AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,58

sur 180 notes
C'est l'histoire d'une tueuse, Aimée, mais aussi d'une rencontre.

Une meurtrière complètement larguée que rien ne saurait émouvoir, n'était justement cette fameuse rencontre évoquée pas plus loin que deux lignes plus haut.

La fille possède de la ressource mais surtout beaucoup de vice.
Et pour percer dans ce métier, ça peut toujours aider.

Ambiance petite bourgade totalement corrompue par ses élites, comme il en existe beaucoup.
S'il est plutôt aisé de s'y faire un nom, il devient plus délicat de vouloir s'en extraire.

Court, pêchu, totalement transgressif, ce Fatale, version lutte des classes, nous prouve que les anges, même noirs et exterminateurs, possèdent et un sexe et une conscience.

En très peu de pages, Manchette aura su brosser le portrait d'une société gangrenée par l'argent et l'entre-soi.
Un microsystème pourri jusqu'à l'os appelé à disparaître par où il a pêché.

L'orgueil empoisonne les âmes dit-on, il attise également les rancoeurs.
Fatale en est la parfaite illustration.
Commenter  J’apprécie          474
Je découvre Manchette avec ce livre. Je ne suis pas du tout un habitué des polars et cette Fatale lecture me le fait presque regretter. Mais davantage que les polars c'est peut-être l'auteur que j'apprécie.

D'abord pour cette écriture sèche, qui a sa rythmique propre, implacable. Et puis pour l'homme qu'il fut, ou que je devine qu'il fut, un rebelle, un anarchiste ? Certes, l'époque a changé, mais le constat n'est-il pas le même ? La petite société bourgeoise de Bléville, ici décrite, avec ses notables propres sur eux en apparence, mais dont les placards regorgent de cadavres en tout genre, a-t-elle disparue ? Ou bien ne sont-ce que l'activité portuaire et les usines des bourgeois petits qui s'en sont allées ?

Au milieu de ce cloaque parfumé à la bonne conscience, seuls les fous (le baron Jules) et les criminels sans scrupules (Aimée) sont lucides, pendant que dorment les faubourgs ouvriers. Des motivations de cette femme Fatale, on ne saura (presque) rien car Manchette n'ausculte pas l'âme. Ils posent les actes, les donne à voir et puis basta. Au passage il nous livre un peu (beaucoup) de lui...Et ça devait être noir là-dedans. Mais humain, finalement...
Commenter  J’apprécie          460
Je sors de la gare de Bléville, une odeur de mazout, de port et de morue pas fraîche m'étreint la gorge. A une ère où il n'était pas encore question de tri sélectif, des panneaux d'avertissement affichent ouvertement : « Gardez votre ville propre » ? Je déambule dans les embruns, des ruelles étroites zigzaguent sur mon plan de la ville. J'hume, j'inspecte, je renifle, des odeurs de pisse, des odeurs de clopes. Un bistrot ouvert dès 5 h pour accueillir les premiers dockers et leurs premiers blancs secs. Je m'engouffre dedans comme le vent sous la jupe des vieilles rombières.

Je me colle au comptoir, encore plus collant de la veille et de la décennie passée. de quoi rester scotcher pendant des heures. Un vieux juke-box au fond de la salle, sous un amas de poussière, comme des bijoux de famille qu'on ressort une fois l'an.

J'y vais de ma pièce de 1 franc, appuie sur la touche F puis 3. Cela commence par un solo de batterie, un air de jazz du temps, au vent marin, à l'étrangeté iodée. Je me recolle sur mon tabouret, skaï rouge craquelé. Un verre de bière devant moi, la mousse brute et lourde. Une nana est à l'autre bout, une jolie brune devant son Picon-bière. Genre Fatale, genre brune inoubliable, il y a des sourires qui ne s'oublie pas, celui d'une nana devant un verre de bière en fait partie.

