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3,5

sur 753 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
On se souvient avec bonheur du « Coeur cousu » ou du « Domaine des murmures », et un nouveau livre de Carole Martinez à l'occasion de la rentrée littéraire est toujours attendu avec impatience.
Le coeur cousu, justement, parlons-en.
Carole Martinez ne se doutait pas, après une lecture dans une librairie, qu'une lectrice viendrait lui dire que ces coeurs cousus existent bel et bien sous forme de traditions du fond de l'Espagne : avant de mourir, une femme confie ses secrets sur de fines bandelettes de papier, qu'elle cout ensuite à l'intérieur d'un tissu en forme de coeur, confiant ses récits intimes à l'éternité.
A moins que quelqu'un ne découse les liens de tissu, mais il n'est pas dans la tradition de trahir les morts.
A partir de cette découverte, Carole Martinez tisse à son tour une histoire, ou plutôt deux histoires, l'une enchâssée dans l'autre :
Nous partons donc en Bretagne, où elle imagine une postière bretonne, prénommée Lola, qui n'a « rien pour elle » et qui boite. Elle se rend tous les jours à son bureau de poste, vit seule dans le logement de fonction attenant, et n'aurait « rien de particulier à raconter » si ce n'est que son armoire recèle cinq coeurs cousus issus de sa famille espagnole.
La narratrice, qui est aussi l'autrice, va faire sa connaissance, et n'aura de cesse que de découvrir les secrets enfouis dans les coeurs. Or le premier, celui fait de tissu à paillettes, s'effiloche et laisse entrevoir quelques bandelettes de papier. Lola et la narratrice vont ensemble déchiffrer la petite écriture…
Commence alors la seconde histoire, celle de Dolores Ines, fille mal aimée par une mère qui s'est suicidée, enfermée par son père dans un jardin couvert de roses, qui décide un jour de s'échapper par le vaste monde, parce qu'un jour un cheval s'est égaré dans son jardin, et qu'elle s'est éprise du beau cavalier qui le montait …
Et voici que s'ouvre une troisième histoire, en effet miroir : Lola va progressivement s'ouvrir à la vie et au désir, elle aussi, avec un dénommé William D.H., un acteur réputé qui joue un soldat de la Première guerre mondiale, un dénommé Pierre auquel il s'identifie peu à peu et puis totalement.

On retrouve bien ici tous les thèmes chers à Carole Martinez : son goût pour la couture comme pour la nature, la présence des fleurs et leurs senteurs, la sensualité et tout ce monde à la frange du fantastique – le merveilleux - qui fait sa marque de fabrique.

Mais ici les fleurs ne sont pas sympathiques, elles sont même vénéneuses. Ici ce sont les effluves générées par ces étranges roses, dont les graines étaient dans le coeur cousu, qui mettent à mal la narratrice. On songe à Boris Vian et à « l'écume des jours » dans lequel Chloé est victime d'un « nénuphar » qui lui dévore le poumon.

Mais d'où vient alors ce sentiment que Carole Martinez ne parvient pas vraiment à entrer dans son histoire, qu'elle reste sur le seuil, observant ses personnages, sans vraiment les animer ? Et pourquoi nous abreuver de ces « Making of » d'écrivaine, quitte à nuire à la fluidité des deux histoires qu'elle nous déplie ?
La réponse vient peut-être page 220, de l'autrice elle-même : « Il me semble que je ne désire plus rien que ce livre que je n'arrive pas à écrire ». Nous y voilà.
Je ressors perplexe de cette lecture. J'ai l'impression qu'elle est partie sur une « fausse bonne idée » : celle d'imaginer le contenu de ces coeurs cousus espagnols, mêlé à l'histoire de cette Lola bretonne qui boite et qui devient subitement l'amoureuse improbable d'un acteur star de cinéma. Et ses propres errances et hésitations en tant qu'autrice n'apportent rien au récit en définitive.
Merci à Babelio et aux Editions Gallimard de m'avoir envoyé cet exemplaire via Masse critique.
Je garde un sentiment mélangé donc, avec le souvenir de quelques beaux passages, mais assorti d'une certaine déception en refermant ce « coeur décousu » où je n'ai pas retrouvé la magie du « Coeur cousu » précédent.
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Après la découverte émerveillée de ses trois premiers romans et deux inoubliables rencontres avec elle, nul besoin de préciser que j'attendais Carole Martinez et ses Roses fauves en trépignant d'impatience.

