AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,5

sur 751 notes
S'il est une conteuse contemporaine dont je ne rate aucun roman depuis que je les ai découverts, c'est bien Carole Martinez et je m'abreuve de ses histoires singulières, étranges même, comme d'une eau de source claire.
Aussi, lorsque Babelio et les éditions Gallimard m'ont proposé de recevoir son dernier ouvrage "Les Roses Fauves", j'ai accepté, fébrile et impatiente. Ainsi, merci à eux pour cet envoi et le parfum de roses un peu lourd qui me hante depuis.
Les romans de Caroles Martinez ont toujours en eux quelque chose d'étrange, de mystérieux, de beau et de cruel qui relève du conte, qui lorgne un peu vers le fantastique, la légende. L'inexplicable. "Les Roses Fauves" ne fait pas exception et et nous entraîne dans une intrigue tissée de brumes et de parfums. Si pour moi "La Terre qui penche" était dans la droite lignée du "Domaine des Murmures", "Les Roses Fauves" se réclame d'une filiation logique avec "Le Coeur Cousu" dont il est pourtant bien différent.
Dans "Les Roses Fauves", l'auteur se met elle-même en scène et se fait à la fois narratrice et personnage de son roman qui fait aussi la part belle à Lola, la postière un peu froide et mal fagotée d'un village breton où s'est installée la romancière pour quelques mois, le temps pour elle d'écrire son nouveau roman, une réécriture de "Barbe-Bleue". Ce village, elle y a atterri un peu par hasard et beaucoup par fascination: une ancienne carte postale représentant le bourg et une femme boiteuse, voilà de quoi accrocher l'imagination... Pourtant et malgré ce cadre parfait, l'écrivain peine à écrire, à accoucher de son histoire dont -cela elle en est certaine- la boiteuse de la carte postale sera l'héroïne.
Un jour de désoeuvrement, elle se rend à la poste du village, lieu de rendez-vous de toutes les vieilles femmes du village et de leurs conversations de jeunes filles. Quelle n'est pas sa surprise de se rendre compte que la postière, Lola, boite elle aussi. Irrémédiablement attirée par cette femme silencieuse, discrète qui semble n'aimer que sa solitude et son jardin soyeux mais bien ordonné, l'auteur apprivoise la postière et elles deviennent amies. Lola a un secret qu'elle révèle entre deux gorgées de calva et les effluves de son kig ar farz: de sa mère et de ses aïeules espagnoles, elle a hérité quatre coeurs, quatre coeurs cousus de tissus colorés et de secrets. C'était une tradition en Espagne: lorsqu'une femme sentait la mort venir, elle cousait un coussin en forme de coeur qu'elle rembourrait de petits papiers sur lesquels elle avait écrit ses secrets. La fille aînée devenait la dépositaire du coeur et ne devait jamais ô grand jamais l'ouvrir pour mettre au jour ses secrets d'encre, de sang et de papier. Lola sent que sa vie l'étouffe puisqu'elle passe à côté et que les coeurs battent de plus en plus furieusement derrière la porte close de l'armoire de noces dans laquelle elle les a enfermés, qu'il faut trahir l'antique promesse et écouter ce qu'ils ont à dire. Qu'il faut percer ces coeurs palpitants tout de paillettes et de lambeaux colorés. Mais elle ne le fera pas seule. Sa nouvelle amie, qui y voit matière à nourrir son nouveau roman, lui propose de le faire avec elle. C'est ainsi qu'elle brise l'un des coeurs et les papiers qu'il renfermait leur murmure l'histoire de l'aïeule de Lola. Une histoire de jardin et de faux frêne, d'un sculpteur devenu fou, d'un amour fou qui mène à la mort, d'une corde et d'une encyclopédie, d'une voix flamenca, de désir et de corps qui se découvre, de maternité, de fantômes et de tombeau, de guitare, de jouissance et de guerre. Et de roses. de roses au parfum capiteux. de roses à l'éclat de sang et de velours. de roses dont les épines emprisonnent et puis tuent. Une histoire en forme de conte cruel et d'hymne à la féminité, qui s'écrit avec le sang que font jaillir les épines et les passions que le parfum enivre. A la fin de l'histoire, Lola et l'auteur plantent les graines qu'Inès Dolorès avait laissé dans le coeur. Dès lors, c'est une étrange floraison qui envahit le jardin bien ordonné de Lola et tout le village, Lola qui se métamorphose, comme si le destin révélé se répétait avec elle... C'est alors qu'entrent dans la danse les fantômes du village, les ombres d'une autre boiteuse et d'un soldat fou amoureux fauché par la guerre et la haine. Les passés s'épousent et s'embrasent, enserrent le présent à l'étouffer et la narratrice assiste impuissante, inquiète mais fascinée à cette danse de l'amour et de la mort qu'il lui faudra bien écrire après s'être débarrassée de ses cauchemars et des roses fauves.
