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EAN : 9782021046052
250 pages
Seuil (10/05/2012)
4.6/5   5 notes
Résumé :
Mourir à soi, naître en Dieu, « percer dans le fond de l’âme »… L’intime chez Maître Eckhart n’est ni le secret ni la simple intériorité, mais une distance essentielle en l’âme qui permet à l’homme d’être à la fois uni à Dieu et présent au monde ? authentiquement humain. Cette expérience apparaît ainsi comme une expression privilégiée du détachement, objet principal de la prédication du théologien rhénan. Ouverte sur l’agir et non close sur elle-même, elle révèle en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Essai philosophique, sagesse, livre sérieux

- Comment :
J'ai croisé cet ange en vitrine de libraire. Ses ailes refermées, ses longs doigts empreints de spiritualité, son regard fixé de toute éternité sur l'infini de l'intérieur ont eu raison de ma raison. Plus tard j'ai été conforté par la belle citation de Nadejda, mais la rencontre avait déjà eu lieu. Il aura fallu une pleine année et demi de lente maturation pour qu'enfin je m'abandonne à cette lecture sérieuse avec l'appréhension confiante d'un saut en élastique sur base de ces simples mots : la profondeur de l'intime. Maître Eckhart, connais pas.

- Origine :
Maître Eckhart (1260-1328) émerge du moyen-âge époque souvent taxée d'obscurantisme pourtant ; de là et plus que jamais, il continue à nous éclairer. Rejoindre sa pensée exige donc la lente remontée de la marche immobile du temps sur plusieurs siècles. Ou faire l'expérience d'être seul dans une petite église romane à ce jour le plus performant véhicule construit par l'homme que je connaisse pour atteindre rapidement à la quiétude nécessaire à se rapprocher de soi. L'art roman du détachement dans la tranquille pénombre malheureusement perdu, l'homme moderne aveuglé par trop de lumières se retrouve écartelé à chercher à l'extérieur ce qu'il possède en lui.

- Actuel :
"Dans notre monde où apparaissent chaque jour de plus en plus de visages qui se ressemblent toujours davantage, l'homme n'a pas la tâche facile s'il veut se confirmer l'originalité de son moi et réussir à se convaincre de son inimitable unicité." p. 151 l'immortalité. Milan Kundera après le risque d'aboutir à zéro par soustractions successives démontre l'impasse de la méthode additive avec Laura "pour rendre son moi plus visible, plus facile à saisir, pour lui donner plus d'épaisseur, elle lui ajoute sans cesse de nouveaux attributs, auxquels elle tâche de s'identifier." Hélas c'est la méthode de loin la plus utilisée dans notre monde consumériste. Où se retrouve le moi d'une personne qui détruit son iphone 6 afin de faire casquer son assureur pour un remplacement par le dernier iphone 7 encore plus mieux ? de même toutes celles et ceux qui se jettent sur la rentrée littéraire pour être les premiers ne devraient-ils pas se dépouiller de ce besoin de briller pour se retrouver avec Maître Eckhart ou la profondeur de l'intime ?

Que je suis effaré par ce monde affairé !

- Ecriture :
Maître Eckhart fait une distinction essentielle entre l'intériorité et la profondeur de l'intime. Moine philosophe et poète Maître Eckhart, reconnu pour son apport à la langue allemande, lègue des textes dont la force de l'écriture nous traverse au point de nous permettre fugitivement de nous éblouir du fond du fond de notre être qui sans cesse se dérobe. A la lecture du livre d'Eric Mangin il m'apparaît comme une quasi certitude que Maître Eckhart a vécu l'expérience de l'intime avant d'entamer sa tentative de nous la partager par la transcendance de son écriture et nous indiquer la voie du dépouillement menant à devenir un peu plus ce que nous sommes.

- Détachement, risque de l'isolement dans la forteresse de l'intériorité :
Le voilà le zéro pointé par Kundera pour les personnes qui par soustractions successives se perdent à l'intérieur exclusif d'eux-mêmes. Cette forteresse de l'intériorité, si bien décrite par Jean Lods dans le dernier colonel, je la connais assez pour espérer m'en détacher. Ne pas finir dans l'enfer-me-ment à l'intérieur de soi. L'intériorité, je l'ai reconnue instantanément à la première écoute de Back to black d'Amy Winehouse et celle d' Est-ce ainsi que les hommes vivent ? par Philippe Léotard. Douloureux déchirement, immanquable immolement au feu intérieur. Combien j'ai pleuré.
L'intime je l'ai ressenti chez Jacques Brel dans Les Marquises ou dans Je suis un soir d'été. Aussi déjà en fulgurance dans Sur la place avec son poignant avertissement final "ainsi pleurent les hommes leur destinée". L'expérience de l'intime : un mur entre morts et vivants. Cette expérience de l'intime me semble aussi transparaître chez Alain Bashung dans Résident de la république ou dans Comme un lego. L'intime du dedans débordant à l'extérieur. La fraternité du coeur.
La mise en abîme de l'intime et de l'intériorité je l'ai pressentie aussi entre Boris et Théo dans le Chardonneret de Donna Tartt. L'intime indicible, il faut le dire, et pour peu que comme moi on n'en ai même pas l'expérience...