Elle découpe des articles dans La Dépêche du coin. Des morts suspectes, des gens de la haute société, suspects eux aussi. de la pourriture provinciale en train de fermenter dans son jus. Ça chlingue à tout vent, la corruption et le pognon. Ça pue les rancoeurs et le cigare froid. En plus y'a ce parfum de Viandox qui te rompt les boyaux. Moi, je mettrais bien trois balles dans le buffet au connard qui a commandé un Viandox et qui embaume la salle. Je préfère encore l'odeur du souffre et de la sueur post-coït animal. du sang gicle dans ma tête, sur sa chemise, coule le long de ses aisselles masquant ses effluves de bourgeois affamé devant le gloussement d'une blonde au décolleté souriant. Trois détonations brutes, pas de silencieux, on n'est pas des tontons flingueurs.

Elle est belle, Aimée, elle est brune ou blonde, comme une bière, aussi dorée qu'un whisky même. D'ailleurs, j'aime les brunes qui boivent une blonde. D'ailleurs, ça fait des années que j'ai pas bu de Viandox… A l'époque cela devait être dans les années 70… Et en plus, Aimée boit du cognac, du Hennessy, made in Charentes. Quand tout à coup, la musique s'arrête, un hurlement dans la salle, le bruit d'un grizzly en rut ou d'un bison ensommeillé. Un cri dans la nuit : TOURNEE GENERALE DE VIANDOX !
Commenter  J’apprécie          410
« Gardez votre ville propre ! » Cette consigne est affichée partout dans Bléville mais elle semble ne s'appliquer qu'à l'entretien des rues. La bourgeoisie de Bléville, comme celles de toutes les villes de provinces, cache bien des vices sous un vernis de respectabilité. Adultères, corruptions, conflits, il suffit d'une étincelle pour embraser cette élite. Et cette étincelle se nomme Aimée. Aimée est un prénom d'emprunt. La jeune femme voyage de ville en ville, entre dans les milieux bourgeois et une fois adoubée, observe les individus et les conflits qu'il y a toujours entre eux et propose ses services de tueuse à gages. A Bléville, la conserverie de poisson est aussi pourrie que l'élite de la ville. Mais Aimée va rencontrer un autre énergumène : le baron Jules. L'homme vit en marge de cette société qu'il connait par coeur et qu'il rêve de détruire. Soyez certains que ce duo improbable va perturber la torpeur des soirées de bridge.
« Fatale » semble s'inspirer du roman de Dashiell Hammett « Moisson rouge ». Un étranger se rend dans une ville de province corrompue (BLEville ici, POISONville chez Hammett) et sert de détonateur pour détruire la délinquance des beaux quartiers. le livre est très politisé et marque clairement la frontière entre classes sociales, géographique aussi bien que mondaine. Les notables sont liés par une communauté d'intérêts : industriels, édiles politiques, médecins, évêque, policiers et journalistes. Mais cette bonne entente résistera-t-elle au scandale ? Aimée réserve un traitement très spécial à ces « gros cons ». Elle a initié sa première révolte contre le patriarcat en enfonçant un couteau de cuisine dans l'abdomen de son époux violent. Elle illustre parfaitement l'objectif de Manchette de « donner en spectacle (…) l'insatisfaction et les réactions violentes à l'insatisfaction telles que ces réactions s'expriment chez les impatients et les arriérés. » Refusé par la Série Noire, publié en « blanche » par Gallimard, ce roman court et percutant à la portée sociale et politique est d'une lecture agréable. Un Manchette, même quand il est en deçà de nos attentes, reste d'un très bon niveau.
Commenter  J’apprécie          280
De quoi s'agit-il au juste ? d'un conte horrifique, d'un règlement de comptes à caractère social ou de la chronique cynique et particulièrement noire de Bléville, cette ville portuaire florissante, fière de son glorieux passé historique, où règne une bourgeoisie éclatant de satisfaction, mais une ville gangrenée par "corruption, trafic d'influence, arnaques en tout genre et histoires de fesses, comme partout ".

Et que vient donc faire céans Aimée, la fatale Aimée, celle qui va déclencher la zizanie dans l'univers feutré de cette triomphante élite ?
Est-elle là pour le fric, pour supprimer des gros cons, parce qu'elle se sent une âme de justicière, ou pour tout cela à la fois ?