"Les Roses Fauves" est un roman très riche, intense, dense et on ne sait pas toujours où il compte nous mener. Il nous perd en route, s'arrête en bordure d'un chemin évident avant de bifurquer vers un sentier d'épines. Si au début, j'ai été un peu déçue que les coeurs ne prennent pas l'importance que leur conféraient la quatrième de couverture et -il faut bien le dire- mes fantasmes et attendus de lectrice, si je me suis surprise à penser que tout cela partait dans tous les sens avec l'arrivée des fantômes et du bel inconnu, j'ai pris le parti de me laisser porter... et finalement la magie a opéré et c'est définitivement ce que j'adore avec Carole Martinez: ces histoires qui vous entraînent loin de ce qu'on imaginait, leur mystère et leur grâce un peu mystique, leurs oripeaux de légendes venues du passé et non pas mortes comme notre siècle voudrait nous le faire croire mais simplement endormies telle la belle dans son bois (d'épines!), ces légendes qui ne demandent que le réveil pour nimber le présent d'un rien d'angoisse et d'étrangeté...
Par ailleurs, c'est facile de se laisser porter quand la langue est aussi belle, aussi hypnotique. A l'instar de celle de Clara Dupond-Monod, la langue de Carole Martinez est une psalmodie, une mélopée qui se chuchote ou se dit à voix haute, comme une incantation. Elle est à la fois poésie, conte et prière. Chanson et mélodie. Bruit de l'eau et bruit du vent.
Et puis, dans ce conte, ce récit mystérieux, il faut saluer la multiplicité des thèmes évoqués avec beaucoup de finesse et de talent: au delà de la réflexion sur l'acte de création et d'écriture, j'ai aimé percevoir la tension entre réalité et fiction, mensonge et vérité qui se nourrissent l'un de l'autre plus sûrement qu'on croit. Création, fiction et vérité donc, mais pas seulement. Au coeur de ce roman, les femmes et l'acceptation ou le refrènement de leurs désirs, leur puissance et leur fragilité. Sans être militant, c'est plutôt fort et écrit avec beaucoup de beauté, ce qui n'exclut pas une forme d'engagement (à cet égard, j'ai beaucoup aimé le choeur des femmes à la poste, que j'ai trouvé très attachant). Enfin, les questionnement propres à la filiation qui me plaisent toujours: est-on fait de celles et ceux qui nous ont précédé? Quelle part de nous est-elle vraiment nôtre? Que doit-on de nous à nos ancêtres?
Les Roses Fauves n'apportent pas de réponses mais nous offre quelques questions -c'est plus généreux qu'on ne le croit- en même temps qu'un conte hypnotique et étrange au parfum de rose.
Mon oncle a un magnifique rosier dans son jardin, qui court le long du balcon. Lorsque j'irai respirer le parfum des fleurs, encore belles en août, j'aurai une pensée pour Lola, Marie et Inès Dolorès, tout en me méfiant des épines.
Commenter  J’apprécie          174
C'est au coeur d'un jardin espagnol extraordinaire qu'Ines Dolorès grandit et s'épanouit jusqu'à se laisser dominer par les roses vénéneuses qui prolifèrent et colonisent tout alentour.
Sa vie, elle la raconte par petits bouts dans l'un des coeurs cousus qui dorment dans l'armoire ancestrale, tradition féminine familiale dont Lola, la dernière née de la lignée, s'est faite la gardienne et l'interprète.
Ces coeurs contiennent des secrets de vie que l'auteur en personne, tombée sous le charme de Lola, va peu à peu découvrir.
Inès, espagnole rebelle et volage, Lola, bretonne d'adoption et recluse , Carole, écrivaine parisienne en quête d'inspiration forment le trio de cet étrange récit qui oscille entre réalité et fantastique, poésie et roman…de poste, passé et présent.
Carole, hébergée par Lola, qui tient justement le bureau de poste du village, va planter, tombées d'un coeur cousu, les graines de ces roses fauves, gorgées « de sang et de désir », dont la prolifération étouffe toute autre velléité végétale.
Étrange roman qui entremêle le rêve et la réalité, où les vies des unes et des autres s'enchevêtrent comme des ronces épineuses…. si bien qu'on ne peut plus démêler le qui de quoi et le quoi de qui !
Si le récit intime des aïeules confié aux coeurs cousus et celui des tricoteuses dont la poste locale est le point de rencontre m'ont incitée à aller jusqu'au bout du roman, j'ai moins aimé les réflexions personnelles de Carole Martinez sur sa vie privée, ses impulsions créatrices et ses pannes d'inspiration qui venaient « casser » le rythme et n'avait rien à voir avec l'esprit du roman….
Dommage…je n'ai pas retrouvé la magie envoûtante du Domaine des Murmures, du Coeur Cousu ou de la Terre qui penche….
Rendez vous raté donc en ce qui me concerne malgré l'indéniable talent de conteuse et le style remarquable de Carole Martinez.
Mais quelquefois, trop d'imagination peut nuire à la crédibilité d'une histoire.
Commenter  J’apprécie          162
J'avais beaucoup aimé frôlé le fantastique, et rêver avec le coeur cousu de Carole Martinez il y a quelques années déjà. J'ai donc ouvert avec plaisir les Roses Fauves.