Et maintenant, quand la déception est là, je fais quoi ?
Qu'est-ce que donc quoi s'est-il passé, dites, Carole ?
Qu'est-il arrivé à votre lyrisme si singulier ?
A la poésie de vos textes ?
A la magie de vos mots ?

Certes voilà un livre original, à l'imaginaire aussi luxuriant que celui qui toujours définissait vos oeuvres précédentes, sauf que là, pour ma part, j'ai été incapable d'entrer dans l'histoire. Dans les histoires plutôt, puisque ce récit s'éparpille – beaucoup trop à mon sens – dans un enchevêtrement de mystérieux destins féminins qui m'ont définitivement perdue.

Alors, qu'est-ce que donc quoi s'est-il passé, dites, Carole ? Parce que moi ça m'a fait comme un petit coup de mou là, j'avoue.


Ҩ


Avec toutes mes confuses pour le petit retard, un grand merci aux Editions Gallimard et à Babelio Masse critique pour cet envoi que, malgré tout, je ne regrette pas.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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La narratrice est à la recherche de l'inspiration, et se déniche un gîte en Bretagne, loin de sa famille pour commencer un roman sur Barbe-Bleue, dans une petite ville choisie à la suite d'un coup de coeur pour une carte postale représentant une jeune femme qui boite.

Elle fait ainsi la connaissance de Lola qui travaille au bureau de poste. Cette dernière l'invite à dîner un samedi soir chez elle. Elle habite seule au-dessus du bureau de poste, et accorde une attention particulière à son jardin, ainsi qu'à son intérieur entretenu de manière quasi obsessionnelle. Rien ne dépasse….

Elle possède une immense armoire, héritage familial dans laquelle reposent des coeurs brodés par les femmes de la famille : la fille aînée hérite d'un coeur cousu par sa mère (et ainsi de génération en génération) dans lequel elle a enfoui ses secrets écrits sur des petites morceaux de papier, et cousu ensuite avec soin. Il est interdit de les ouvrir, sous peine de s'attirer une malédiction.

Un des coeurs s'est déchiré en tombant une nuit où il y avait du vent… et l'auteure et Lola vont lire les secrets de l'aïeule, Inès Dolorès. Les petits mots sont numérotés pour la plupart, mais certains ne l'étant pas il sera plus difficile de retrouver la chronologie.

J'ai aimé l'histoire d'Inès Dolorès, parcourir son enfance, ses histoires d'amour, dans l'Espagne à différentes époques et je m'attendais à découvrir les secrets des autres femmes.

En fait, l'auteure nous entraine ailleurs, vers une histoire d'amour en Bretagne au moment de la première guerre mondiale, en entremêlant un récit autour de Lola qui tombe amoureuse, sur fond de roses sauvages au parfum toxique qui rend tout le monde plus ou moins dingues…

Et, pour corser le tout, Carole Martinez nous raconte sa vie, nous interpelle au passage pour nous faire entrer dans l'histoire et nous laisse en plan au beau milieu.

J'ai tenu à terminer ce roman parce que j'ai voulu laisser une chance à l'auteure dont j'ai tellement aimé « du domaine des murmures » et « La terre qui penche » mais cela m'a coûté, et j'ai été très déçue par cette lecture, d'autant plus que l'autofiction et moi, cela fait deux. C'est bien écrit, c'est certain, mais on se croirait dans un atelier d'écriture consacré à l'absurde…