Il ne faut guère plus de quelques mots à Manchette pour caractériser les lugubres personnages qui émaillent son récit. Ainsi l'un a "des yeux bleu clair dans une longue tête dégarnie couleur de rosbif saignant", l'autre n'est qu' "une maigre blonde aux yeux pâles et aux longs cheveux pâles, avec des salières aux clavicules, dans une robe vert pistache informe" et le tout à l'avenant, avec une remarquable concision.

Manchette s'en donne à coeur joie dans le dégommage systématique d'une société corrompue d'où émerge la figure réjouissante du baron Jules, le seul personnage haut en couleurs et bigrement sympathique de cette sinistre foire dérisoire où les têtes vont tomber, telles des quilles dans un jeu de massacre !
Oui, elle est fatale Aimée.
Et Manchette est grandiose !
Commenter  J’apprécie          160
F comme femme, F comme fatale.
Merci à Max Cabanes et Doug Headline de nous avoir fait (re-)découvrir ce roman de Jean-Patrick Manchette : Fatale.
Leur BD nous avait tout simplement donné grande envie de (re-)lire le roman.
Voilà qui est chose faite : après les images, le texte intégral !
Un texte qui n'a pas pris une ride, c'est très étonnant avec l'avalanche de polars ultra-contemporains que l'on dévore chaque année : JP. Manchette, c'était une écriture très moderne qui vaut vraiment le coup d'être (re-)découverte.
C'est sûr, on ne va pas en rester là.
Pourtant aucune surprise après la BD : même histoire, même personnage de dame mortelle, même ambiance provinciale parfumé au venin chabrolien.
Hommes d'affaires ambitieux et véreux, chasseurs grossiers et ventrus, épouses dévouées à la carrière de leurs maris, flics compromis ou notaires concupiscents, … ce ne sont pas les proies qui manquent et le lecteur se délecte d'avance lorsque la dame (appelons la Aimée par exemple) débarque dans une nouvelle petite bourgade bien de chez nous. En bord de mer, Aimée semble nager comme un poisson dans ces eaux troubles agitées de passions, de haines, de fric, de sexe et de magouilles.
La BD est très très fidèle au roman mais pour une fois, les images accompagneront fort bien la lecture du bouquin et une fois n'est pas coutume, on vous les conseille dans cet ordre là : BD puis bouquin.
Jugez donc de la prose du bonhomme Manchette avec ce petit passage, très bel hommage, qui vaut assurément le détour :

[…] Elle était toute dépeignée. Ses cheveux blonds poissés de sueur lui collaient au crâne et pendaient sur son front et sa nuque en mèches humides, comme il arrive aux dames qui font l'amour pendant des heures d'affilée et de façon forcenée.

On regrette presque le côté anar de l'époque de JP. Manchette et parfois on aimerait qu'Aimée dise encore vrai :

[…] Ç'a été comme une illumination, tu vois, dit-elle au baron. On peut les tuer. Les gros cons on peut les tuer.

Pour celles et ceux qui aiment les femmes, même fatales.


