Ce peintre donnait jour et heure aux personnes qu'il devait peindre et ne travaillait jamais plus d'une heure parfois à chaque portrait, soit à ébaucher, soit à finir, et son horloge l'avertissait de l'heure; il se levait et faisait la révérence à la personne, comme pour lui dire que c'en était assez pour ce jour-là, et convenait avec elle d'un autre jour et d'une autre heure. Après quoi, son valet de chambre venait nettoyer ses pinceaux et lui apprêter une autre palette, pendant qu'il recevait une autre personne à qui il avait donné heure Après avoir légèrement ébauché un portrait, il faisait mettre la personne dans l'attitude qu'il avait, auparavant méditée, et avec du
papier gris et des crayons blanc et noir, il dessinait en un quart d'heure sa taille et ses habits qu'il disposait d'une manière grande et d'un goût exquis. Il donnait ensuite ce dessin à d'habiles gens qu'il avait chez lui, pour le peindre d'après les habits mêmes que les personnes avaient envoyés exprès à la prière de Van-Dyck..: Pour ce qui est des mains, il avait chez lui des personnes à gages, de l'un et de l'autre sexe,qui lui servaient de modèles.
Le jugement porté sur Mmc Lebrun par M. H. Delaborde mérite d'être rapporté :
— La manière plus attrayante que sérieuse dont Greuze venait de donner l'exemple, un autre talent aimable, Mme Lebrun, se chargea de la continuer, ou tout au moins d'en reproduire l'esprit sous des formes moins systématiquement indécises.
Le portrait de Marie-Antoinette et de ses enfants, celui de l'auteur et de sa fille, maintenant au musée du Louvre, et surtout un autre portrait de l'auteur que l'on voit dans la galerie des Offices, à Florence, prouvent assez que ce talent, tout en sacrifiant beaucoup à la grâce, se préoccupait aussi de la correction.
C'est ce mélange d'abandon et de netteté qui prête un charme singulier à des œuvres où rien d'ailleurs n'est en contradiction avec le sexe de l'artiste qui les a signées.
Suivant une fable gracieuse , la première manifestation des Beaux-Arts fut un portrait, et naturellement son auteur était l'Amour.
L'amour est en effet un grand artiste, un artiste sublime ; dans le cœur, c'est un sentiment d'une exquise délicatesse; dans la tète, ce sentiment se matérialise et revêt une forme ; au bout du doigt, il devient image.
Les artistes ne me contrediront pas, car les amateurs, les érudits savent bien que, malgré nous, nous reproduisons toujours, plus ou moins , la même physionomie. Il semblerait que, même à notre insu, tout visage devienne comme le miroir de l'âme aimée dans lequel nous voulons nous retrouver?
Tout le monde peut peindre un d'œil, mais tout le monde ne saurait peindre un regard.
Lawrence