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C'est à Trébuailles, loin de son mari et de ses enfants, que Carole Martinez a décidé de s'exiler afin d'écrire son prochain roman, une réécriture de Barbe-Bleue. Elle n'a pas choisi cet endroit par hasard, mais guidée par une vieille carte postale où l'on peut voir ce village breton et une de ses habitantes que l'auteure imagine solitaire et boiteuse. Mais sur place, son roman lui échappe, Barbe-Bleue se refuse à elle. Heureusement, elle fait la connaissance de Lola Cam, la postière de Trébuailles. Mal habillée, un brin revêche, célibataire et boiteuse (!), Lola pourrait être sans intérêt si elle n'avait, au fond de son armoire bretonne, les cinq coeurs cousus de ses aïeules. Car, selon une tradition espagnole, les femmes de sa famille, au soir de leur vie, ont enfermé leurs secrets les plus intimes dans un coeur cousu à la main, avec la certitude que leurs confidences resteraient scellées pour l'éternité. Or, le coeur en taffetas noir s'est décousu. Lola ne lirait pour rien au monde ce qu'il contient mais sa nouvelle amie Carole…

Carole Martinez nous invite au coeur de son imagination et de son travail de création littéraire. Elle se met en scène dans un roman où se croisent les époques, les personnages les plus improbables et sa touche personnelle, mêlant merveilleux et fantastique.
L'histoire, ou plutôt les histoires, partent dans tous les sens. C'est à si perdre, entre le destin d'Ines Dolores, l'aïeule de Lola, l'irruption dans la vie de la postière d'un acteur qui joue le rôle de Pierre, un soldat de la première guerre mondiale, le véritable Pierre et son histoire d'amour impossible avec Marie la boiteuse, les fameuses roses fauves au parfum vénéneux, etc., etc. Les histoires s'imbriquent les unes dans les autres et les esprits cartésiens resteront malheureusement sur leur faim. Il faut se laisser porter par la faconde de l'auteure, entrer dans son univers magique sous peine de rester sur le bord du chemin. Car si Carole Martinez est une formidable conteuse, elle s'est peut-être laissée un peu débordée par son imagination fertile et son roman est moins abouti que les précédents. Chaque histoire aurait mérité d'être approfondie, Ines Dolores et ses filles auraient même mérité un roman rien que pour elles. Et à quoi bon se mettre en scène, raconter les affres du travail d'écrivain ? D'autres l'ont fait avant elle, mieux ou moins bien, peu importe, cela ne fait que nuire au rythme propre du roman.
Bref, cette lecture a été une petite déception.
Un grand merci tout de même à Babelio et aux éditions Gallimard.

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Qui trop étreint mal embrasse !

Histoires de femmes et de roses. Mais trop de femmes, trop de roses, trop d'histoires. Il y a la jeune postière célibataire, le choeur des vieilles du village, la romancière parisienne tout juste arrivée. Et aussi les aïeules de la postière dont les secrets sont enfermés dans des coeurs de tissu, sans oublier l'énigmatique boiteuse de la carte postale. La coupe est déjà bien pleine, mais Carole Martinez en rajoute encore avec cette histoire à l'eau-de-rose de l'acteur américain. Et là c'est vraiment l'overdose et je me suis même mise à détester les roses.

Quelques beaux passages néanmoins comme l'histoire atypique de la grand-mère espagnole qui célèbre la liberté d'aimer et les chants espagnols et comme l'amitié qui se noue entre la postière et la romancière. Mais globalement j'ai trouvé l'écriture trop travaillée et trop lisse, ce qui établit une distance avec les histoires et entrave l'élan de sympathie que j'aurais pu éprouver pour toutes ces femmes-fleurs.

J'aurai préféré que l'auteure ne se limite qu'à une ou deux histoires et en exploite tout le potentiel. Non, ici tout est survolé et il est difficile de déceler les intentions de l'auteure. Par exemple, sur la fin du livre, j'étais surprise de la réaction de la postière: l'auteure ne nous y avait pas préparés et du coup cette réaction parait peu crédible. J'aurai aimé accompagner un peu plus la jeune femme dans son chemin vers la libération.