Lien : http://bmr-mam.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          110
La remarquable, l'exemplaire concision de l'écriture de Jean-Patrick Manchette. Concise, mais précise. Sèche. Efficace. Inimitable. Une réponse à ceux qui (comme René Char) estiment qu'il y a "trop de sauce" dans les romans. Peu d'écrivains sont capables de faire entrer autant d'informations dans des phrases aussi brèves et aussi simples. Aux autres, les coquetteries. Un Flaubert moderne. Chapeau l'artiste ! Pourtant, ce style lui semble facile, naturel ; on n'y voit aucune trace de travail. J'ignore si c'est le cas.
Commenter  J’apprécie          90
Assez curieusement, ayant terminé il y a peu la lecture (enthousiaste) de « Mortelle randonnée » de Marc Behm, je suis tombé en compagnie de « Fatale » de Jean-Patrick Manchette sur une thématique vraiment très voisine, celle des tueuses en série. L'intention cachée révélatrice des choix de mise en PAL du lecteur n'est pour rien dans l'affaire, je ne savais rien de « Fatale » (même si le titre aurait du me mettre la puce à l'oreille), si ce n'est la présence de ce dernier dans la bibliographie de l'auteur ; je n'ai pas pris connaissance de la 4 de couv (et pour cause : la réédition lue en Omnibus Quarto de chez Gallimard sous le titre générique de « Romans Noirs » n'en présentant pas). le phénomène se trouble encore du fait de l'achat récent (hier) de «Les Seins de glace » de Richard Matheson dont le dos ne fait pas mystère d'une dynamique, là encore, semblable à celles des deux titres déjà cités. Par contre, ici, je n'ignorais rien du sujet, via le long-métrage de G.Lautner en 1974 avec Delon et Darc. Curieuse propension ponctuelle qui tend en rafale courte un lecteur vers certains sujets, ici le thème de la tueuse en série. Ce triptyque recense des titres qui ne sont pas récents (les 50's pour Matheson, 70's pour le présent roman, 80's pour Behm) et ignore les parutions récentes (le sujet est commercialement porteur) qui doivent abonder. Mais, par-dessus tout, il y a cette passion pour Manchette qui m'a poussé, n'en ayant pas lu depuis quelques temps, vers ce « Fatale » au titre prometteur.

Nous avons ici affaire à Aimée XXXX (peu importe le patronyme, elle en a tant d'autres sous la main, tous plus faux les uns que les autres), belle et attirante jeune femme (comme il se doit), qui a fait et va faire plein de misères à plein de gens pour plein de raisons. Reste à savoir pourquoi ? Si je vous convaincs de lire le roman il vous faudra en attendre l'épilogue, bien que certains pressentiments présagent très tôt de la solution.

Aimée emménage dans une importante bourgade de la côte Normandie (où personne ne la connait), une zone portuaire et industrielle qui agglutinent population bourgeoise et prolétaire un statu quo fragile. Elle est à pied d'oeuvre ; avant c'était ailleurs, dans d'autres cités semblables … mais toujours pour les mêmes raisons.

Un thème classique du roman policier est ici à l'oeuvre. Celui de l'inconnu, sorti de nulle part, que personne ne connait, qui débarque en ville sans motivation apparente et qui, peu à peu, embarrasse puis inquiète par les questions sans réponses qui jalonnent son sillage, par les actions troubles qu'il mène, qui crée l'inquiétude, la suspicion et bientôt le drame dans une bourgeoisie bien installée qui a bien des choses à se reprocher. Mais Aimée, dans le rôle de catalyseur, si elle ne dit rien de ses intentions comme le modèle l'impose, est bien différente : elle s'insinue en douceur, diplomatie et sensualité dans les beaux quartiers, sans vagues, pratique le bridge en bonne compagnie et l'équitation dans le club le plus huppé; s'insère dans les habitudes, les us de façade et celles souterraines de la politique, de l'argent et du pouvoir ; se fait adopter par sa gentillesse et sa bienveillance, par les potentialités d'entre-aide que l'on devine en elle. Elle observe, patiemment et prudemment, en coin de bois dans un rondin qui peu à peu se fendille et bientôt éclate, une classe sociale recroquevillée sur soi par des accords de circonstances et rongée par de vives mésententes larvées qui n'attendent que l'étincelle.

Aimée frappe … et simplifie le paysage social (Manchette donnera à un final d'apocalypse toute la puissance cinématographique de son style d'écriture sobre, rapide et plein de punch).

Le récit est très typé années 70's dans les intentions politiques (connues) de Manchette qui ne s'embarrasse pas de détails pour critiquer ce qu'il déteste, on le sent, viscéralement. On y retrouve (mais sans humour) l'atmosphère feutrée, délicieusement trouble et délétère de « Poulet au vinaigre » (1985) et « L'inspecteur Lavardin » (1986) de Claude Chabrol avec Jean Poiret. A l'égal du réalisateur, le dégout d'une certaine classe n'est pas loin, provinciale et feutrée. Manchette sait très bien nous y conduire. Il ne s'embarrasse que de peu de mots, juste des actes à peser.