Les Roses Fauves, c'est comme un long fil magique et envoûtant qui se déroule pour découdre et éventrer les coeurs cousus renfermant des secrets et bien rangés au fond de l'armoire bretonne de Lola. Ces coeurs de tissu brodés qui racontent l'histoire et les vies des femmes de la famille d'origine espagnole de Lola.

Les Roses Fauves c'est une histoire de transmission, mais de celles qui sont ensorcelantes. Des histoires de femmes qui se taisent et dissimulent leurs secrets sur des petits papiers enfouis dans un coeur en tissu. Des coeurs en tissu qui doivent rester fermer à jamais.

Encore une fois, j'ai été happée par l'écriture de Carole Martinez, elle m'a embarqué dans son récit entre réalité et onirisme, roman dans lequel elle est elle-même un personnage.

Car la construction des Roses Fauves est déroutante, j'ai cru rêver parfois, mais surtout j'ai voyagé parmi les mots et les coeurs d'étoffe. J'ai été ensorcelée par cette poésie aussi noire que mystérieuse et lumineuse.

Un roman comme un conte familial, brodé de liberté et de femmes, d'histoires du passé et du présent. Je ne regrette pas d'avoir ouvert les vantaux de l'imposante armoire bretonne de Lola et de m'être laissée entraîner dans le flot de tissus, de mots, de broderies fantastiques et merveilleuses .
Commenter  J’apprécie          160
Parfois dans la vie d'un lecteur, on croise des livres qui ne sont pas pour vous, mais alors pas du tout ! Prenons donc le nouveau roman de Carole Martinez, dont j'avais adoré il y a quelques années " le Domaine des Murmures", la lecture des ses "Roses Fauves", menée jusqu'au bout, m'a prodigieusement barbé. le livre serait-il raté ? Trop magique ? Trop merveilleux pour un lecteur trop terre à terre? Sans doute un peu de tout cela.

