœur de bibliothécaire et dérive consumériste effarante, quel devenir pour ces lieux et les professionnels qui les font vivre ? Alors partout on cherche à conquérir de nouveaux publics, on part en quête de la formule magique qui augmentera statistiques de prêt ou de fréquentation, au risque parfois de perdre son âme... Cette dérive peut aussi être imputée aux usagers, qui se comportent désormais plus comme des consommateurs que comme des citoyens. En l'absence de loi les bibliothécaires sont donc contraints à exercer un lobbying permanent auprès des élus, dont la connaissance du service public est parfois bien aléatoire. Ce texte met bien en lumière les problématique d'un métier en perpétuelle évolution et se fait l'écho des préoccupations des professionnels, tout en soulignant les attentes d'une population dont les usages sont en pleine mutation.
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Ravie de cette lecture et d'avoir pu suivre le récit de Sophie g Lucas qui de par ses mots a réussie à me replonger dans mes souvenirs d'enfance, lorsque j'allais à la bibliothèque de ma commune tous les dimanches matin pour choisir puis dévorer les livres empruntés dès que je fût rentrée à la maison. L'odeur de ces lieux, ces livres m'est revenu et c'est un réel plaisir d'avoir fait ce petit tour dans le passé et de savoir mieux que jamais d'où me vient cette envie d'être de l'autre côté de la banque de prêts, bibliothécaire.
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Parce que l'on pense de plus en plus les territoires comme des ZAC (zones d'activités commerciales et non culturelles), des lieux de consommation, de loisirs. Et donc, nous, comme de simples agents économiques. Dans cette jungle, pourtant, les bibliothèques apparaissent comme des lieux de résistance. Des lieux gratuits. Des lieux où l'on peut penser. Si beaucoup de bibliothécaires protestent, c'est pour dénoncer des bibliothèques avec "moins de livres et plus de vide", la présence de plus en plus importante de trop d'écrans, et des méthodes, des critères, dictés par le marketing. (p. 35)
On n'est pas non plus, tous et toutes obligé(e)s d'aimer lire.
Et aussi effrayant que cela puisse me paraître, on peut vivre sans lire.
Et j'ai volé, oui, j'ai volé, ailes de papier et de feuilles d'arbres pour disparaître dans la forêt. On ne m'a toujours pas retrouvée.
On fait avec ce que l'on a reçu, l'héritage de sa famille, de sa classe sociale aussi. Les bibliothèques devraient pouvoir être un trait d'union vers d'autres livres de qualité, un relais, mais ne pas être censeures. (p. 53)
N'est-ce pas merveilleux ? L'éloge de la déambulation, de la curiosité, de la lenteur, de la disparition dans une bibliothèque.