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EAN : 9782226446435
352 pages
Albin Michel (26/08/2020)
4.21/5   14 notes
Résumé :
Un panorama historique du mésusage des mathématiques à des fins de manipulation et d'idéologie depuis l'Antiquité. Parmi ces manipulations figurent les réflexions de L. Carroll sur les façons de truquer une élection grâce aux statistiques, les calculs de probabilité durant l'affaire Dreyfus ou encore la justification de l'eugénisme par F. Galton et K. Pearson.
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Parmi les deux auteurs, en plus de l'écrivain-essayiste Thierry Maugenest, c'est la présence d'un ancien de l'Insee qui m'a convaincu d'acheter ce livre. le duo traite de la manipulation et du mauvais usage des chiffres et des statistiques, à travers de nombreux exemples et récits historiques. On y croise les moyennes, les probabilités, les valeurs absolues et relatives, la loi normale, les algorithmes, le théorème d'impossibilité ou la théorie des jeux, mais aussi les sujets ''très Insee'' que sont l'indice des prix, le taux de chômage et son halo, le recensement de la population, le numéro d'état civil ou encore les CSP et PCS. Plus concrètement, on y parle de la pyramide de Ponzi, du dilemme du prisonnier, du droit de vote, d'anthropométrie et de graphologie, de la règle des 3 % de déficit budgétaire ou encore du comptage des décès dus au Covid.

Quel rapport entre tout ça ? Les chiffres et surtout l'usage qui en est fait, que ce soit lors de leur exploitation par des experts (mathématiciens, statisticiens, financiers, scientifiques…) ou de leur utilisation par des décideurs (politiques surtout, mais aussi employeurs, banques…). A tout moment, il suffit de peu de choses pour obtenir des résultats très différents, que ce soit par des erreurs, des malentendus, des choix de variables ou de programmation, et bien sûr par des manipulations volontaires plus ou moins malveillantes.

Plutôt que de traiter de ces pièges un à un de façon très carrée, les auteurs nous entraînent plutôt dans des récits historiques, nous contant l'histoire de tel ou tel personnage, connu ou pas, afin d'illustrer une façon dont peuvent être mal utilisés les chiffres. Très peu de formules mathématiques donc, et beaucoup de récits et de citations et extraits, voilà de quoi parler au plus grand nombre.

De fait, l'ouvrage est très plaisant à lire, malgré quelques digressions (parfois on a du mal à comprendre où les auteurs veulent en venir) ou chapitres presque hors sujet, notamment quand le sujet du Covid-19 et de sa gestion est abordé. Cependant, en ce qui me concerne (à savoir, un public plus habitué à manipuler – dans le bon sens du terme ! – les chiffres et un lecteur de livres et articles sur ces sujets), j'ai trouvé ce livre un peu léger, qui finalement survolait trop certains sujets après de longs développements historiques. Ainsi, les auteurs traitent assez vite des algorithmes et résument en une page le livre de Cathy O'Neil "Algorithmes, la bombe à retardement" que j'ai lu récemment, alors que le sujet mérite de plus amples développements.

Finalement, c'est surtout un livre sur l'usage intelligent des chiffres à l'usage des citoyens comme (et surtout) des décideurs qui nous est proposé ici, et plus généralement un livre pour aider à réfléchir et ne pas gober bêtement tout ce qu'on peut lire ou voir (au hasard, un documentaire complotiste sorti ce mois-ci et rempli de manipulations – au mauvais sens du terme cette fois – de chiffres). Un livre vivement recommandé donc même si, encore une fois et personnellement, il m'a appris peu de nouvelles choses.
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Le mot « mathématiques » évoque chez chacun des sentiments très variés : la rigueur, l'ordre, la sécurité, la curiosité, ou bien encore la nausée et la fuite. Mais les mathématiques sont partie intégrante de notre vie. Dès les premiers mois de vie, l'enfant expérimente les mathématiques en interaction avec son environnement. Il observe, il compare, il manipule, il classe, il teste, il dénombre. Et avec l'aide de son entourage, son éveil aux mathématiques peut être stimulé, boosté, amélioré (dans un monde à 3 dimensions plutôt que sur un écran, petit aparté qui a glissé de mon clavier). Parfois, certains enfants deviennent de grands mathématiciens. Et parfois aussi, les mathématiques serviront les têtes pensantes pour tromper, pour condamner ou pour dominer. C'est ce que Thierry Maugenest (auteur) et Antoine Houlou-Garcia (mathématicien) ont développé dans ce livre au nom évocateur le théorème d'Hypocrite.

