Un tramway long comme la vieVladimir Maramzine
nouvelles
traduites du russe par
Anne-Marie Tatsis-Botton
janvier 2019, les Editions Noir sur Blanc, 160p
Je me disais : pourquoi ne pas lire de nouvelles ? Pour voir comment écrire des textes plutôt courts, s'intéresser à l'agencement de l'histoire, au traitement des dialogues, à la survenue de la chute, à l'écriture.
Voilà que je tombe sur la couverture, et le tramway, dans une lumière légèrement voilée, receleuse de mystères, m'invite à me prendre. Un tramway nommé désir, dans lequel j'ai toujours eu un vif plaisir à monter dans la ville de Lisbonne.
Rien à voir avec la quiétude de la capitale Portugaise, ni avec la touffeur de la Nouvelle-Orléans. Je suis perdue dans une atmosphère slave, et j'ai du mal à m'accrocher aux personnages. Je décide d'écrire quelques mots sur l'ouvrage parce que très vite je vais oublier le nom et ce que racontent les nouvelles, qui déjà m'échappe. La nouvelle la plus longue donne son titre au livre. le tramway sert de métaphore à la vie. Les nouvelles se lisent bien, la lecture est agréable même, vivante, mais rien ne me retient, je peux laisser le livre, il ne me manque pas.
On est à Leningrad, après-guerre. le narrateur est contre le régime, attaque la bourgeoisie et les membres du clergé, dénonce la misère du pays, les groupes mafieux qui font régner la peur chez leurs victimes. Un pope refuse à une jeune fille qu'elle fasse des études de médecine et lui propose d'être call-girl. C'est dit ainsi sans commentaire, au fil de l'histoire. L'écriture est incisive, ironique, caustique. le narrateur, gamin, s'est amusé à vider les poches des gens qui empruntaient le tramway. Il n'a pas fait fortune, les gens n'ayant rien. Dans le tramway, comme encore aujourd'hui, des malappris profitent de la presse pour peloter les femmes, jeunes ou non, jolies ou pas, détrousser les voyageurs, et même pis, les tuer s'ils trouvent porteur de reproches le regard d'un passager. le tramway, de toutes manières, est un transport dangereux. Si l'on veut faire saucisson, c'est à dire se tenir sur la plateforme sans avoir à payer, ou en descendre sans que le tramway s'arrête, on risque des accidents, comme perdre une ou deux jambes. En revanche, le tramway est un moyen de rencontres, de lier connaissance avec un peintre, des filles...
le narrateur a choisi son parti : celui des gens qui ont connu la prison, font quand il est interdit dans la rue, le geste de la figue avec leurs doigts de pied, pour exprimer leur refus catégorique. C'est un iconoclaste.
Ce que j'ai le plus apprécié dans ce livre, c'est le style. le narrateur s'adresse à quelqu'un, à qui il conte ses histoires, et il est ardent à les conter, il s'exclame, se répète, cite les auteurs qu'il aime, textuellement ou en les déformant.
Platonov, sceptique envers la collectivisation et la politique stalinienne, et
Soljenitsyne, grand dénonciateur du régime et pourtant rentré au pays, sont les plus cités.
Je ne connaissais pas du tout l'auteur, qui est encore vivant et vit à Paris. Il est né en 1934 à Leningrad. Il a édité les premières oeuvres de
Joseph Brodsky. Il a été arrêté en 1974 pour édition clandestine, et contraint à l'exil.
C'est sûrement un homme et un auteur intéressant mais les atomes ont manqué de crochets.