Résumons l'histoire. La narratrice, l'auteur elle-même, cherche un endroit bien précis pour situer son futur roman. En surfant sur le net, elle tombe en arrêt devant une carte postale représentant le village idéal. Sur cette photo, on aperçoit, une silhouette de femme que l'auteure imagine tout de suite boiteuse. N'écoutant que son instinct ( merci Airbnb!), elle loue un studio dans cet endroit et s'installe quelques mois pour écrire le roman. Hasard heureux ( comme dans les romans), elle devient amie avec la postière du village qui est boiteuse, en plus d'être célibataire, un poil revêche et vierge ( mais, ouf, jolie quand même). Double chance pour l'auteure, cette postière a aussi des origines espagnoles et possède ( ô joie !) dans sa grosse armoire bretonne des...coeurs cousus ! ( Pour les petits nouveaux, "Le coeur cousu" est le titre de son premier roman qui a ému des milliers de lectrices-teurs). le roman se partagera dorénavant avec les écrits que contient un de ces coeurs, l'histoire d'amour que vivra la postière avec une star de cinéma en tournage dans le secteur et d'autres histoires locales qui remonteront du passé.

Résumé ainsi, on pense à un roman à l'eau de rose sauf que nous sommes avec Carole Martinez, publiée chez Gallimard quand même, donc à mille lieues, niveau écriture, d'une Virginie Grimaldi. Les thématiques du roman sont nombreuses, allant de sujets à la mode comme la transmission, les gens de peu ( mais si beaux ), les traces du passé à des choses plus littéraires comme l'angoisse d'une auteure face à l'écriture d'un nouveau livre ou le rapport ambiguë des personnages avec sa créatrice. Mais parce que l'action se déroule en Bretagne et pour retrouver sans doute le pouffant du Kouign Amann, elle y rajoute, un peu de magie, un peu de merveilleux, un peu de poésie.

Et donc, ça m'a paru bien bourratif !
la fin sur le blog
Lien : http://sansconnivence.blogsp..
Commenter  J’apprécie          161

C'est avec enthousiasme que j'ai découvert le dernier roman de Carole Martinez reçu grâce à la Masse critique Babelio que je remercie.

Après « le coeur cousu », il est aussi question de coeurs cousus qui renferment des secrets, ceux de femmes qui se les transmettent d'une génération à l'autre avec interdiction absolue de les ouvrir.

Au fil des années, ils ont trouvé refuge chez Lola dans un petit village breton. Lola est une jeune postière insignifiante (à son avis), qui voit un signe un jour de tempête lorsque la porte de l'armoire les renfermant s'ouvre !

La tentation de découvrir ces secrets est d'autant plus grande que Lola se lie d'amitié avec une romancière (également l'auteure) en mal d'inspiration venue chercher le calme.
Toutes deux se lient d'amitié et commencent alors une exploration du passé.

Belle idée de roman ces parcours, je me réjouis de ces découvertes.

Entre conte, réalité, légende, secrets le récit prend forme au fur et à mesure que Lola et la romancière découvrent le contenu du premier coeur, des feuilles à l'écriture serrée et des graines de fleurs.

Et pourtant que m'arrive-t-il au fil des pages pour que mon enthousiasme de lecture s'émousse jusqu'à se transformer en ennui, voire en perplexité ?

J'ai vainement tenté de m'accrocher, l'écriture est poétique et certaines pages méritent une lecture attentive, je n'accroche plus, pas de magie pour la lectrice que je suis…

Les personnages et les roses semblent possédés, ensorcelés, même les fleurs dégagent un parfum nauséabond.

Il y a aussi le choeur des femmes, ces vieilles dames du village qui se retrouvent à la poste pour échanger, prétexte à débattre sur un monde qui s'ébranle face à la modernité.

Inexorablement, je me perds entre le passé, le présent, le réel et le conte.

En résumé, je suis déçue, je n'ai pas adhéré en dépit de mon admiration pour l'auteure, je suis passée à côté tout simplement, c'est dommage.