Que trouve-t-on dans ce livre ? Qu'il est facile d'utiliser les nombres à des fins pas toujours bienveillantes.
Et ce, depuis l'Antiquité.
Pythagore demandera à sa cité d'entrer en guerre pour vaincre la démocratie, antithèse d'une harmonie politique où la société doit respecter l'ordre rigoureux des nombres, ce qui signifie que chaque individu doit rester à la place qui lui revient. Pythagore devient tout à coup moins sympathique (du moins pour ceux qui avait en sympathie son fameux théorème, qui n'est d'ailleurs pas forcément le sien*). Mais s'il était le seul a avoir détourné l'usage des nobles mathématiques … Non ! Une floppée de personnages vont expérimenter les nombres à des fins de contrôle, persuadés que l'on peut appliquer les formules à tout aspect de la vie, politique, société, santé, etc., ou s'en servir afin de tromper et/ou manipuler la plèbe, le citoyen lambda, celui allergique aux nombres ou celui qui a une confiance aveugle en eux.
Des exemples dans L Histoire, il y en a par poignées. Appliquer la courbe de Gauss aux phénomènes humains, j'ai trouvé ça formidable comme idée, l'expérience est toujours intéressante, on voudrait y croire, Adolphe Quetelet y a cru. Ah si on pouvait tout ranger, tout classer, tout maîtriser comme semble le pouvoir les mathématiques. Et puis non, parce que doucement on en vient à l'idée douteuse de Galton de sélection naturelle, parce que les extrémités de la courbe de Gauss, on pourrait les supprimer après tout. Et si on appelait ça l'eugénisme ?
Ah si les mathématiques pouvaient être la réponse à cet humain qu'on ne contrôle pas. Bentham a voulu quantifier le bonheur pour un peuple plus heureux. Non, décidément, là n'est pas l'utilité des mathématiques.
Alors, si on s'en servait pour tromper, pour noyer le poisson, pour endormir les foules ?
Balancer des nombres erronés en politique, biaiser des formules élémentaires, pourcentages, statistiques, publicités. On en arrive à l'ère de l'internet et des réseaux sociaux : algorithmes, achat de likes, de retweets, de followers. Et qu'en est-il des épidémies ? Qu'en est-il de tous ces chiffres dont les médias nous assomment autour du Covid19 ?

Ce livre est passionnant et inquiétant. Dans cette période où l'incertitude grandit et où la confiance est usée, ce livre nous interpelle, il appelle à la prudence et réactive la notion de libre arbitre. Creuser l'information plutôt que d'y glisser dessus.
Lien : http://www.aupouvoirdesmots...
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« Quand les chiffres paraissent, l'esprit critique n'a plus droit au chapitre. »

Cette phrase (page 332) résume presque la totalité de l'ouvrage remarquable de Thierry Maugenest et Antoine Houlou-Garcia : « Le Théorème d'hypocrite, histoire de la manipulation par les chiffres ». Elle m'a remis en mémoire le cours passionnant d'Alain Supiot au Collège de France : « du gouvernement par les lois à la gouvernance par les nombres » (2012) dont la version écrite a été publiée en 2015 (ISBN 978-2818506271). Les auteurs y font référence à plusieurs reprises.

« Le Théorème d'hypocrite » a été publié pendant la première vague de CoVID 19. Il mentionne les questions que ne pouvaient manquer de se poser des statisticiens au vu des taux d'incidence et de létalité mis en exergue pour justifier les mesures prises — en réalité « au doigt mouillé » — par les autorités sanitaires des pays riches. Bien entendu, les réponses à ces questions ne pouvaient pas être définitives, mais ce qui s'est passé par la suite a confirmé la faiblesse prédictive de modèles mathématiques bricolés par des apprentis épidémiologistes. Un commentaire critique, sous le titre « Dénoncer la fausse science épidémiologique » — incluant un vrai cours de statistiques — a été partagé par Vincent Pavan (2020, hal-02568133v3, https://leti.lt/q3u9).

Nous sommes submergés par des interprétations abusives de statistiques, dont la confusion entre corrélation et causalité est le plus souvent mise en exergue pour disqualifier des résultats. En amont de ce constat, le paradoxe de Simpson, bien connu lui aussi, est un moyen facile de (se) tromper sur les corrélations. Pages 161-166, un des exemples les plus ahurissants du « n'importe quoi » érigé en doctrine est celui de l'adoption de la règle du déficit public qui ne devrait pas excéder 3% du PIB, sachant que ce pourcentage est le rapport de deux chiffres qui ne couvrent pas le même intervalle temporel !

Dans les sciences biomédicales, les erreurs sont légion, dont les mécanismes ont bien été documentés par Alexis Clapin : « Enquêtes médicales & évaluation des médicaments, de l'erreur involontaire à l'art de la fraude » (2018, ISBN 978-2364031562). Mais, même en bonne santé, nous n'échappons pas à la manipulation de chiffres qui affectent notre style de vie, si ce n'est notre santé au final… Par exemple, les enquêtes nutritionnelles exploitant les réponses à des questionnaires sur la fréquence de consommation d'aliments (FFQ), ou des comptes-rendus nutritionnels sur 24 heures (24HR), dont les multiples biais ne font que renforcer les croyances populaires sur la qualité ou la toxicité d'aliments — cf. Edward Archer et collègues (https://leti.lt/sahu). Ces enquêtes servent à énoncer des recommandations de santé publique qui, au mieux, permettent aux gouvernants d'orienter le marché des denrées alimentaires. Autrement dit, « gouverner le réel » faute de pouvoir « gouverner à partir du réel » (page 56).

En définitive, ce que démontrent avec talent (car la lecture de cet ouvrage est un véritable plaisir) les auteurs du « Théorème d'hypocrite », c'est qu'on ne peut pas tracer de frontière hermétique entre la science bien conduite et la fraude scientifique, sauf à mettre en évidence une tromperie intentionnelle qui a sa place dans la rhétorique de personnes exerçant un pouvoir et soucieuses de le conserver.
Lien : https://lebonheurestpossible..
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Un titre qui retient l'attention « Le théorème d'hypocrite », un contenu qui soutient l'intérêt. Voilà le livre écrit par Antoine Houlou-Garcia et Thierry Maugenest, qui conduit le lecteur à travers l'histoire mondiale, en montrant quel « mauvais » usage il peut être fait des chiffres si le citoyen n'est pas vigilant. le propos est mis à la portée de tous, passionnant par les analyses historiques, économiques, politiques, sociologiques qui sont faites et qui apporte la preuve qu'un citoyen averti en vaut deux, ou comment rester prudent face à l'usage important qui est fait des chiffres pour ne pas être manipulé. Une démonstration efficace.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Quand les chiffres paraissent, l'esprit critique n'a plus droit au chapitre.
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