Mais qui suis-je pour dicter ainsi mes desiderata ?
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Je me souviens de ma lecture de du domaine des murmures de Carole Martinez et de la façon dont elle m'avait embarquée dans son univers, je me revois installée dans le jardin, dans une chaise longue à mettre en images les mots, l'époque, les personnages.. J'ai depuis des années le coeur cousu dans ma PAL (je crois depuis sa sortie en édition de poche) mais toujours pas lu malgré les éloges lues ici et là....

Alors c'est avec plaisir que j'ai pris ce roman à lire dans la sélection du Comité de lecture étant pratiquement sûre de trouver du plaisir dans cette histoire de femmes et..... et bien la magie n'a pas autant opéré cette fois-ci.

L'idée de la mise en abyme de son propre personnage, elle, l'auteure, partit en Bretagne pour la rédaction d'un prochain roman avec en toile de fond le conte de Barbe-bleue et sa rencontre avec une préposée aux postes boiteuse du nom de Lola Cam et des femmes pipelettes qui tiennent salon dans la poste avec leurs tricots était intéressante mais elle l'étoffe de l'histoire des aïeules de Lola ayant reçu en héritage, à l'intérieur une armoire, des coeurs cousus contenant sur des petits papiers leurs souvenirs ou pensées jamais avoués, le tout avec une romance style roman-photos entre un très beau comédien américain et Lola le tout sur fond de parfum enivrant de roses et vous obtenez un roman, certes, original mais dans lequel je me suis perdue et sentie frustrée.

Et pourtant il y avait dans cette histoire tous les ingrédients pour me plaire : des destins féminins troublants, transmissibles, teintés d'histoire et d'amour endeuillé, de liberté, des évocations de fleurs magiques et ensorcelantes et finalement arrivée à la fin de ma lecture, j'ai un peu de mal à m'y retrouver, à comprendre l'intérêt de son propre personnage en dehors du fait qu'il lui permet la rencontre avec Lola.

Je garderai le souvenir de cet univers oscillant entre réel, imaginaire et magique que créée l'auteure, avec une écriture poétique avec des personnages troublants, des femmes aux caractères forts et volontaires mais j'aurai préféré moins de personnages mais plus fouillés, m'attarder plus longuement avec eux, sur leurs histoires, mieux suivre leurs vies car finalement nous n'en connaissons qu'un court moment alors qu'ils avaient sûrement plus à dire. Exemple : Inès ou les personnages de Pierre et Marie, dont l'histoire m'a émue, qui sont certes utiles au récit mais pour lesquels je reste sur ma faim.

Il est très en vogue pour les auteur(e)s de se mettre en scène actuellement (David Foenkinos, Emmanuel Carrère) dans leur travail d'élaboration d'un roman mais cela n'offre pas toujours un intérêt et retire finalement de la fluidité au récit. Ah les affres de l'écriture !

Alors oui j'ai aimé, pour l'ambiance générale, pour cette lignée de femmes, pour la manière dont Carole Martinez se fait conteuse et raconteuse d'histoires, mais je vais en garder un souvenir confus, trop superficiel et si vous me demandez dans quelques temps de vous parler de tel ou tel personnage je crois que j'aurai bien du mal à en définir les spécificités.