- Dépouillement :
L'expérience de l'intime : ah ce serait bien, je l'espère. Elle viendra ! Alors j'écrirai pour l'approcher, pour la transmettre, même si elle ne se transmet pas, même si elle ne s'écrit pas. Elle se reçoit mais c'est un cadeau que l'on se fait en ne le recherchant pas. J'ai eu la chance de la croiser au moins deux fois : dans les yeux d'un Berbère vivant dans le désert et plus tard dans ceux d'un pèlerin de Compostelle partit de Charleroi, sans le sou. Tous deux habités par le plein du vide intérieur où ils s'étaient retrouvés, animant ce regard tourné vers le monde de l'étincelle de vie de leur être profond, quelle lumière. Heureux sont-ils ! Une expérience qui ne peut que se vivre, ainsi je pourrais lire tous les livres sur le chemin de Compostelle, jamais je n'y trouverais une telle plénitude au fil des pages qu'au cours des pas. Seule la poésie peut éventuellement offrir cette traversée, aussi vais-je chercher le grain de sénevé (Granum sinapsis) de Maître Eckhart mais surtout me remettre à marcher.
J'ai particulièrement aimé la discrétion d'Eric Mangin, son écriture sobre et intelligible, sa faculté à aller à l'essentiel.

* Cadeau :
Hêtre en soi

Qu'il est doux d'être chien
de s'amuser d'un rien
japper sous les caresses
partager liesse ou tristesse
et s'il faut faire le gros dos
autrement ronger son os

ou plutôt être un oiseau
pouvoir chanter si haut
et de liesse et des ailes
faire pâmer les belles
soirs et matins
aussi serein

ou bien naître
grand hêtre
à nulle aucune ombre pareille
dans le susurré murmure
des sereins sur sa ramure
protéger les petits du soleil

ou mieux être à la fois
tout ça aux racines de soi
qu'il est bon en somme
pour tout quiconque se confie
au fougueux fleuve de la vie
d'être femme et homme
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Très excellente introduction à la lecture de Maître ECKHART et merveilleuses méditations sur ce qu'est l'art d'écrire l'intime.
A lire absolument si l'on veut s'initier à la mystique rhénane.
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Eric Mangin, spécialiste de l'oeuvre d'Eckhart, aborde ici avec clarté les thèmes centraux de sa pensée avec une touche personnelle concernant l'écriture mystique.
Comment dire et exprimer l'inexprimable. Pourquoi, comme le dit Eckhart, c'est précisément parce qu'on ne peut rien dire du divin qu'il faut s'efforcer de le dire?
L'auteur analyse, dans le dernier chapitre, cette question essentielle en analysant ce paradoxe d'une écriture qui reste toujours en deçà de ce qu'elle cherche à dire.
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critiques presse (1)
Lexpress
16 juillet 2012
Un bel essai […] qui vient heureusement accompagner et éclairer la lecture des textes.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
L'homme s'efforce de construire une identité à partir des différents projets qu'il mène, des buts qu'il veut atteindre, mais finalement il demeure toujours insatisfait. Eckhart nous indique un autre chemin. C'est quand il ne poursuit plus aucun but et qu'il agit sans pourquoi que l'homme à vraiment le sentiment d'exister et d'être conforme à ce qu'il est au plus profond de lui. Voilà pourquoi il est bon d'exister. Parce que l'existence concrète exprime le plus intime.
Eckhart insiste sur la plénitude de la vie et le bonheur d'exister. Il montre que la vie porte en elle-même toute sa valeur, le fait de vivre, l'instant présent.
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Le temps ne change rien. Les circonstances extérieures peuvent varier, les formes également. Mais l'expérience n'est-elle pas toujours la même ? Revenir à l'essentiel à travers un profond dénuement, découvrir avec émerveillement que ce à quoi nous aspirons le plus ardemment est en réalité blotti dans le creux de notre être, tout simplement, et par conséquent retrancher sans cesse, ôter ce qui fait obstacle, libérer l'espace immense qui est au fond de nous... Un espace infini qui peut légitimement nous donner une impression de vertige, et cependant quelque chose de secret qui est sans doute aussi le propre de notre humanité.
p 9 Introduction
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"La vie vit pour elle-même et ne cherche pas pourquoi elle vit." Ces mots nous invitent à être présents au présent et non pas toujours dispersés dans le temps. En nous interrogeant sans cesse sur le pourquoi de la vie, nous finissons par oublier que nous vivons. [...] "En vérité, je ne sais pas, mais je suis content de vivre." Cette ignorance est en réalité une forme de sagesse.
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L'intime est présent au cœur de l'homme, de manière inaliénable, et cependant il ne lui est pas immédiatement manifeste. Comment l'homme a-t-il pu devenir à ce point étranger à lui-même qu'il recherche à l'extérieur et au loin ce qu'il possède au plus profond de lui ? D'où vient cette cécité qui le rend incapable de se percevoir spontanément tel qu'il est ? Nécessité du temps qui ramène toutes choses à l'essentiel et importance du présent qui donne à l'homme d'exercer pleinement sa liberté... L'âme doit ôter et supprimer tout ce qui fait obstacle pour révéler ce qui est caché en elle. Le détachement est tout d’abord un travail de négativité, une négativité radicale qui seule peut faire apparaître ce qui est au fond de l'homme... ce que l'homme est au fond.
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Et pourquoi l'écriture persiste t'elle alors que le silence paraît tellement plus approprié?
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