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EAN : 9782919067152
192 pages
Vagabonde Editions (25/04/2015)
4.08/5   13 notes
Résumé :
Dans cette nouvelle fiction, László Krasznahorkai interroge la nature humaine, les illusions, la perfidie, la trahison, la paranoïa, offrant une rhapsodie fantaisiste sous haute tension (et un condensé très maîtrisé des motifs qui traversent l’ensemble de ses écrits) où se répercutent de l’un à l’autre des huit mouvements qui la compose de multiples échos.


Qu’il s’agisse de ressortissants pris au piège d’une attente insoutenable alors qu’ils s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Un livre de nouvelles publié en 1986 mais dont la traduction française ne sort que maintenant. Deux de ces nouvelles ont servi de trame pour un court métrage de Béla Tarr, une autre étape de la collaboration fructueuse entre ces deux grands artistes.

On retrouve l'univers étrange, décalé et inquiétant de László Krasznahorkai dans ce recueil de nouvelles.Quelque chose qui ressemble à une scène de guerre, un meurtre, un homme qui prend des animaux dans des pièges avant de se retourner contre les hommes...la violence est toujours là, même si au final elle est peu décrite. Elle est davantage suggérée, tapie, prête à surgir, son ombre hante, provoque un malaise, fait prendre la fuite, qui prend des allures d'une course à travers un labyrinthe, où la sortie est de plus éloignée en même temps que la course s'accélère.

Mais un humour grinçant, un second degré, une distance sont toujours présents dans ces récits. le tragique se teinte de comique, relativisant l'échec des personnages, tout en le rendant définitif et inéluctable : toute forme de résistance est vaine, il n'y a pas d'échappatoire possible. Et les personnages en sont quelque part conscients. Tentés de donner un sens, de poser un ordre, ils savent au plus profond d'eux-même l'inanité de cette démarche, qui apparaît de plus en plus patente au fur et à mesure de leurs tentatives.

Même s'il s'agit de nouvelles qui sont des récits à part entière, ces textes ont un côté choral, polyphonique, ils se complètent et se répondent : nous retrouvons des noms, voire pour le récit "Herman le garde-chasse", une autre version (« La fin du métier »), avec des faits un peu différents, mais suffisamment proches pour que l'on saisisse d'emblée la variation. Il ne s'agit donc pas de l'absurde d'un personnage, d'une situation, mais du monde en lui-même, de toutes les situations et de toutes les tentatives de mise en ordre, de maîtrise.

László Krasznahorkai est pour moi est un très grand écrivain, un très grand styliste, et surtout un auteur qui pose des questionnements, qui ouvre des réflexions, qui sans doute distille une inquiétude, dont la lecture peut générer un certain inconfort, mais qui est au final terriblement nourrissant et marquant. Pour plus d'une lecture.
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Sous le coup de la grâce, nouvelles, Vagabonde, 15, 190 pp.
Série de nouvelles, généralement courtes, sus titrées « nouvelles de mort ». qui de plus se répondent l'une à l'autre (cf « Herman le Garde Chasse » et « la Fin du Métier » ou bien qui peuvent être amalgamées pour en faire autre chose (cf le Dernier Bateau » et « Dans la main du Barbier », dans ce cas des court-métrages pour Béla Tarr).

« le Dernier bateau » date de 90. Cette courte nouvelle est énigmatique, et on ne sait pas si elle traite d'un exode de population dû à la guerre ou bien de rescapés d'un cataclysme jamais nommé. Les fugitifs sont décrit comme étant «pareils aux rats qui, en raison de leurs exceptionnelles capacités de survie, étaient peu à peu devenus pour nous une sorte d'animal sacré et, à ce titre, l'objet exclusif de notre attention».

Dans « Herman le Garde Chasse », Herman ne peut être classé du côté du bien ou du mal, mais il est le serviteur d'une souffrance universelle. Celle-ci est provoquée, puis dirigée tout d'abord contre les animaux puis contre les humains, en fait leurs bourreaux. Il sera abattu, d'ailleurs, comme une espèce solitaire, unique en son genre, de Christ noir, labile, incapable «à soi seul de tenir à bout de bras le monde sur le point de s'écrouler»

Dans la dernière nouvelle, « La fin du métier (deuxième variante) », le personnage du garde-chasse est repris. Il est devenu fou aux yeux des hommes, considéré au travers du regard d'une petite société aux goûts douteux.