J'ai aimé mais j'ai été déçue.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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J'ai courru acheter le dernier livre de Carole Martinez dès que j'ai eu vent de sa sortie, tant j'avais aimé ses trois précédents romans. C'était donc avec beaucoup d'attente que je me suis plongée dans ce roman, mais je suis restée à la surface ! Carole Martinez m'a un peu perdue, dans ces histoires croisées où il est difficile de se retrouver. La magie de l'écriture de Carole Martinez a eu du mal à opérer, tant ses aller-retour entre les personnages et les époques empêchent de se plonger vraiment dans une histoire. Il y a d'ailleurs plusieurs histoires, dont celle de la grand-mère espagnole venue à pied en France, qui aurait gagné à être approfondie et même à être le sujet du livre. D'autre part le lien entre tous ces personnages n'est pas évident.
Déçue par ce nouveau roman dans lequel je n'ai pas retrouvé la magie de l'écriture et l'ambiance spéciale créée par l'auteure dans ses précédents livres et qui m'avait tant conquise.
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Dans "Les roses fauves", Carole Martinez se met en scène sous les traits d'une écrivaine en quête d'inspiration, partie s'isoler dans un petit village de Bretagne après l'avoir découvert en carte postale sur internet. Elle y fait la rencontre de Lola Cam, la postière un brin coincée mais surtout passionnée par son jardin. Dans la famille espagnole de Lola, les femmes se transmettent un lourd héritage, un coussin en forme de coeur dans lequel chacune d'elles avant de mourir a rassemblé les secrets de sa vie, écrits sur des bouts de papier. Parmi les cinq légués par ses aïeules, c'est celui de son arrière grand-mère que Lola décide de montrer à celle qui a écrit "Le coeur cousu" bien avant d'en connaître la tradition. Les coutures de l'ouvrage usées par le temps ayant cédé, les secrets contenus sont désormais visibles et l'histoire des femmes de la lignée de Lola va devenir source d'inspiration pour l'écrivaine.

Avec ce titre, Carole Martinez prolonge en quelque sorte son premier roman. J'y retrouve avec bonheur le style tantôt flamboyant et poétique, tantôt charnel ou macabre, qui est la signature de l'auteure. Une nouvelle fois, elle jongle avec la frontière entre réel et imaginaire. Si ce n'est pas ce que je préfère dans les histoires contemporaines, mon principal reproche est surtout celui d'en avoir trop fait : pourquoi ne pas s'être contentée de s'intéresser à ces femmes espagnoles et à leurs difficultés rencontrées dans la relation avec leur propre fille ? J'ai toléré les diversions sur la complexité de l'écriture d'un roman évoquée par l'auteure. Mais alors que le livre avait si bien commencé, pourquoi soudainement, créer une autre histoire et quitter la guerre d'Espagne pour la guerre 14-18, en intégrant celle de Pierre et Marie. Je n'ai pas cru un instant à ce personnage d'acteur opportuniste et l'omniprésence de ces roses ensorcelantes m'a au final donné la migraine.

Une chose est certaine, je suis assez divisée concernant les productions de Carole Martinez. J'avais adoré "La terre qui penche" et "Du domaine des murmures" car je trouve que le côté onirique sied parfaitement à la période médiévale. "Le coeur cousu" m'avait nettement moins convaincue et il en est malheureusement de même pour sa suite à laquelle j'accorde un 11/20. C'est surtout le style, parfois véritable poésie, que je salue.
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Lola Cam est la postière d'une petite ville de province. Solitaire, boiteuse, elle mène une vie réglée et très sage entre son métier et son jardin. Mais tout cela n'est peut-être qu'une apparence. « Des coeurs de tissu – gros des secrets des mères, hantent les nuits de Lola Cam. » (p. 5) Dans l'imposante armoire de sa chambre, elle garde les coeurs brodés où ses aïeules ont enfermé leurs histoires. Celle de Lola bascule quand un des coeurs éclate et répand les secrets et des graines de rose au parfum sauvage. En découvrant le passé d'Inès Dolorès, Lola ouvre la porte au désir. « Hors du jardin, j'ai découvert le monde, il m'a écorché les pieds. » (p. 102) Encouragée par la narratrice/autrice, la jeune femme s'ouvre à la vie.

Dans ce roman, il y a de jeunes amants morts, des femmes avides de plaisir et des fantômes. Il y a aussi de la magie, celle du cinéma et de l'amour, et des fleurs qui envahissent tout. Hélas, dans cette multiplicité d'histoires qui se chevauchent, il m'a manqué quelque chose. Chaque intrigue aurait mérité un développement plus profond et pas une collision avec des sujets tout aussi fascinants. Et surtout, cette lecture confirme mon peu d'attrait pour l'autofiction et les récits où l'artiste s'étudie en train de créer. « Il me semble que je ne désire plus rien que ce livre que je n'arrive pas à écrire. » (p. 171) Suivre le processus de production pendant que celle-ci se fait ne m'intéresse pas : je veux voir l'oeuvre achevée, et éventuellement en apprendre plus par la suite sur sa création.

