Le 27
novembre 2023
En tout premier lieu, d'abondants remerciements à la dernière Masse Critique " Mauvais Genres" ainsi qu'aux éditions L'Horma, que je découvrais pour la 1ère fois, avec cette réédition d' un " classique " italien de la fin XIXe siècle.
Pour se mettre dans le vif du sujet , un extrait de la préface de
Bernard Quiriny pour situer précisément le contexte de publication de ce roman qui eut un large succès à sa sortie...en 1888.
(...)"
Le Baron de Santafusca et le Curé de Naples ", le livre d'où sortait ce baron mélancolique, furent en 1887 le premier succès d'Emilio de Marchi, un écrivain de trente-six ans issu de la classe moyenne milanaise .
Il parut d'abord en feuilleton (...) enfin en volume, toujours à Milan. (...) Il s'en vendit plusieurs milliers d'exemplaires, belle performance pour l'époque ; et il fut traduit au cours des années suivantes dans de nombreux pays- Angleterre,États-unis, Hongrie, Allemagne ou Danemark.
La version française, publiée en 1902 chez Hachette sous le titre " L'Accusateur imprévu " fut bien accueillie."
Très étonnante lecture sortant totalement de mes habituels centres d'intérêts...qui m'a réservé une surprise fort agréable bien que franchement
" déroutante "...
Il s'agit d'une fiction policière : " Un polar à ka
Simenon, écrit six ans avant la naissance de
Simenon " (
Giovanni Raboni)...Je n'irai pas jusque-là ; toutefois un certain suspens est maintenu longuement.
*** Pour les amateurs du genre, une première précision essentielle, le préfacier,
Bernard Quiriny nous explique que c'est plutôt un " roman judiciaire" qu'un " roman policier".
Le "roman policier" étant centré sur la recherche du coupable, tandis que le "roman judiciaire " révèle de suite l'identité du coupable et s'attache à son comportement dans les jours et les mois qui suivent le crime, comme le fait
Emilio de Marchi avec " son" baron de Santafusca...
Alors ce Baron de Santafusca, notre "anti- héros" est un aristocrate de longue lignée, dont la famille fut puissante et renommée. Par contre ce dernier rejeton, trentenaire désargenté, endetté jusqu'au coup, est un joyeux luron, joueur, coureur de jupons, homme de tous les plaisirs, qui au début de l'histoire se trouve dans une situation des plus fâcheuses : il doit rembourser une lourde dette au plus vite de peur de perdte son honneur et surtout
le château familial....
Il va s'adresser au prêtre Cyrille, prêtre usurier, d'une filouterie certaine...qui est doublement sollicité car il a un don : celui de donner les numéros gagnants des " Courses"...à ses " ouailles "!
Notre baron obtient l'aide de " notre usurier en soutane"...En se rendant à leur rendez-vous, à proximité du Château du Baron, il tuera le prêtre et s'enfuira avec sur lui une véritable fortune.
Dans un premier temps, le baron, soulagé , à
nouveau insouciant, retrouve toute sa superbe...mais rien n'est simple...sa conscience se rappelle à lui...régulièrement, plus des questions des villageois, l'émergence d'une enquête...rebondissements, alertes augmentant avec la disparition et réapparition d'un " Satané chapeau"...qui va lui apporter de sacrés tourments ?!
Le tout est narré avec une grande vivacité, un humour et une ironie qui rend le tout assez drôle et jubilatoire....je ne déploierai pas plus de détails...Toutefois, j'adjoins qq extraits, afin de donner le ton original de cet écrivain, ne manquant pas de malice et de causticité...avec de savoureuses descriptions de Naples , du village du baron...et des différentes classes sociales !
"Le Baron et le prêtre
Le Baron Charles- Coriolan de Santafusca ne croyait pas à Dieu et moins encore au diable (...)
Pendant quelques années, le jeune homme, dit " le Baron", lut des livres et prit la science au sérieux : mais il n'eût pas été lui, si, pour l'amour de la science, il eût renoncé aux belles femmes, au jeu, au bon vin du Vésuve et aux chers amis.Le libertin mit
la main sur le moine et sur le nihiliste, et de la fusion de ces trois hommes sortit le baron, unique en son genre, grand joueur, grand fumeur, grand blasphémateur devant l'éternel Néant, et en même temps camarade aimable, idole des femmes, courageux comme un forçat, et à certaines lunes rêveur comme un brahmane.
Nous parlons ici du baron de sa première manière, quand il n'avait pas plus de trente ans. Naples alors n'était tout entière qu'une fête garibaldienne, blanche rouge et verte.Les femmes embrassaient les beaux soldats dans la rue et élevaient les enfants sur leurs bras afin que Garibaldi les baptisât au saint nom de l' Italie."
Un petit bémol : après un suspens savamment entretenu tout au long du roman ,sur un fil narratif pourtant très, très tenu, une chute brusque et trop vite expédiée, m'apportant personnellement quelque frustration, alors que l'ensemble avait fini par me
" capter" complètement!..
Cela reste une découverte fort intéressante, que je vais d'ailleurs partager avec un couple d'amis , auquel je vais prêter cet ouvrage; publication qui possède, en plus une couverture fort réussie, aussi éloquente et malicieuse que son contenu !!