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3,21

sur 338 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quel livre déroutant ! La fiction rejoignant la réalité.  Et pour dérouter encore plus , le style de Valérie Manteau enfonce le clou. Des phrases sans ponctuation, des personnages en veux tu en voilà,  des noms turcs,kurdes,arméniens et puis le dédale d'Istanbul,ces quartiers européens ou asiatiques, la traversée quotidienne du Bosphore ou de la Mer de Marmara.
Je me suis perdu dans ce livre qui paraît foutraque, mal maîtrisé .
J'ai pensé laisser tomber.
De prime abord je n'ai pas compris que le sillon est reçu le Prix Renaudot.
Et puis je suis allé au bout de cette plongée dans Istanbul et dans la Turquie d'aujourd'hui.
Tout cela à infusé.
Et en définitive le suis tombé sous le charme du Sillon de Valérie Manteau.
Ce livre est à l'image de ses villes arabes avec leurs souks, leur médina .
on a du mal à  s'orienter,à comprendre le cheminement de ruelles , on est submergé par les odeurs , la langue arabe.
On ressort de ces villes tout bizarre, sans tout comprendre ce que l'on a vécu
Et pourtant le temps passant, il reste une nostalgie de ses médinas, de ces ambiances. Peut être  un besoin impérieux d'y retourner pour retrouver cette ambiance.
Le  sillon m'a laissé la même impression. le livre est complexe, déroutant comme l'époque ou il est écrit et comme la situation de la Turquie.
Et puis l'auteure narratrice est ,elle aussi, déroutée, interrogative, à  la recherche d'une compréhension de cette Turquie du 21ème siècle.
Ce pays aux confins de l'Europe et de l'Asie, au prise avec une dictature rampante.
Qu'en est il des peuples qui ont peuplé ces territoires: Arméniens, Kurdes, Syriens, Turcs.
La Turquie se ferme, se rabougrit, exile ses contestataires,  les emprisonnent ou les tuent.
C'est cela que nous raconte le sillon en prenant comme figure de proue Hrant Dink journaliste arménien assassiné en 2007 devant son journal Agos ( le sillon en arménien )
Hrant Dink était un homme de pays défendant aussi bien les Arméniens que les Kurdes
C'est dans ses pas que va marcher Valérie Manteau alors que la France est marqué par l'attentat de Nice et la Turquie par la tentative de coup d'État de juillet 2016.
Elle va rencontrer Asli Erdogan, écrivaine qui dénonce le régime autoritaire turc et prend position en faveur des kurdes. Ce qui lui vaudra 6 mois de prison et sous la pression internationale, une libération.
Mais Asli Erdogan comme beaucoup d'autres prendra le chemin de l'exil
Après la lecture de le Sillon il est salutaire de lire ou relire Le silence même n'est plus à toi d'Asli Erdogan ,recueil de ses chroniques dans le journal pro kurde Ozgur Gundem
Cela resitue le livre de Valérie Manteau et la profondeur de celui ci.