Les roses fauves est une lecture manquée pour moi qui ai tant aimé du domaine des murmures ou La terre qui penche de Carole Martinez.
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S'il est une conteuse contemporaine dont je ne rate aucun roman depuis que je les ai découverts, c'est bien Carole Martinez et je m'abreuve de ses histoires singulières, étranges même, comme d'une eau de source claire.
Aussi, lorsque Babelio et les éditions Gallimard m'ont proposé de recevoir son dernier ouvrage "Les Roses Fauves", j'ai accepté, fébrile et impatiente. Ainsi, merci à eux pour cet envoi et le parfum de roses un peu lourd qui me hante depuis.
Les romans de Caroles Martinez ont toujours en eux quelque chose d'étrange, de mystérieux, de beau et de cruel qui relève du conte, qui lorgne un peu vers le fantastique, la légende. L'inexplicable. "Les Roses Fauves" ne fait pas exception et et nous entraîne dans une intrigue tissée de brumes et de parfums. Si pour moi "La Terre qui penche" était dans la droite lignée du "Domaine des Murmures", "Les Roses Fauves" se réclame d'une filiation logique avec "Le Coeur Cousu" dont il est pourtant bien différent.
Dans "Les Roses Fauves", l'auteur se met elle-même en scène et se fait à la fois narratrice et personnage de son roman qui fait aussi la part belle à Lola, la postière un peu froide et mal fagotée d'un village breton où s'est installée la romancière pour quelques mois, le temps pour elle d'écrire son nouveau roman, une réécriture de "Barbe-Bleue". Ce village, elle y a atterri un peu par hasard et beaucoup par fascination: une ancienne carte postale représentant le bourg et une femme boiteuse, voilà de quoi accrocher l'imagination... Pourtant et malgré ce cadre parfait, l'écrivain peine à écrire, à accoucher de son histoire dont -cela elle en est certaine- la boiteuse de la carte postale sera l'héroïne.
Un jour de désoeuvrement, elle se rend à la poste du village, lieu de rendez-vous de toutes les vieilles femmes du village et de leurs conversations de jeunes filles. Quelle n'est pas sa surprise de se rendre compte que la postière, Lola, boite elle aussi. Irrémédiablement attirée par cette femme silencieuse, discrète qui semble n'aimer que sa solitude et son jardin soyeux mais bien ordonné, l'auteur apprivoise la postière et elles deviennent amies. Lola a un secret qu'elle révèle entre deux gorgées de calva et les effluves de son kig ar farz: de sa mère et de ses aïeules espagnoles, elle a hérité quatre coeurs, quatre coeurs cousus de tissus colorés et de secrets. C'était une tradition en Espagne: lorsqu'une femme sentait la mort venir, elle cousait un coussin en forme de coeur qu'elle rembourrait de petits papiers sur lesquels elle avait écrit ses secrets. La fille aînée devenait la dépositaire du coeur et ne devait jamais ô grand jamais l'ouvrir pour mettre au jour ses secrets d'encre, de sang et de papier. Lola sent que sa vie l'étouffe puisqu'elle passe à côté et que les coeurs battent de plus en plus furieusement derrière la porte close de l'armoire de noces dans laquelle elle les a enfermés, qu'il faut trahir l'antique promesse et écouter ce qu'ils ont à dire. Qu'il faut percer ces coeurs palpitants tout de paillettes et de lambeaux colorés. Mais elle ne le fera pas seule. Sa nouvelle amie, qui y voit matière à nourrir son nouveau roman, lui propose de le faire avec elle. C'est ainsi qu'elle brise l'un des coeurs et les papiers qu'il renfermait leur murmure l'histoire de l'aïeule de Lola. Une histoire de jardin et de faux frêne, d'un sculpteur devenu fou, d'un amour fou qui mène à la mort, d'une corde et d'une encyclopédie, d'une voix flamenca, de désir et de corps qui se découvre, de maternité, de fantômes et de tombeau, de guitare, de jouissance et de guerre. Et de roses. de roses