Le roman est très court, brièveté délibérée, telle que décidée par l'auteur dans l'avant-propos de l'édition Quarto. Manchette s'oblige à l'action vive et rapide pour un effet choc, à des phrases coeur de cible percutantes. Comme d'habitude il ne dissèque rien des portraits d'hommes et de femmes qu'il met au premier plan ou dans l'ombre des seconds rôles. Au lecteur de juger.

En 2014, Cabanes proposera du titre une adaptation BD

Lien : https://laconvergenceparalle..
Commenter  J’apprécie          82
Jean-Patrick Manchette est un auteur qui divise, la preuve, c'est un auteur qui me divise. C'est tellement plus simple de critiquer un mauvais auteur, pas beaucoup plus difficile de critiquer un bon auteur, mais qu'en est-il de critiquer Jean-Patrick Manchette ?

Certains le vénèrent, d'autres le détestent, et moi, moi qui suis toujours le moins clair, moi, je suis victime de dichotomie, puisque je suis divisé.

Divisé, car, si vous me parlez de « Que d'os » ou « Morgue pleine », je ne serais pas loin de vous dire que Jean-Patrick Manchette est un génie (oui, j'en parle au présent même s'il est mort depuis trop longtemps, parce que, pour moi, un artiste ne meurt jamais), sauf qu'il ne peut y avoir qu'un seul génie de la littérature et Jean-Bernard Pouy occupe déjà ce poste et, qu'ensuite, le souvenir de mes autres lectures de l'auteur me retiendrait de m'enthousiasmer outre mesure.

Car, oui, les deux romans que je cite sont parmi les tout meilleurs que j'ai jamais lus. le personnage, l'histoire, le style... tout, tout m'a séduit.

Car, oui, la plupart des autres romans de l'auteur que j'ai lu m'ont, au mieux, ennuyé, au pire, vraiment déplus.

Et « Fatale » se positionne dans la seconde partie de la seconde partie.

En clair, oui, je suis déçu...

La déception n'est pas au niveau du scénario de base puisque le sujet pouvait donner un bon roman noir, violent, sanglant.

La déception n'est pas non plus au niveau de la concision du roman, c'est même une qualité, vu comme je me suis ennuyé, qu'il ne durât pas plus longtemps (oui, quand je m'ennuie, je conjugue à l'imparfait du subjonctif).

Non, la principale et probablement l'unique raison de cette forte déception réside comme souvent dans les romans de Manchette, dans le style...

Je ne comprends pas. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas.

D'une part, je ne comprends pas comment je peux être aussi partagé sur un auteur.

Ensuite, je ne comprends pas comment certains lecteurs (la plupart ?) ont pu aimer le style de « Fatale » que je trouve, personnellement, très, très mal écrit.

Enfin, je ne comprends pas comment Manchette peut à la fois écrire si bien et si mal.

Peut-être est-ce dû à la narration. Les deux romans que j'ai adorés sont écrits à la première personne. Ceux que je n'ai pas aimés sont, me semblent-ils, écrits à la troisième personne.

Peut-être est-ce là le noeud du problème.

Car, « Fatale » est mal écrit. Mal écrit au point que s'il y avait un roman à faire lire aux auteurs pour leur expliquer tout ce qu'il ne faut pas faire dans un roman, je citerais volontiers « Fatale ». Et pourtant, purée (oui, ce n'est pas le mot qui m'est venu naturellement, mais je sais contrôler mes doigts et ma pensée et demeurer poli même quand je suis énervé), purée, que j'aime Manchette. Car, ne serait-ce que pour avoir écrit les deux romans que j'aime, Manchette mérite le titre de grand écrivain. Oui, mais voilà. À côté de ça, je déteste la plupart de ses romans et je les déteste d'autant plus que j'ai adoré les deux romans que je ne cesse de citer en exemple.

Mais là ! Là ! non ! Trop, c'est trop (oui, j'en fais trop). Mon dieu (et pourtant, je suis athée et pas seulement parce que le temps c'est de l'argent et que je n'ai ni l'un ni l'autre devant moi), mon Dieu que ce roman est mal écrit de A à Z.