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Le prix Renaudot 2018 est une autofiction plutôt bien écrite. Son style est fluide, direct et dense (par exemple, les dialogues sont insérés sans tiret, dans des paragraphes courts). L'histoire d'amour entre l'auteure-narratrice et son amant turc, se déroulant à Istanbul de nos jours est un prétexte à la dénonciation de la politique anti-démocratique et liberticide de la Turquie d'Ercep Erdogan. Sous couvert d'une enquête sur l'assassinat, en 2007, de Hrant Dink, journaliste-militant pour la paix, turc d'origine arménienne, elle nous montre ce pays qui sombre peu à peu dans une dictature qui ne dit pas son nom. Elle dénonce l'hypocrisie des politiciens occidentaux et l'indifférence des grands médias, leur traitement euro-centré des problèmes connexes (guerres du Moyen-Orient, crise migratoire, terrorisme islamique ...). Elle témoigne surtout d'une certaine résignation du peuple turc, du renoncement à continuer de se battre pour plus de liberté, de justice et d'humanité, entravé qu'il est dans sa liberté d'expression. Et elle rend hommage à quelques uns qui se battent encore et toujours avec leurs armes : les mots, les livres, les chansons ... et parfois l'humour (voir les rapports avec Charlie Hebdo).
Subjectivement peut-être, je crois avoir perçu, en filigrane le questionnement de Valérie Manteau quant au choix de l'autofiction pour ce texte. En effet certains personnages, ses amis se demandent pourquoi et comment ils seront, eux, représentés et perçus dans le livre qu'elle écrit. Effectivement si ce livre était un « vrai » roman, ou à contrario, s'il était un témoignage journalistique clairement identifié, l'auteure aurait certainement été plus virulente dans sa critique, plus militante aussi, bref plus radicale. Mais elle aurait certainement touché moins de gens, et moins montré l'importance à donner à cette cause. La Turquie est une grande nation complexe, mais la France ne l'est-elle pas aussi ? Valérie Manteau nous montre ce que nos deux pays ont en commun. le peuple turc finira bien par trouver la voie de sa liberté, quant à nous ; restons vigilants, rien n'est jamais acquis. Allez, salut. ****
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Asie - 19 janvier 2007 - Istanbul - Hrant Dink, journaliste et écrivain turc d'origine arménienne est assassiné par un nationaliste turc devant les locaux de son journal bilingue Agos ( le sillon).

Europe - 7 janvier 2015 – Paris – Journal Charlie Hebdo- les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski, la psychanalyste Elsa Cayat, l'économiste Bernard Maris, le policier Franck Brinsolaro , le correcteur Mustapha Ourrad, Michel Renaud, cofondateur du festival Rendez-vous du carnet de voyage , Frédéric Boisseau, agent de maintenance, Ahmed Merabet, gardien de la paix sont assassinés par deux terroristes salafistes islamistes d'origine française.
8 ans séparent ces deux évènements. Un livre les relie.
100 000 personnes manifesteront à à Istanbul lors des funérailles de Hrant Dink, scandant « Nous sommes tous des Hrant Dink, nous sommes tous arméniens » en turc, arménien et kurde. le 27 janvier 2007 environ 400 personnes manifesteront à la mémoire de Hrant Dink à Paris.
Le 11 janvier 2015 , 1,5 millions de personnes manifesteront à Paris en mémoire des victimes de l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo scandant «  je suis Charlie ». Partout dans le monde, des marches de soutien ont eu lieu.
Mais où étions nous, européens en octobre 2005, lorsque Dink, fut condamné à six mois de prison pour , selon un certain article 301, « atteinte à l'identité turque » ? Où sommes nous maintenant lorsque le nationalisme ne cesse de progresser en Europe?
Une prise de conscience sur l'État d'une désespérance , un état du lieu des résistances. Une déclaration d'innocence, un constat d'ignorance.
« Savez vous ce que cela représente pour un homme d'être enfermé dans l'inquiétude d'une colombe ?  » Hrant Dink ( 1954-2007).

Astrid Shriqui Garain

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Voilà un livre qui ne se laisse pas appréhender aisément. Et c'est cela, parfois, que je recherche dans un prix littéraire.
Le style est quelque peu haché, apparemment brouillon parfois, apparemment. Car il en émane finalement une sorte de poésie, de transcription de la pensée comme elle vient. Il faut un peu s'accrocher, comme pour suivre le fil de la pensée, de la vie stambouliote de l'auteure/narratrice.
La Turquie je n'y connais strictement rien, alors sa politique... Au début j'étais frustrée, j'avais l'impression de ne rien comprendre, je voulais savoir qui était chaque personnage, je m'y perdais. Puis j'ai lâché prise. J'ai accepté de ne pas les connaître, de me contenter de ce que me livrait l'auteure. Et là j'ai pu profiter des mots, des sensations, des impressions, et tant pis si je passais à côté de moments historiques capitaux. Les échos à l'actualité, relatée dans les médias français, m'ont donné des repères supplémentaires.
Un style qu'il faut apprivoiser, mais qui vaut le détour.
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D'abord un titre, "Le sillon",
Une couverture, un objet-livre plaisant,
Un thème qui m'attirait, qui m'intriguait.

