Du trottoir aux débuts du minitel rose en passant par les salons de massage, une équipe d'ethnologues trace le portrait de la prostitution Lyonnaise dans les années 90. Par de nombreux entretiens avec les concerné·e·s, les associations et parfois les clients, les auteur·e·s analysent les évolutions en marche suite à l'arrivée du minitel rose et l'augmentation du nombre de prostitué·e·s travestis et transgenres.
Sans misérabilisme, ils étudient les différents parcours d'entrée dans la prostitution, les relations avec les clients/les collègues/la police, les rapports hommes/femmes vus de l'intérieur et de l'extérieur du milieu prostitutionnel, les différence de vécu selon qu'on soit femme/homme/cisgenre/transgenre, les options de sortie.
J'ai trouvé ce livre passionnant, malheureusement un peu vieux, notamment car les lois ont beaucoup changé depuis et je ne parle même pas de comparer le minitel rose à internet... J'aimerai vraiment pouvoir lire une telle étude en version récente.
Commenter  J’apprécie         00
La réussite est parfois effective sur le plan financier: des prostitué-e-s, hommes ou femmes, ont un niveau de vie qui se rapproche de celui des cadres supérieurs les mieux payés. Elle est par contre obligatoirement vouée à l’échec sur le plan de la reconnaissance sociale hors du champ particulier de la prostitution. Il est significatif que ce soit précisément chez les personnes dont le train de vie est le plus proche de celui des classes dominantes que le sentiment d’indignité sociale lié à l'activité prostitutionnelle soit le plus souvent vécu sur le mode de l'injustice. Ce qui prédispose ces personnes à tenir un discours militant, et parfois élitiste, pour une reconnaissance sociale de la profession de prostitué-e.
Pour un nombre significatif d'hommes, nous l'avons dit plus haut, la prostitution est une activité lucrative annexe à un autre emploi "officiel". Leur activité sur les trottoirs est conçue comme un "plus" pécuniaire substantiel, qui soit leur permet d vivre dans un luxe immédiat en "flambant", soir leur assure un avenir à l'abri du besoin par des placements (investissements dans l'immobilier par exemple) [...].
Dans ces conditions, l'abandon de la prostitution, même s'il peut entraîner une réduction de leur train de vie, n'est pas l'objet d'une anxiété particulière.
Il n'existe pas, et cela les sciences sociales l'ont montré depuis longtemps, d'identités de sexe abstraites et essentielles, d'être du féminin ou du masculin détaché du monde social et auquel les individus devraient se conformer comme un modèle. Il n'existe que des individus concrets, historiquement et socialement déterminés, qui luttent pour obtenir lé définition de leur identité (ou de leurs identités) la plus conforme à leurs intérêts.
La fatigue physique est bien présente chez les hommes, mais dans leurs discours on ne retrouve aucune trace de charge mentale difficile à assumer, ni de crainte d'être reconnu. Le vécu prostitutionnel est donc très différemment ressenti et assumé par les prostitué-e-s selon qu'ils ou elles sont hommes ou femmes. Tout se passe comme si les hommes disposaient de moyens de défense dont les femmes seraient dépourvues.
Ces vols, refus de payer ou viols semblent démontrer que dans les représentations de certains clients, les prostituées sont considérées comme devant être "sexuellement disponibles" en permanence. Ils n'envisagent pas la prostitution comme la vente d'un service mais comme une mise à disposition et une soumission du corps féminin prostitué au pouvoir masculin.
Lundi d'érès du 06/02/2023
"Autobiographie d'un mec sociologue du genre" :
Retour sur 35 ans de recherches critiques
Daniel Welzer-Lang, sociologue engagé, revisite 35 années de militantisme et de recherches sur le genre et les sexualités à travers son regard de « mec ». Critique acerbe de la domination masculine et de la virilité obligatoire homophobe, il plaide pour s'intéresser aussi aux hommes et au masculin, l'autre versant du genre si souvent oublié ou caricaturé.
« J'essaie de comprendre pourquoi je suis, et je reste, un homme, même si je ne suis pas que cela.»
Daniel Welzer-Lang, homme et sociologue, professeur en études genre à Toulouse, décrit son parcours où expériences personnelles et recherches sont intimement liées. Il montre comment l'étude des hommes, de leurs changements comme de leurs résistances, enrichit l'analyse globale de la domination masculine hétéronormative.
Auteur de plus d'une vingtaine de livres sur le genre, le masculin et les sexualités, témoin et souvent acteur des évolutions sur le genre depuis plus d'une trentaine d'années, il ethnographie les coulisses du masculin, y compris dans les lieux de sexualités gais, bisexuels et libertins.
Tout en explicitant ses méthodes empiriques, il présente ses analyses de la révolution actuelle du genre qui traversent époques et thèmes : de l'accueil des hommes violents par des hommes antisexistes dans les années 1980 à l'expression des fluidités de genre au sein des nouvelles générations, en passant par les liens entre homophobie et violences faites aux femmes, les renégociations sur le propre et le rangé dans l'espace domestique ou les questions sur le libertinage comme utopie.
Dans la collection
Sexualités & sociétés
+ Lire la suite