Mal écrit et mal construit.

Un exemple ? Bon, d'accord. Dès la première page :

On avait des fusils à deux ou trois coups, chargés de petit plomb, car c'était du gibier à plumes que l'on chassait. On avait trois chiens, deux braques et un setter gordon. Quelque part au nord-est il devait y avoir d'autres chasseurs, car on entendit le départ d'un coup, puis d'un autre, à un kilomètre de distance, ou un kilomètre et demi.

La succession de « ON » (« On » pronom imbécile qui qualifie celui qui l'emploie) indigeste.

« Car c'était du gibier à plumes que l'on chassait ». C'est moi où cette phrase est d'une lourdeur incroyable. On aurait pu dire « car on chassait du gibier à plumes » histoire de virer les « que » qui fractionnent la lecture et les phrases.

Jésus multipliait les pains (mais pas dans la gueule, lui, il tendait l'autre joue), Manchette multiplie les « car », les « que », les « on », les « Il y avait »...

Et puis, la multiplication des descriptions des personnages et de leurs gestes même quand cela n'apporte rien à l'histoire... surtout, quand cela n'apporte rien à l'histoire. Ce serait acceptable dans un roman s'étalant sur 600 pages. On se dirait que l'auteur veut faire un peu de remplissage pour atteindre la limite de pages imposée par son éditeur. Mais là !!! le roman est tellement court que si vous avez une soirée à perdre, ne lisez pas « Fatale », car, après sa lecture, votre soirée sera à peine entamée.

Bref, je ne m'étendrais pas sur ce roman que je n'ai pas aimé. Peut-être ai-je un problème avec Manchette. Peut-être lui en veux-je de n'avoir pas écrit plus de romans autour d'Eugène Tarpon, le détective des deux romans que je cite sans cesse, alors qu'il avait promis d'en écrire d'autres (alors, oui, il a pour excuse d'être mort, mais 20 ans après l'écriture du premier des deux romans que je cite sans cesse, alors, il avait bien le temps d'en écrire quelques-uns en plus).

Un livre, c'est une rencontre entre un auteur et un lecteur. J'ai dû louper ma correspondance et ainsi ne pas arriver à l'heure au rendez-vous. du moins, pas cette fois-ci.

Mais, vu tout l'amour que je porte aux deux romans que je cite sans cesse (oui, je sais, je dis que je les cite sans cesse alors que je ne cesse de ne pas les citer, mais les deux romans que je cite sans cesse n'ont pas pour nécessité d'être cités sauf pour ceux atteints de cécité), donc, vu tout l'amour que je porte aux deux romans que je cite sans cesse, je reviendrais vers Manchette, pour un autre rendez-vous, en espérant, cette fois-ci, être à l'heure.

Au final, un très court roman très mal écrit à mon sens, mais je pardonne à Manchette pour ses deux romans que...
Commenter  J’apprécie          84
L'histoire d'une tueuse qui va arriver dans une petite ville de province pour y semer de nombreux cadavres, mais bien sur c'est surtout une société bourgeoise, vérolé et sans scrupules qui va nous etre dépeint dans cette histoire.
Ne pas s'attendre à une enquête minutieuse après chaque assassinat ni même a en savoir beaucoup sur les raisons qui ont fait d'elle cette professionnelle de la mort sur commande.
Mais un roman sans fioritures sur un faux rythme qui dénonce les travers de la société sans s'encombrer de justifications mais qui pose un regard acide sur la mentalité des « élites » provinciales.
Lien : http://unpetitavisenpassant...
Commenter  J’apprécie          80




Lecteurs (419) Voir plus



Quiz Voir plus

Un coup de Manchette

"Le terrorisme gauchiste et le terrorisme étatique, quoique leurs mobiles soient incomparables, sont les deux mâchoires du même piège à cons" affirme avec sagacité un personnage de ce roman au titre nihiliste....

Jamais sans mon AK 47
Nada
Non, rien de rien
Nevers est contre tout

10 questions
30 lecteurs ont répondu
Thème : Jean-Patrick ManchetteCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..