Très belle lecture pour ce qui me concerne, envoûtante, intrigante, parfois déroutante, voir gênante par moment.
Beaucoup a déjà été dit ou écrit, mais la quatrième de couverture à elle seule ne suffit pas. La seule histoire d'une femme rejoignant son amant à Istanbul n'était pas de nature à m'attirer vers l'ouvrage. Mais j'avais entendu, lu, que la narratrice partait aussi sur les traces de Hrant Dink, journaliste turc, d'origine arménienne, assassiné en 2007. Et je voulais saisir l'occasion de ce roman pour découvrir une Turquie, celle d'Erdogan, dont on entend parler dans les médias, plus encore ces derniers jours avec l'offensive sur la frontière syrienne - conflit dont il est question aussi en filigrane dans l'ouvrage -.

Pour être tout à fait sincère, il m'a d'abord fallu un temps "d'acclimatation" pour m'habituer au style de Valérie Manteau. Pas de signes visibles d'un dialogue, et pourtant, dans un même paragraphe, plusieurs personnages peuvent s'exprimer, plusieurs lieux peuvent se succéder. Il n'est pas toujours évident de suivre les pensées de l'auteur-narratrice. Et il n'est pas rare qu'il faille revenir quelques lignes ou pages en arrière pour poser ses repères.
Et puis il m'a fallu comprendre l'intérêt de cette histoire d'amour / désamour entre la narratrice et son amant au coeur d'Istanbul. Pourquoi ce qui s'apparente parfois à une sorte de déballage ? Quel apport au regard des thèmes évoqués par ailleurs, qu'il s'agisse de démocratie, de liberté, de culture, de mémoire ...
Et comme souvent, c'est au fil de la lecture - et aussi, avouons-le, en me demandant ce que je pourrais bien dire de l'ouvrage sur Babelio - que des clés de lecture - mes clés, je n'ai pas la prétention de les croire universelles - me sont apparues.

Je trouve que la narratrice, tout comme l'objet de son livre en cours d'écriture (un ouvrage sur la figure de Hrant Dink) et à l'image de son pays et de sa ville d'accueil (la Turquie et Istanbul), est tout à la fois en ébullition permanente, et en recherche de qui elle est, de son identité.
Elle bouillonne, cette femme qui sillonne la ville, elle ne cesse de découvrir, de se mettre en danger, de se remettre en cause, de sortir de sa zone de confort. Elle donne le sentiment, au travers de ses engagements, de ses relations notamment amoureuses, d'être en quête de son identité. Et c'est aussi ce portrait-là que Valérie Manteau dresse de la Turquie d'aujourd'hui. Un pays, un peuple parfois tiraillé entre des sentiments contradictoires, qui fait face à son passé, avec la question mémorielle et ô combien douloureuse du génocide arménien, qui fait face à son présent avec les atteintes à la démocratie et aux libertés du régime actuel du président Erdogan (évocation du putsch raté des militaires, enfermement et procès de journalistes, événements du parc Gezi et de la place Taksim) et qui s'interroge sur son avenir.