Commenter  J’apprécie          164
Envoûtant, comme tous les livres de Carole Martinez que j'ai appris à aimer. On y reconnait son fantastique, son merveilleux, sa part belle aux femmes, leurs libertés, leurs désirs mais aussi à la vie propre des objets, faune et flore qui les entourent.
Dans Les Roses fauves, se laisser porter est d'autant plus le maitre mot que l'auteure semble nous livrer de son intime, ouvrir véritablement son coeur, romancer ses peurs de pages blanches. Tout se mêle sans trop distinguer ce qui sort du réel, ce qui sort de son imaginaire. Tout ne faisant qu'un. Uni sans conteste.
C'est donc une histoire d'amour, une histoire qui remonte le temps, une histoire filiale, une histoire d'auteure, une histoire de fantôme, une histoire comme des poupées russes qui s'emboîtent et se suivent, font des petits.
C'est merveilleux et son charme opère toujours sur moi!
Commenter  J’apprécie          152
Si je devais résumer « les roses fauves « en trois mots : poétique, noir et déroutant.
Après la sortie de son livre « le coeur cousu » Carole Martinez rencontre une lectrice qui lui raconte une coutume espagnole : les femmes d'une même lignée se transmettent de mères en filles, des petits coeurs de tissus cousus où elles ont enfermé leurs secrets. Ces coeurs sont destinés à ne jamais être ouverts… L'autrice décide de faire de cette lectrice l'héroïne de son nouveau roman « les roses fauves ». C'est ainsi que Lola Cam née sous la plume de cette merveilleuse conteuse qu'est Carole Martinez. Elle fait de Lola une postière boiteuse ne vivant qu'au rythme des saisons et de son jardin, elle n'a jamais connu l'amour, mais s'en fait une vague idée.
L'autrice fait la rencontre de Lola et de son armoire, où dorment les secrets de ses aïeules, ensemble, elles découvrent qu'un de ces coeurs est effiloché, entre culpabilité et curiosité, elles commencent à lire ces petits bouts de papier qui tissent l'histoire d'une vie, d'une famille, d'un héritage…
Carole Martinez nous livre un pan du destin de ces femmes et offre une tribune à leurs voix, en faisant résonner leur envie de liberté qui s'est souvent transformée en renonciation. Est-ce que l'histoire est faite pour se répéter ? C'est ce que tentera d'élucider Lola à travers la lecture de ce coeur déchiré. J'ai beaucoup aimé ce livre, j'ai parfois été un peu perdue dans son cheminement, l'autrice installe sa propre histoire dans l'histoire, on navigue entre réalité et imaginaire. La première partie m'a complétement plongé dans le roman, et puis il y a une autre histoire qui se chevauche à la première, il ne faut pas décrocher car le tout forme un roman merveilleux et puissant, une lecture qui résonne bien après avoir tourné la dernière page.
J'avais envie de découvrir Carole Martinez depuis longtemps, ce livre prolonge mon envie de lire « le coeur cousu » et « le domaine des murmures ».
Commenter  J’apprécie          150
Il y a quelques années, j'ai écouté le conseil de lecture d'une personne que je connaissais, emprunté le coeur cousu de Carole Martinez à la bibliothèque et été happée par cette histoire touchante et magique. le coeur cousu, premier roman de l'autrice, a été récompensé par quinze prix littéraires, dont le prix Renaudot des lycéens en 2007. Depuis, je garde cette histoire dans mon coeur et je réalise que je travaille désormais dans cette bibliothèque que j'aimais tant – comme quoi la vie peut nous faire prendre d'étranges chemins…

Lorsque je suis tombée sur Les roses fauves et que j'ai découvert le résumé, je n'ai pas résisté – tant pis pour ma Pile à Lire débordante. Ce roman avait un lien avec le coeur cousu, j'étais obligée de m'y intéresser.

Carole Martinez explique qu'après la sortie du Coeur cousu, une lectrice lui a parlé d'une coutume espagnole consistant pour les femmes à broder un coeur dans lequel elles glissaient leurs secrets avant de mourir et de le confier à l'aînée de la famille. Séduite par cette histoire, elle a décidé de la raconter, faisant de cette lectrice un personnage et se glissant elle-même dans le roman.