« Dans la main du barbier » nous présente une fois encore la brutale « devant l'ampleur du coup à asséner [il convient] d'évaluer la force de frappe requise pour ne pas devoir s'y reprendre à deux fois ». Cette force le vieux père Bela Csonka,en fait la triste expérience (son magot aussi). Dans l'esprit d'un des personnages vivant «en ces ténèbres de plomb dont il sentait l'emprise écrasante», de cette force qui écrase tout sur son passage. «Loin de se dire que seules sa faiblesse et son indolence l'avaient entraîné vers ce point nodal de son existence ou, qui sait, le terrible tourment de découvrir – peut-être à cause de son inquiétude accrue – que tout ce que la vie a de sain et de beau se brisait, se broyait constamment au creux de ses mains, il soupçonna plutôt l'existence d'un Dieu hostile ou indifférent qui se contentait de donner forme à ce qu'a d'inexorable et d'irrémédiable le monde tel qu'il s'engendre lui-même, de sorte qu'il ne s'effraya pas de suffoquer tôt ou tard sous le poids de la culpabilité, des remords ou de la douleur virulente de l'épouvante, voire, à force de geindre, lamentable, de se sentir si coupable, car ce qu'il avait fait ne pouvait se défaire – sans parler de l'échec annoncé de toute résistance, puisque nul ne peut vaincre l'incompréhensible».

Dans « Rozi la piégeuse », plusieurs récits s'entremêlent, comme dans une course de relais, tous aimantés par la mère Rozi, sans cependant que l'on puisse les superposer. Les situations souvent reflètent la lutte entre des réalités invisibles et une mystérieuse «bienveillance supérieure seule encore capable d'insuffler du sens à notre monde indolent dont, sinon, il ne subsisterait plus bientôt que des braises sur le point de s'éteindre».

« Chaleur » constitue le cadre d'une histoire où le (faux) héros Zbiegniew n'est qu'une représentation qui cache et abrite l'homme moderne. Ce dernier reste stressé par des «sereines lueurs du foyer» et des «ténèbres sans fond».

« Fuir Bogdanovich » reprend des thèmes chers à LK. Des personnages essayent d'éviter des forces cachées ou un danger jamais nommé. Ces délires reviennent périodiquement dans la conscience du personnage. «un monde à la destruction, au sapement et à la déliquescence duquel [.] je n'avais moi-même jamais cessé de prendre part...». Ils sont tôt ou tard jour sujet à des forces qui les dépassent, (cf Mme Pflaum dans la « Mélancolie de la Résistance ») comme si le plus médiocre «ne pouvait que laisser transparaître et subir dans sa chair cette funeste clarté aurorale imbue du bleu des remords, cette lumière des tréfonds de l'enfer dont la quête nous hante tous depuis la nuit des temps ».