Saisissant parallèle donc durant tout cet ouvrage que je crois avoir au final beaucoup aimé. Et dont l'écriture, d'abord déroutante, colle finalement si bien au propos. Un foisonnement, une explosion de chaque instant.
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J'ai lu avec beaucoup d'intérêt ce roman de Valérie Manteau.On y rencontre tellement de personnalités que j'aurais été perdue si je n'avais suivi les événements depuis l'arrestation de Asli Erdogan. Je lisais aussi des articles de Kedistan.
De même, j'ai suivi la procès presque heure par heure grâce à un ami journaliste qui s'était rendu sur place.
J'ai assisté aux réunions de soutien organisées par un libraire finistérien et j'ai conservé la liste des onze écrivains emprisonnés.
En revanche, je ne savais rien de Hrant Dink. Il me reste donc à approfondir le sujet et à lire ses ouvrages ou d'autres le concernant.
Le livre de Valérie est poignant et nécessaire.
La petite inclusion sentimentale avec son amant humanise une recherche qui aurait pu être sèche sans cela.

J'ajoute, en application, la dernière publication que j'ai reçue.
A Bursa, la Turquie célèbre tous les jours ses poètes subversifs disparus
À lire dans le Monde d'aujourd'hui
« le régime du président Erdogan emprisonne intellectuels et journalistes ? Dans l'ancienne capitale ottomane, les auteurs incarcérés pour leurs écrits dans les années 1930 et 1940 sont lus chaque jour sur la place de la mairie de Nilufer.
ar n'importe quel temps, le rituel est immuable à Bursa, l'ancienne capitale ottomane, située à deux heures d'Istanbul par ferry. Chaque jour, à 14 heures tapantes, un poème est lu à haute voix sur la place de la mairie de Nilufer, un arrondissement périphérique de la quatrième ville de Turquie, véritable carrefour industriel et commercial aux portes de la mer de Marmara.
Face à la mairie, une estrade métallique sophistiquée a été dressée tout spécialement pour que les vers de Nazim Hikmet, d'Orhan Kemal, de Sabahattin Ali et de bien d'autres poètes turcs soient déclamés avec la plus grande solennité. »....
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Voyez-vous, je digère depuis une dizaine de jours les quelques graines semées en moi par le Sillon, deuxième roman de Valérie Manteau publié au Tripode. C'est un roman sur lequel il est dur d'écrire. Je suis rassuré, d'une certaine manière, à la lecture des articles rédigés par des journalistes : je ne suis pas le seul à qui le livre, dans son originalité, échappe. Indiscutablement, le Sillon semble se dérober à tout discours.

Rappelons brièvement que Valérie Manteau a notamment fait partie de l'équipe de Charlie Hebdo de 2008 à 2013. Les funestes événements de 2015 servent de point de départ à la réflexion de la narratrice sous la forme de l'interrogation presque provocatrice : « Qu'est-ce qui fait que la France est encore un symbole si important que le monde entier s'est levé pour Charlie » (p.21).
Le ton est donné car la narratrice est à l'instar d'Istanbul qu'elle parcourt : à cheval sur le Bosphore, entre l'Europe et l'Orient.

Tout au long du récit, accompagné de l'écrivaine et de la narratrice, binôme indivisible, j'ai eu l'impression d'être immergé dans la ville, dans ses splendeurs comme dans ses misères. Un sentiment justifié par la nécessité de l'écrivaine à trouver le mot juste afin de peindre le plus explicitement possible l'Istanbul d'aujourd'hui et par là, la Turquie. Nous avons pour la plus part une vision assez floue de ce pays souvent limité dans notre imaginaire à la mosquée Sainte-Sophie, au génocide arménien et au régime de Recep Tayyip Erdoğan qui dérive dans un despotisme de plus en plus marqué. Abreuvés par les nouvelles qu'on nous donne, d'ailleurs souvent imprécises, nous nous construisons une image mentale faussée de l'actuelle Turquie. La force du Sillon, c'est de savoir mettre en exergue, par le prisme d'une histoire d'amour entre la narratrice et son amant turc à Istanbul, l'ambivalence de la Turquie, ses contradictions et l'impuissance de sa jeunesse face au verrouillage politique, notamment depuis le coup d'état de 2016. Cette histoire d'amour va servir d'approche et de confrontation entre deux cultures.

