Émile Nelligan ou l'abîme du rêve

Émile Nelligan est un grand poète québécois, probablement un de mes poètes préférés (selon les jours ou les saisons). C'était une raison suffisante pour lire le roman pour la jeunesse qu'a réalisé Daniel Mativat sur sa vie et son oeuvre. Cet auteur, spécialisé dans les romans pour adolescents, a imaginé à quoi aurait pu ressembler le journal intime du poète, ce grand rêveur au destin tragique. D'où le titre Émile Nelligan ou l'abîme du rêve. Et ce ne sont pas que les vagues élucubrations d'un amateur, non, Mativat s'est beaucoup documenté, a lu sa biographie et les recherches de spécialistes de Nelligan. Ainsi, même s'il s'agit d'une oeuvre de fiction, elle est assez près de la réalité qu'a vécue le poète, retraçant les principaux événements de son histoire.

Ainsi, cette fidélité à l'histoire permet d'en apprendre davantage sur la vie difficile d'Émile Nelligan. Après tout, en tant que poète romantique, on est maudit ou on ne l'est pas ! Elle permet également aux plus jeunes de découvrir l'existence à cette époque, au tournant du XIXe siècle.

Autre élément qui démontre la rigueur de Mativat, c'est l'inclusion de plusieurs dialogues en anglais. Après tout, le père du poète était d'origine irlandaise et, dans la vie de tous les jours et surtout à la maison, il s'exprimait dans la langue de Shakespeare. Ça faisait très réaliste.

Toutefois, ce que j'ai surtout apprécié est l'inclusion de plusieurs poèmes ou extraits de poèmes de Nelligan. Vraiment bien pensé ! Après tout, il est question de raconter la vie d'un poète ! Ils étaient en nombre suffisant, judicieusement disséminés tout au long du roman.

Mon seul bémol : je me questionne quant au public ciblé par Mativat. le roman aborde directement plusieurs thèmes délicats de la vie d'Émile Nelligan (comme l'alcoolisme et les abus du père, l'abandon scolaire d'Émile, son itinérance et sa maladie mentale) – et c'est bien ainsi, il ne faut pas tout édulcorer ! – mais peut-être moins appropriés pour les douze-treize ans. D'un autre côté, le style d'écriture, son vocabulaire simple et sa profondeur limitée (tout est mâché, au premier niveau) le rend peut-être trop facile pour des adolescents plus âgés.