au parfum capiteux. de roses à l'éclat de sang et de velours. de roses dont les épines emprisonnent et puis tuent. Une histoire en forme de conte cruel et d'hymne à la féminité, qui s'écrit avec le sang que font jaillir les épines et les passions que le parfum enivre. A la fin de l'histoire, Lola et l'auteur plantent les graines qu'Inès Dolorès avait laissé dans le coeur. Dès lors, c'est une étrange floraison qui envahit le jardin bien ordonné de Lola et tout le village, Lola qui se métamorphose, comme si le destin révélé se répétait avec elle... C'est alors qu'entrent dans la danse les fantômes du village, les ombres d'une autre boiteuse et d'un soldat fou amoureux fauché par la guerre et la haine. Les passés s'épousent et s'embrasent, enserrent le présent à l'étouffer et la narratrice assiste impuissante, inquiète mais fascinée à cette danse de l'amour et de la mort qu'il lui faudra bien écrire après s'être débarrassée de ses cauchemars et des roses fauves.
"Les Roses Fauves" est un roman très riche, intense, dense et on ne sait pas toujours où il compte nous mener. Il nous perd en route, s'arrête en bordure d'un chemin évident avant de bifurquer vers un sentier d'épines. Si au début, j'ai été un peu déçue que les coeurs ne prennent pas l'importance que leur conféraient la quatrième de couverture et -il faut bien le dire- mes fantasmes et attendus de lectrice, si je me suis surprise à penser que tout cela partait dans tous les sens avec l'arrivée des fantômes et du bel inconnu, j'ai pris le parti de me laisser porter... et finalement la magie a opéré et c'est définitivement ce que j'adore avec Carole Martinez: ces histoires qui vous entraînent loin de ce qu'on imaginait, leur mystère et leur grâce un peu mystique, leurs oripeaux de légendes venues du passé et non pas mortes comme notre siècle voudrait nous le faire croire mais simplement endormies telle la belle dans son bois (d'épines!), ces légendes qui ne demandent que le réveil pour nimber le présent d'un rien d'angoisse et d'étrangeté...
Par ailleurs, c'est facile de se laisser porter quand la langue est aussi belle, aussi hypnotique. A l'instar de celle de Clara Dupond-Monod, la langue de Carole Martinez est une psalmodie, une mélopée qui se chuchote ou se dit à voix haute, comme une incantation. Elle est à la fois poésie, conte et prière. Chanson et mélodie. Bruit de l'eau et bruit du vent.
Et puis, dans ce conte, ce récit mystérieux, il faut saluer la multiplicité des thèmes évoqués avec beaucoup de finesse et de talent: au delà de la réflexion sur l'acte de création et d'écriture, j'ai aimé percevoir la tension entre réalité et fiction, mensonge et vérité qui se nourrissent l'un de l'autre plus sûrement qu'on croit. Création, fiction et vérité donc, mais pas seulement. Au coeur de ce roman, les femmes et l'acceptation ou le refrènement de leurs désirs, leur puissance et leur fragilité. Sans être militant, c'est plutôt fort et écrit avec beaucoup de beauté, ce qui n'exclut pas une forme d'engagement (à cet égard, j'ai beaucoup aimé le choeur des femmes à la poste, que j'ai trouvé très attachant). Enfin, les questionnement propres à la filiation qui me plaisent toujours: est-on fait de celles et ceux qui nous ont précédé? Quelle part de nous est-elle vraiment nôtre? Que doit-on de nous à nos ancêtres?
Les Roses Fauves n'apportent pas de réponses mais nous offre quelques questions -c'est plus généreux qu'on ne le croit- en même temps qu'un conte hypnotique et étrange au parfum de rose.
Mon oncle a un magnifique rosier dans son jardin, qui court le long du balcon. Lorsque j'irai respirer le parfum des fleurs, encore belles en août, j'aurai une pensée pour Lola, Marie et Inès Dolorès, tout en me méfiant des épines.
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