Enfin, dans « le sélectionneur de fréquences », l'histoire devient très noire, et perd la faible note d'humour désespéré des autres textes.
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Sept nouvelles où nous assistons à l'embarquement sur un rafiot pourri des soixante derniers habitants d'une ville de Hongrie ravagée par un conflit politique indéterminé ; où un garde-chasse à la retraite se demande après toute une vie de bons et loyaux services pourquoi l'homme déciderait de la vie ou de la mort d'animaux dits nuisibles ; où A poursuit B qui poursuit C qui poursuit lui-même de bien étranges recherches ; où un couple de fonctionnaires se planque dans un immeuble à moitié démoli en attendant que l'ordre soit rétabli dans la ville ; où un homme en assassine un autre par appât du gain et se trouve fort désappointé par ce qu'il trouve ; où un misanthrope peut-être fou traque en permanence sur son poste de radio la fréquence qui pourrait le mettre en relation avec Dieu ; où deux hommes, presque des étrangers, errent dans une ville au petit matin après une nuit très arrosée ; où enfin un groupe de jeunes gens investissent l'auberge d' un bien étrange village où règne la terreur.
Chacun des personnages de ces nouvelles recherche le centre du motif de ce qui fait l'existence, qu'on l'appelle exil, divin, fortune, sécurité, raison de vivre.
Des histoires très humaines servies par un style puissant, des phrases longues et rythmées comme des vagues, comme la respiration ou encore le flux et le reflux des sentiments qui vous inondent.
De très beaux textes.
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Apocalypse intime, effondrement intérieur, soubresauts d'un dépassement d'une angoisse au-delà de soi. Dans ces huit nouvelles Laszlo Krasznahorkai déploie toutes les ruses de sa prose labyrinthique, inquiète, où se reflète une vision panique d'un monde autant à la dérive que les sensibilités qui ici en rendent compte. Sous le coup de la grâce, sous titré Nouvelles de mort, donne un visage à nos folies, nos tristesses et nos vulnérabilités absolues, une image mélancolique de la résistance qu'on leur oppose.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Récent lauréat du Man Booker International Prize, László Krasznahorkai est un grand écrivain que, grâce au travail acharné de quelques passionnés (et jamais nous n'oublierons de remercier les deux excellents traducteurs français de ce Hongrois intimidant), nous commençons à mieux connaître en France, le pays des plus hautes gloires littéraires, qui a même réussi, double coup de génie, à donner au Prix Nobel l'un de ses plus mauvais et anodins écrivains, Jean-Marie le Clézio, et permis à quelque journaliste bavard de se hisser sur les épaules d'un nain perpétuellement bronzé et souriant, signe que la grande littérature profite décidément à celles et ceux qui l'honorent de leur immarcescible talent et aux animalcules qui en mangent les innombrables et minuscules débris.
Lien : http://www.juanasensio.com/a..
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critiques presse (1)
Telerama
11 juin 2015
Le Hongrois László Krasznahorkai réussit huit nouvelles obsédantes. Et nous happe dans un entre-deux politique flirtant avec le fantastique.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il faisait encore nuit noire à l'heure du départ, et même si nous encourager de la sorte, nous le savions, était absurde et stupide, car au fond peu nous importait de partir de jour ou de nuit, nous pensions malgré tout qu'aujourd'hui encore l'aube allait poindre, le soleil se lever et la lumière se répandre, bref qu'il allait faire jour et que nous discernerions alors nos mines flétries, nous yeux cernés et injectés de sang ou, de dos, la peau fripée de nos nuques, que nous verrions l'eau redevenir étale après les remous laissés dans notre sillage et, le long des quais, les bâtisses à l'abandon qu'entrecoupaient les méandres des rues déserts encore intactes, ainsi qu'au loin, au-delà de la ville, la rue en pente douce sur le point de s'effondrer.
(Le dernier bateau)
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il comprit qu’il avait jusqu’ici vécu dans l’inconscience la plus profonde et s’était laissé mener par le bout du nez, servile tout le temps qu’il avait cru obéir à la volonté divine en séparant le monde entre êtres utiles et nuisibles, car en vérité ces deux catégories découlaient de la seule et même cruauté impardonnable que les feux de l’enfer, tout au fond, pavent si bien.
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plus on regarde le monde avec haine et répugnance, plus le monde devient haïssable et répugnant ; à cela près que même si l’on porte sur lui un regard bienveillant et serein, il reste toujours aussi hostile et imprévisible ; si bien que le mieux reste encore de n’avoir aucun regard d’aucune sorte.
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Il ne voulait pas se mentir à lui-même : non, avoir tué un homme quelques minutes plus tôt ne lui paraissait pas plus horrible que ça, car selon lui - au-delà de l'attirance naturelle envers tout ce que l'on juge salutaire ou sain - cet acte ne semblait atroce qu'en théorie, bien plus tolérable dans les faits.
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Videos de Laszlo Krasznahorkai (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Laszlo Krasznahorkai
Lundi 8 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022, Yannick Haenel tenait la conférence : L'amour, la littérature et la solitude.
Il sera question de cette attention extrême au langage qui engage notre existence. C'est-à-dire des moyens de retrouver, à travers l'expérience poétique de la solitude, une acuité, une justesse, un nouvel amour du langage. Écrire, lire, penser relèvent de cette endurance et de cette précision. C'est ce qui nous reste à une époque où le langage et la vérité des nuances qui l'anime sont sacrifiés. Écrire et publier à l'époque de ce sacrifice planétaire organisé pour amoindrir les corps parlants redevient un acte politique. Je parlerai de Giorgio Agamben, de Georges bataille, de László Krasznahorkai, de Lascaux et de Rothko. Je parlerai de poésie et d'économie, de dépense, de prodigalité, et de la gratuité qui vient.
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