Dans Les roses fauves, Carole Martinez s'installe quelques mois pour écrire dans un petit village de Bretagne, attirée dans ce lieu par une vieille photo. Sur place, elle fait la connaissance de Lola, la postière. Lola est austère, persuadée qu'elle finira seule, sans enfant, sans homme et avec son jardin qu'elle aime tant. Elle vit seule avec les coeurs cousus de ses ancêtres. Un soir, Carole Martinez va lui traduire les secrets d'un coeur qui a éclaté, répandant les petits papiers et un sachet de graines dans son armoire. Les graines plantées vont donner naissance à un rosier sauvage, qui va pousser en une nuit, répandre ses fleurs qui sentent la mort et changer Lola à jamais.

Les roses fauves est un récit entre réel et fable, un peu comme l'était le coeur cousu. Une très belle histoire, un récit qui nous porte et nous emporte avec Lola, ses aïeules, ces curieuses roses qui envoûtent les hommes. A lire si vous avez aimé le coeur cousu et sinon je suis certaine qu'après avoir lu Les roses fauves, vous vous tournerez vers le premier roman de l'autrice. J'en suis certaine.
Lien : https://mademoisellemaeve.wo..
Commenter  J’apprécie          151
Pas facile de raconter ce livre là... Il est tellement riche !

Cette histoire a pour point de départ une tradition espagnole : chaque femme, au moment où elle sent que la mort approche, confesse sa vie, ses regrets, ses remords, ses rêves, sur des petits morceaux de papier qu'elle enferme ensuite dans un coeur brodé. Et à sa mort, c'est sa fille ainée qui hérite de ce coeur. La protagoniste principale de ce roman se nomme Lola Cam, elle est postière, vit en Bretagne, elle est boiteuse, ne s'autorise que peu de fantaisie, à part peut être un carré de ronces dans son précieux jardin, et est l'héritière des coeurs laissés par ses aïeules.
Entremêlée à l'histoire de Lola Cam se trouve tout simplement l'histoire de l'auteure de ce roman, Carole Martinez. Elle raconte comment, afin d'écrire un livre se basant sur l'histoire de Barbe-bleue, elle s'est trouvée "appelée" par une vision et s'est installée pour 3 mois dans un petit village de Bretagne, en laissant à Paris mari et enfants. On ne peut que s'interroger sur la part autobiographique de ce voyage.

De nombreux thèmes s'entrecroisent : les fantomes, la puissance des souvenirs et des traditions, la sensualité, le rapport à la nature, l'amour éternel ou encore le processus d'écriture de l'auteure.

On découvre également à la lecture de ce livre l'origine du titre, les roses fauves, et leur pouvoir aussi puissant que leur parfum.
Enfin, ce roman est un voyage au travers du XXè siècle, il y est question de la première guerre mondiale comme de la guerre d'Espagne, en suivant des générations de femmes qui perpétuent, parfois sans le vouloir, les traditions séculaires.
Commenter  J’apprécie          150
Lire le roman de Carole Martinez en avant-première est un privilège et surtout un immense plaisir dont je remercie les éditions Gallimard et l'opération Masse Critique de Babelio !