Le discours s'engage très vite sans oublier pour autant la construction autofictionnelle du récit. Cependant, l'ouvrage mêle aux péripéties de la narratrice, les souvenirs d'un personnage aux allures de fantômes : Hrant Dink, un journaliste turco-arménien assassiné en pleine rue par un jeune nationaliste turc en 2007 devant les bureaux de son journal, Agos (vieux mot turc et arménien qui signifie le « sillon ») dans l'indifférence presque générale. le récit s'applique alors à retracer, sous la forme d'une enquête journalistique, les moments clés de la vie de Dink et d'interroger sa mort. L'homme devient l'un des personnages clés et justifie à la fois les déambulations et les engagements de la narratrice. S'il s'agit d'un ouvrage en grande partie politique n'oublions pas pour autant le regard plein de dérision qui parcourt l'ouvrage. La narratrice relève ses propres failles : son incapacité à prononcer convenablement les mots et noms turcs, l'incongruité de certaines situations plutôt cocasses (je pense notamment à son errance dans le cimetière arménien alors qu'elle cherche la tombe de Dink) et ses mots acérés envers les occidentaux qui viennent en Turquie parce que les implants capillaires sont moins coûteux. N'oublions pas, non plus, les personnages hauts en couleur qui l'accompagnent et participent à son quotidien stambouliote.

C'était en 2007, donc. Dix ans après, Aslı Erdoğan, écrivaine devenue l'une des figures de l'opposition à cet Erdoğan antagoniste et qui était l'un des rares soutiens de Dink alors qu'il était persécuté, subit aujourd'hui l'exil après avoir supporté durant plusieurs mois les prisons et les procès turcs. Aslı Erdoğan, croisée au détour d'une rue, devient personnage de roman : fiction et réalité se mêlent ainsi intrinsèquement et confère de fait au roman la valeur du témoignage.
La narratrice assiste aux procès, se mêle à une jeunesse turque à la fois révoltée et démobilisée. Face à cette réalité, le souvenir de Hrant Dink la hante et la heurte comme pour interroger en écho le silence quasi général de la communauté internationale après le meurtre du journaliste. N'est-ce pas pourtant pour ces mêmes raisons que l'on s'est mobilisé après les attentats de Charlie Hebdo ou que l'on soutient aujourd'hui des écrivains comme Aslı Erdoğan ?

Agos ou le Sillon, c'est donc cette trace laissée à la surface d'un champ après le labour. Cela implique de remuer. Merci à ce livre d'avoir le courage poétique de remuer son lecteur, de le confronter à la Turquie complexe d'aujourd'hui, d'en rappeler la nature hybride tant orientale qu'occidentale qu'Istanbul plus que tout autre ville au monde représente. D'oser aussi sortir le lecteur de son confort et d'interroger les injustices et les contradictions silencieuses de notre temps.
Lien : https://lisezvoir.wordpress...
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"Le sillon" n'est pas un livre facile à résumer. Se situant à mi-chemin entre le roman et l'essai, on peut le qualifier de "docufiction". L'auteure, ancienne journaliste à Charlie Hebdo, s'est inspirée d'une année passée à Istanbul pour se lancer dans l'écriture de cet ouvrage. Comme la narratrice du roman, la journaliste avait tout à découvrir de cette ville et ses habitants. Dès le début du roman, nous entrons en immersion dans la ville. Au fil des déambulations diurnes et nocturnes de la narratrice, nous découvrons la géographie d'Istambul, son histoire. Assez vite, nous sentons le climat de tension qui y règne et la violence perpétrée par l'état.

La narratrice s'intéresse au journaliste arménien Hrant Dink, qui a été assassiné en 2007 par un jeune adolescent turque, qui n'a sans doute pas agit seul. le journaliste était menacé, son idéal de paix dérangeait l'état. Sans mener à proprement parler d'enquête, la jeune femme échange avec les turques, se rend sur la tombe du journaliste, lit ses textes. Elle s'intéresse à la cause des arméniens et à celle des opposants du régime en place.