Lorsque je commence un roman de Carole Martinez, ça me fait comme un froufroutis d'abeilles dans le ventre, tant je suis impatiente de pousser la porte du monde que ses mots ouvrent devant moi. Je sais qu'en la compagnie de ses personnages je vais traverser les miroirs du temps, du réel et de la fiction. Je sais que je pars pour une aventure exaltante dont je sortirai enrichie de mille trésors moirés. Je sais tout cela et pourtant je suis toujours médusée du foisonnement des ricochets narratifs qui jouent à merveille de toutes les ressources de la langue et de l'étroite imbrication entre réel et fiction.
Avec "Les roses fauves", son dernier roman, l'auteure nous entraîne au coeur de la création littéraire, dans un labyrinthe romanesque époustouflant. La trame narrative et la récurrence des motifs servent de fils d'Ariane, parfois tendus à l'extrême, parfois si arachnéens que l'on croit les perdre et se perdre, mais la conteuse possède une telle maîtrise de son art qu'elle sait nous rattraper et nous réorienter dans ce réseau si dense d'histoires entrelacées. Les arabesques narratives s'enroulent sur elles-mêmes et la lecture se fait jeu. Un jeu qui cache pour mieux révéler.
La narratrice du récit-cadre se nomme Carole, est écrivain et s'installe pour quelques mois à Trébuailles, en Bretagne, pour y écrire son deuxième roman inspiré par "Barbe-Bleue". C'est une simple carte postale qui l'a attirée là, l'image d'une silhouette de femme qui s'éloigne dans le village. Une femme qui semble boiter. Alors que sa première oeuvre s'intitule "Le coeur cousu", voilà que Carole fait la connaissance de Lola Cam, la postière dépositaire des cinq coeurs cousus de ses aïeules. A l'intérieur de chacune de ces enveloppes au tissu érodé, des dizaines de petits papiers gardent les secrets que ces femmes ont écrits juste avant de mourir. La tradition veut que ces coeurs soient transmis à la fille aînée avec interdiction de les découdre. Mais lorsque l'un des coeurs, trop usé, laisse échapper les confidences d'Inès Dolorès, trisaïeule de Lola, comment ignorer ces "cris du coeur" ?
Avec la lecture des papiers pliés, le passé s'insinue dans le présent, la fiction vient troubler la réalité en lui donnant une autre profondeur et en remodelant les destinées des personnages. Comme un choeur antique, les vieilles femmes du village commentent les évènements, évoquent les vies et morts de ceux qui deviennent la matière romanesque de l'auteure. D'une génération à l'autre, les motifs se répètent, les femmes sont boiteuses, les hommes sont fous d'amour et en meurent, les enfants sont conçus par l'ombre portée des morts. A Trébuailles, on trébuche au moment des épousailles. Des graines de roses vieilles de plus d'une centaine d'années fleurissent en quelques jours et exhalent un parfum maléfique pour les écrivains trop enracinés dans leurs histoires.
A l'image de ces rosiers-ogres, de ces rosiers-fauves qui accaparent tout l'espace, qui débordent du passé vers l'avenir, qui traversent le vrai, le vraisemblable et le chimérique avec la même force dévorante, qui distribuent la vie comme la mort, l'amour comme la haine, le roman de Carole Martinez étend ses racines et ses ramifications dans de multiples directions interprétatives et happe le lecteur jusqu'à lui faire ressentir les épines des destins froissés. Roman de métamorphoses reflétées par les variations de l'écriture, roman-conte, roman-univers, "Les roses fauves" s'abreuve à toutes les sources de l'imaginaire et dévoile la féconde porosité des frontières entre la réalité et la fiction. L'auteure dessine une narratrice en quête de personnages, une narratrice sur le point d'être envahie par son invention, et laisse au lecteur le plaisir infini de faire "[ses] choix en lisant". Lola devient ainsi "un bouquet composé à partir de mots écrits, et de [nos] propres souvenirs, de [nos] matériaux intimes. Elle sera notre oeuvre commune, notre enfant, conçue dans le mitan du livre où nous dormons ensemble, lecteur et auteure, mêlés dans un même nid de ronces" (p.31).
Mais c'est aussi, et peut-être surtout, un grand roman de l'amour-amor-à mort vécu par des femmes qui marchent, qui boitent... et qui meurent en brodant leurs secrets. Un roman que l'on en finit pas d'explorer car le lacis de significations ne cesse de se reconfigurer par des mises en relation différentes.

Un roman proliférant et absolument éblouissant !

Commenter  J’apprécie          151




Lecteurs (1549) Voir plus



Quiz Voir plus

L'oeil du témoin

Comment se nommais la bibliothécaire ?

Mathilde
Marguerite
Nathalie

7 questions
22 lecteurs ont répondu
Thème : L'oeil du témoin de Carole MartinezCréer un quiz sur ce livre

{* *}