J'ai lu "Le sillon" avec quelques difficultés, manquant de références géo-politiques pour tout comprendre. Je suis toutefois ressortie de ma lecture moins ignorante qu'en y entrant (c'est déjà cela). La narratrice exprime le regret que la France, trop nombriliste, ne s'intéresse pas beaucoup à la Turquie . En ce qui me concerne, il est certain que je serai désormais plus attentive à ce qui s'y passe. Je dois dire par ailleurs que Valérie Manteau m'a donné envie de visiter un jour cette ville, qui me paraît aussi belle qu'attachante.

Une lecture assez exigeante.
Lien : http://www.sylire.com/2018/0..
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Le sillon, c'est celui qui recueille le "sang impur" évoqué dans "La Marseillaise" (l'auteure vit entre Marseille et Istanbul !), mais c'est aussi la traduction de "Agos", le nom du journal fondé par Hrant Dink, écrivain turc d'origine arménienne aux positions pacifistes assassiné en pleine rue par des nationalistes.
C'est ce destin-là que la narratrice-auteure, Française installée à Istanbul, tente de saisir en déambulant dans une ville coupée en deux par le Bosphore, tiraillée entre ses deux identités, européenne et asiatique, en multipliant les mises en abîme...
De cette Constantinople déchue où plane comme une ombre menaçante le génocide dont on ne doit pas prononcer le nom, où l'on tait ses origines par peur de se retrouver en prison, où la moindre publication peut vous valoir un procès, la narratrice fait le tour, avec un ton ironique et précis, suivant les écrivains au tribunal, portant haut les contradictions d'un pays étouffé par la censure et écartelé par ses minorités opprimées. Elle passe ses journées au café pour écrire, passant d'une rive à l'autre, interrogeant ses connaissances et amis aussi bien que les garçons de café, rendus mutiques par la peur et la paranoïa.
"Le Sillon" c'est le roman vrai des grands auteurs turcs persécutés, tels Elif Shafak (La Bâtarde d'Istanbul), Orhan Pamuk ou encore Asli Erdogan, des objecteurs de conscience, des journalistes et dessinateurs de "Charlie Hebdo" morts pour la liberté, de tous ces héros qui se battent contre la censure et les extrémismes religieux avec leur plume.
Sur ce, je m'en vais de ce pas lire La Bâtarde d'Istanbul !
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Une jeune femme un peu paumée vient vivre à Istanbul afin de poursuivre une liaison plutôt improbable avec son amant turc. Mais au fil de son errance dans la ville, elle se glisse peu à peu dans les pas de Hrant Dink, journaliste turc d'origine arménienne, abattu en 2007 par un nationaliste turc de 17 ans.
Fondateur du premier journal bilingue turc-arménien "Agos", Hrant Dink fut le porte-parole le plus emblématique de la cause arménienne en Turquie, un profond humaniste, défenseur actif de la liberté d'expression.
Le roman revient sur son histoire jusqu'à prendre par moments des allures de documentaires. La narratrice mène son enquête, décrit les événements chaotiques qui ont marqué ces dernières décennies dans ce pays décomposé, qu'elle essaie de comprendre. Attentats, parodies de procès, manipulation et duplicité de l'état turc et puis surtout cette peur constante… le dernier éditorial de Hrant Dink avant de mourir s'appelait "le coeur inquiet des colombes". Et l'auteur que je cite de rappeler que : "les contes turcs commencent par la formule 'il fut, il ne fut pas', ça donne une idée du bouillon d'insécurité dans lequel baignent les rêves dans ce pays."
J'ai adoré cette plume tranchante et pertinente. D'autres passages sont tout simplement bouleversants de grâce et de poésie. Et au coeur du tragique toujours, des touches d'humour lumineuses.
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